Agriculture et coronavirus : l’entêtement à ne pas tirer les leçons !

Agriculture et coronavirus : l’entêtement à ne pas tirer les leçons !
Il est des moments où nous devons rompre avec une certaine unité nationale, même dans un contexte aussi troublé !
Mercredi 15 avril 2020, dans une tribune libre rédigée dans le journal numérique l’Opinion, le député LREM Jean-Baptiste Moreau et éleveur de bovins dans la Creuse appelle à soutenir les éleveurs, les agriculteurs.
Monsieur Moreau s’indigne que les supermarchés ne favorisent pas les produits français et continuent d’importer encore davantage, ose parler de souveraineté alimentaire comme Monsieur le Président a osé parler d’indépendance agricole.
Ne serait-il pas temps de créer une législation qui obligerait les industriels à se fournir prioritairement, et au maximum, de produits français ?
Monsieur Moreau ose parler de souveraineté, mais qui a vanté, soutenu, voté le CETA ?
Rappelons que cet accord va permettre au Canada d’exporter ses viandes bovines et porcines en Europe et que cette dernière pourra exporter en échange...des voitures (allemandes, par excellence !)…
Oui, c’est encore une fois l’Agriculture qu’on a assassiné, la France qu’on désagricole….et maintenir l’état provisoire du traité n’incite aucunement à la confiance !
Monsieur Moreau veut soutenir le monde paysan, dont il fait partie. C’est tout à son honneur, nous ne rechignerons pas là-dessus !
Mais, venant de la part du rapporteur de la loi EGALIM, cela nous laisse pantois…
Car cette loi Egalim n’a pas eu les effets escomptés, c’est un véritable échec, les industriels continuent à s’en mettre plein les poches.
Mais quand on lit jusqu’à la fin, on s’aperçoit que Monsieur Moreau ne perd pas le fil…
« Il ne s’agit pas non plus de renverser toute la matrice économique de notre modèle agricole et alimentaire : notre agriculture française aura toujours besoin d’exporter et d’importer après cette crise. »
Dans le dernier paragraphe, Monsieur Moreau affirme que le commerce international devra changer « pour que les normes de tous les pays convergent dans la même direction : vers la santé de tous et la protection de la planète, vers la qualité plutôt que vers les prix bas, vers les productions équitables et la solidarité. Si nous voulons éviter la perte de notre souveraineté alimentaire, l’État et l’Europe doivent dès maintenant prendre leurs responsabilités. »
Malheureusement, les normes de chaque pays ne pourront jamais converger puisque chaque pays a ses propres besoins, ses propres demandes. Si Monsieur Moreau en a sincèrement la volonté, qu’on commence par abroger les accords commerciaux néfastes pour notre Agriculture et notre souveraineté nationale ( tels que le CETA et le MERCOSUR), qu’on s’engage à réguler les productions et instaurer des prix rémunérateurs (ce dont Monsieur Moreau semble vouloir, mais cela aurait déjà du être fixé dans la loi Egalim).
Le ministre de l’Agriculture ne semble pas également vouloir un bouleversement profond.
Dimanche 12 avril 2020, sur la chaîne de télévision France 3, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume a été catégorique : « Ils ont disparu, il n’y a plus de quotas laitiers. Donc on en est plus là aujourd’hui ».
Certains vont me faire un procès, me dire que je cherche la petite bête...mais non.
Dans mon précédent papier, je démontrais la forfaiture de la FNSEA qui récupère à sa sauce une demande des éleveurs laitiers qui faisaient grève en 2009, à savoir une baisse de 5 % de la production.
Disons le clairement, sans contrôle, ni régulation, ni maîtrise de la production, c’est la catastrophe. Le système des quotas créé en 1983, quoiqu’on en dise, permettait de maintenir un certain prix. Le système libéral d’avant 1983 ne fonctionnait pas, pourquoi celui d’après 2015 fonctionnerait-il ?
Les éleveurs sont enfermés dans un système agricole à l’agonie, on le voit depuis plusieurs années. D’un point de vue économique, ils n’ont plus de marge de manœuvre et je ne parle que des éleveurs laitiers...allez demander aux éleveurs de bovins viande si c’est mieux…
Enfermés dans un système où les vendeurs de semences, de produits en tous genres n’ont pas intérêt à ce que les producteurs deviennent autonomes !
Où on demande d’agrandir les exploitations, la production et de compresser les coûts de production. Maintenant, on doit agrandir son troupeau pour percevoir un prix qu’on devrait normalement toucher sans être obligé d’agrandir son cheptel !
Une crise doit permettre de trouver des solutions, de changer de méthodes.
Non, ce qui semble désormais habituel, c’est en cas de crise, on stocke le surplus, on écoule très lentement pour pas donner de l’argent aux producteurs, et en temps normal, on maintient un prix faible…
Excusez-moi, mais grossièrement, c’est cela !
Alors faut-il être pessimiste et dire que tout est foutu et se résigner ? Hélas, c’est la voie de bon nombre de producteurs….ou faut-il continuer à se battre désespérément pour apercevoir le bout du tunnel ?...
C’est bien dommage de ne pas vouloir remettre en cause la mondialisation financière et libérale qui asservit nos agriculteurs et éleveurs dans un système mortifère.
Cela demande beaucoup de courage d’enclencher un virage à 180°, ce virage qui aurait pour but de renouer avec une Agriculture au service de ses paysans, de ses territoires et de ses consommateurs.
Mais d’autres choisissent de faire un virage à 360° pour rester dans un système, à vrai dire passéiste, agro-productiviste industriel mondialisé où est demandé aux Paysans de s’agrandir et de compresser leur coût de production pour ne plus rien gagner.
Valentin Lagorio, secrétaire-général-adjoint à l’UPF.
19 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON