Affaire Palmade, chemsex et société du spectacle
Vous avez remarqué comment depuis que l’on a entendu parler de ce témoin ayant mis les enquêteurs sur la piste des vidéos pédophiles, sorte d’affaire dans l’affaire Palmade, on a aussitôt évacué le sujet du chemsex et des drogues dites de synthèse ? Pourtant, les jours précédents, nos chers médias ne parlaient que de ça, deux ou trois jours durant. Et depuis ? Fini, évacué ! Sujet suivant.
Pourtant, l’enquête l’a certifié, le comique a été testé positif à la cocaïne et au 3-MMC, une drogue de synthèse donc. Et les gendarmes ayant visité la maison de la Seine et Marne ont bel et bien retrouvé dans d’immenses sacs poubelles des seringues et des résidus de cette même drogue. Et les médias nous ont bien affirmé que Palmade et ses compères, avant l’accident mortel, étaient sous drogues depuis au moins 24 heures. Pas une et une seule, pas uniquement la cocaïne, mais un cocktail de drogues, dont au moins une se prenait par injection. En outre, on a eu droit sur nos antennes à quelques témoins parlant de ces parties fines de chemsex chez le comique. Et en guise de détails croustillants on a été servis !
"Les cathinones font partie des produits les plus utilisés pour le chemsex" rappelle le site Drogues Info Service. Le chemsex désigne la consommation de produits psychoactifs (essentiellement des stimulants) lors de relations sexuelles. Le 3-MMC peut y être ingérée, sniffée ou injectée (on parle alors de "slam"). En prenant cette drogue, les participants cherchent à augmenter l'excitation sexuelle et l'endurance.
Donc la prise de 3-MMC est directement associée à la pratique du chemsex. De ce chemsex qui a été sorti du débat. On parlait au tout début de l’affaire de cocaïne, et étonnamment alors que l’enquête a bien prouvé que la cocaïne avait été une des substances, pas la seule, prise par le comédien, on est revenu médiatiquement parlant au point de départ.
A propos du chemsex, seul le discours sur la nécessité de créer une politique de prévention au niveau national demeure, discours relayé par Jean-Luc Romero, dont l’engagement sur le sujet du chemsex depuis la mort tragique de son mari est incontestable. Le reste, c’est-à-dire la révélation à heure de grande écoute de ce qui se passait en coulisses dans ces orgies, qui cela concernait, dans quels milieux, avec quelles pratiques : oublié. Le couvercle à peine soulevé a été reposé. J’en connais qui ayant dû avoir quelques frayeurs à présent peuvent souffler.
On entend même, sur une certaine antenne, dire que les réseaux s’étaient excités à vide sur le chemsex, que tout cela procédait de fantasmes venus de l’extrême droite, que l’homophobie latente avait une fois de plus franchi la ligne jaune. Autrement dit, ce qui fut dit, ce que confirma en partie l’enquête, on a tous dû rêver, et se faire quelque peu balader par des relais de discours réactionnaires trop heureux de pouvoir sortir du bois pour taper à bras raccourcis sur la communauté LGBT. Bref : le retour du Padamalgam, ce médicament à prendre une fois le matin pour être situé dans la bonne case.
Et donc, en marge du nouvel épisode la série Netflix qui tourne autour de la pédophilie présumée du comédien, on rouvre nos antennes à des addictologues que l’on questionne à dessein à propos du fléau de la cocaïne, en effet en plein essor en Europe, ce qui est indéniable. Et qu’il nous faut éradiquer par davantage de prévention. Et Darmanin nous sort de son chapeau l’idée d’une nouvelle loi pour pouvoir être encore plus répressif envers les conducteurs sous substance – alors même que les textes de loi actuels contiennent tout ce qu’il faut pour l’être.
La comédie politico médiatique dans toute sa splendeur : chacun fait semblant de ne pas ne souvenir de ce dont on parlait avant, les journalistes orientent les sujets, les experts s’insèrent dans le dispositif sans poser la moindre question hors du cadre, et on passe à la case réclames en bonne conscience. On a fait le job, au sujet suivant.
Charles Pasqua, un maître en la matière d’intrigues et de coups tordus, avait pour coutume de dire que pour se débarrasser d’une affaire gênante en haut lieu il convenait de créer une affaire dans l’affaire afin de troubler la compréhension d’ensemble et conduire l’opinion à regarder ailleurs. Ce qui se passe actuellement dans le petit théâtre dénoncé en son temps par Guy Debord. Assommés d’informations contradictoires et scandaleuses, le téléspectateur, comme à la fête foraine, ne sait plus où donner de la tête : les illusionnistes ont prévu trop d’attractions dans un délai trop court, il est comme soulevé de terre puis ébloui par trop de lumières aveuglantes pour y voir clair. Ayant une vie et ayant été par trop soulevé d’émotions fortes par les révélations successives, il n’a plus sa faculté de compréhension intacte, et on a tout fait pour. La série est trop riche, la série va trop vite, les faits s’additionnent et s’oublient quasiment en temps réel. Et puis si cette affaire le scandalise, il a aussi d’autres problèmes. Après tout cela ne le concerne que de loin, même si au comptoir on ne parle que de ça, demain on parlera d’autre chose.
En haut lieu on souffle. Les révélations sur certaines pratiques concernant certaines personnes demeureront dans le secret. Si pour les victimes du chemsex le silence équivaut à terme à une mort sociale et une mort tout court, pour ces dernières, consommatrices, importatrices ou distributrices, c’est l’inverse qui est vrai. Entre les unes et les autres, le choix est vite fait.
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