Afrique-France : les ingrédients d’une (future) tournée réussie
De l’aveu unanime, la dernière tournée du président français, Nicolas Sarkozy, en Afrique ne restera pas dans les annales. Censée être annonciatrice d’une nouvelle ère dans les relations entre la France et le continent africain, elle a en réalité témoigné d’un conformisme et d’une certaine continuité par rapport au passé.
Les motifs de déception sont nombreux.
On en retiendra cinq :
- le choix du parcours est certainement celui qui a
fait le plus couler d’encre. La Lybie (pour des raisons contingentes),
le Sénégal et le Gabon : on en conviendra, le tracé aurait pu être plus «
original » pour qui revendique la rupture ;
- le discours prononcé par Nicolas Sarkozy a
également fait jaser. Un peu en France, beaucoup en Afrique. En mettant
l’accent sur la colonisation et l’esclavage, le président français a
semblé se tourner moins vers l’avenir que vers le passé, en dépit de
ses appels répétés à la jeunesse africaine à relever le défi du
développement du continent. La première préoccupation des jeunes
Africains aujourd’hui - il serait temps de s’en rendre compte -, c’est
de trouver un emploi pour subvenir à leurs propres besoins et construire
une famille ;
- l’absence de propositions concrètes pour jeter
les bases d’une nouvelle politique de la France en Afrique est
également frappant. On ne peut se contenter pour cela de prononcer de
grands discours et d’énoncer de grands projets, à l’instar de
l’Eurafrique, avatar subsaharien du projet chimérique d’Union
méditerranéenne dont l’idée remonte aux années 1960... « Pour savoir ce que sera, concrètement, la politique de la France en Afrique, il faudra », comme le dit Elise Colette dans Jeune Afrique, « repasser » ;
- on peut déplorer, par ailleurs, l’oubli - il n’y a pas d’autre mot - des chefs d’entreprise : « Je voulais donner une dimension plus politique à ce voyage », se justifie Nicolas Sarkozy. « Et il est vrai que je n’ai pas convié d’industriels... Pour la Chine en novembre, j’y penserai ».
Il est vrai qu’il n’y a pas matière à entreprendre en Afrique. Demandez
d’ailleurs aux Chinois, aux Indiens, aux Brésiliens, aux pays du Golfe,
aux Américains, aux Britanniques, etc. ;
- oubli des entreprises, mais pas des ONG sur lesquelles l’accent a été mis au Gabon en particulier pour leur action en faveur de la protection de la forêt équatoriale. D’une manière générale, elles font - pour certaines d’entre elles en tout cas - et quel que soit le domaine, un travail remarquable. Mais si la valeur de leurs engagements, et des hommes qui les animent, ne peut être mise en doute, il est totalement illusoire de croire que leurs actions soient susceptibles à elles seules de faire face aux défis de toute sorte du continent. Là aussi, l’accent mis par le politique sur le rôle des ONG, dans le combat pour le développement, n’est qu’un cache-misère de la longue absence de vision africaine de nos dirigeants. Seule présente sur le terrain de l’urgence, elles se voient souvent investis de missions hors de leur compétence et, d’un point de vue qualitatif et quantitatif, loin des réponses adéquates dont l’Afrique a besoin. Mettre en avant les ONG est, en réalité, souvent une solution de facilité et de confort pour des pouvoirs publics qui se sentent ainsi délestés d’un fardeau qu’ils ne souhaitent ou ne peuvent supporter.
Nicolas Sarkozy aura toutefois l’occasion de se rattraper très bientôt. Une nouvelle tournée africaine est en effet annoncée pour cet automne. S’il souhaite que celle-ci soit davantage réussie que la précédente, il devrait :
- s’extraire des sentiers battus s’agissant du
tracé de la visite. On parle actuellement de l’Afrique du Sud (pays
incontournable) et du Ghana (modèle de réussite en Afrique de l’Ouest),
deux pays anglophones qui ne relèvent pas de l’ancien pré carré
français et qui ont actuellement le vent en poupe. On évoque également
le Congo (le plus grand pays francophone en Afrique subsaharienne par
sa superficie et sa population), voire le Rwanda. Si ce trajet est
finalement retenu - ce qui est souhaitable -, attention cependant à ne
pas snober l’Angola, le plus grand pays lusophone du continent sur
lequel devraient davantage se pencher les investisseurs français ;
- prononcer un discours résolument tourné vers l’avenir. C’est la seule chose qui intéresse aujourd’hui les populations africaines, les jeunes en particulier ;
- avancer des propositions concrètes et remiser les grands projets, plus efficaces en termes de « com » que dans la réalité (voir, à cet égard, l’exemple du NEPAD) ;
- redonner à l’Economique toute sa place dans la relation nouvelle entre la France et l’Afrique (aujourd’hui dominée par le politique et le militaire). Pour cela, Nicolas Sarkozy ne devra pas cette fois-ci oublier d’emmener avec lui quelques entrepreneurs, notamment ceux (il y en a) d’origine africaine...
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