Afrique : quand la France s’isole
Les désastres de l’immigration choisie
Dimanche 29 avril, les Maliens ont voté pour élire (ou réélire) leur président. Cet acte démocratique nous rappelle que le Mali est un des pays les plus démocratiques de l’Afrique de l’Ouest. Mais il est aussi l’un des plus pauvres du monde.
L’accroissement de cette pauvreté rampante dans les pays d’Afrique de l’Ouest pousse chaque année près de 100 000 Africains à s’expatrier en France (1) pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. De manière ostentatoire, ce dévouement solidaire se traduit souvent par une longue file d’attente face aux guichets Western Union vers le 5 de chaque mois. Mais, il cache aussi la vie désœuvrée de ces hommes et de ces femmes qui vivent reclus dans les chambrettes bondées des foyers Sonacotra, loin de leur famille et de leurs amis. Loin de leur cultures et de leurs origines. Loin de la terre qui les a vus naitre.
Pourtant ce qui était encore hier perçu par ces hommes comme un dernier espoir risque bientôt de se réduire à une peau de chagrin. Monsieur Sarkozy l’a dit, pour lui, l’immigration ne se résume pas à la seule nécessité de survivre ailleurs que dans son pays d’origine. Le simple fait de vouloir vivre au pays des droits de l’homme n’est d’ailleurs pas un critère de sélection. Chaque prétendant doit avoir mûrement étudié son choix de venir en France pour travailler (2).
Ce portique de détection du bon immigrant se présente sous la forme de divers formulaires. A remplir selon ses capacités. Il faut savoir lire, écrire, et parler français, donner l’identité de son employeur, son lieu de travail et son futur salaire, et, bien sûr, indiquer son adresse en France pour justifier d’un logement (3). En d’autres termes, "montrer patte blanche", ce qui, pour un Africain, s’énonce comme un mauvais jeu de mots.
Au train où vont les choses, les Africains ne pourront donc bientôt plus s’offrir le luxe de balayer les rues de nos communes, de construire nos immeubles, ou encore de goudronner nos routes. Et ce goulot d’étranglement aura pour effet mécanique, non seulement d’affecter profondément les relations entre les pays de l’Union africaine* et la France, mais surtout d’ouvrir la porte encore plus grand aux investisseurs chinois sur le marché du CFA. En effet, à Bamako comme ailleurs, on ne compte plus désormais les enseignes aux symboles pinyin(4). Les commerces fleurissent, les entreprises s’implantent à tour de bras faisant de cette terre ocre un nouveau jardin d’expansion économique. Les marchés foisonnent de produits made in China, reléguant petit à petit le boubou multicolore aux rayons des habits traditionnels (5).
Dès lors, à trop vouloir se protéger, la France pourrait bien s’isoler. Et ceci pour deux raisons.
Premièrement parce que les emplois à venir, inhérents notamment à la croissance du secteur de la construction (6), trouveront plus facilement leurs nouveaux salariés dans la zone euro que dans les régions d’Afrique de l’Ouest ou du Maghreb.
La libre circulation des travailleurs de l’Union européenne met en effet à disposition des entrepreneurs une main-d’œuvre bon marché, mais surtout (et c’est là son avantage) affranchie des contraintes administratives liées à l’immigration (7). Mais cette manne ouvrière a aussi ses inconvénients, car, même s’ils séjournent plusieurs mois de l’année par an en France, ces travailleurs bulgares, polonais ou roumains sont généralement peu disposés à s’y installer de manière définitive. En effet, seuls 4% décident de devenir résidents permanents, la majorité préférant conserver leur statut « d’intermittents » du fait des différences culturelles et de la proximité de leur pays d’origine, sans parler du poids des impôts, des taxes courantes et de la vie chère qui les contraint à consommer un minimum pour économiser au maximum.
Le profit économique pour la France est donc quasi nul, voire même négatif si l’on considère l’écart entre ce qui sort de la poche des employeurs et ce qui entre finalement dans les caisses de l’Etat.
Deuxièmement parce que la France ne pourra plus se prévaloir à l’avenir de ses soutiens africains aux Nations unies. Ces « petites » nations, « partenaires » historiques de la France, ont souvent fait pencher la balance en faveur des diverses positions françaises sur la scène politique internationale. Or, depuis 2004, on note de la part de ces pays africains francophones une tendance à voter principalement au profit de leur homologue chinois dont les orientations sont souvent contraires à celles des représentants français (8). Question de bon sens et de survie économique. De ce fait, on peut craindre que les désaccords annoncés concernant des sujets sensibles tels que la protection de l’environnement ou la réglementation des libres-échanges commerciaux risquent fort d’échapper complètement au contrôle de la France.
Au final, le régime de banane prôné par la politique d’immigration de monsieur Sarkozy fera perdre à la France la charge pondérale tant décriée par l’extrême droite, celle-là même qui lui donnait son élan, son charisme, et ses couleurs.
2. Discours de Nicolas Sarkozy juin 2005
3. "Pour une immigration choisie"
4. http://www.essor.gov.ml/cgi-bin/view_article.pl?id=13775
5. Marianne
6. http://www.btp.equipement.gouv.fr/article.php3?id_article=372
7. Début mars 2006, le gouvernement français a décidé d’une "suppression progressive et contrôlée des restrictions" à la libre circulation des travailleurs en provenance de l’UE . L’ouverture partielle du marché du travail français a donc débuté dans des secteurs avec une faible offre de main-d’oeuvre (ex : systèmes de soin, hôtels et restaurants, transports et construction). En décembre 2006, la France a décidé d’inclure les travailleurs bulgares et roumains dans ce système sous les mêmes conditions.
8. Résultats des votes de l’Assemblée Générale de l’ONU depuis 2006
* Il y a actuellement 53 pays membres de l’UA
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