Ah ! Le joli mois de mai
A cette époque, j’étais encore dans mon berceau ; ou plutôt, dans mon lit : à 19 heures, il fallait être couché.
J’ai découvert Mai-68, dix ans après le mois de mai de l’année 1968.
Aujourd’hui encore, mais... trente ans plus tard, je serais bien en peine d’en partager le ressac, les remous, les tourbillons et d’accompagner le retour de tous les enfants prodigues en commentaires de toutes sortes sur cette époque bénie entre toutes les époques : la seule, à leurs yeux.

Je pense aux discours qui ont été tenus et qui ont continué d’être débités ici et là, jusqu‘au milieu des années 70 ; je pense aussi à ceux qui les faisaient et les défaisaient tous ces discours, au gré des circonstances et de leurs humeurs.
Plus tard, ceux qui avaient tenu le haut du pavé sont allés exercer leur talent dans la publicité, à la radio, à la télé ou bien dans des journaux qui n’étaient pas toujours révolutionnaires, dans des gouvernements aussi ; des gouvernements de centre-gauche ; et puis fatalement, des gouvernements de droite, les jours de vaches maigres.
Aujourd’hui, on me dit que les inégalités n’ont jamais été aussi criantes.
A tous ces anciens mercenaires de Mai et de l’après-Mai, payés à la ligne, seul le pouvoir économique semble avoir échappé. Rien de surprenant à cela : si l’argent est sacré, les bénéfices le sont tout autant. Et puis, on ne badine pas avec les cancres et les dilettantes qui n‘y ont pas leur place car, foin des discours et de la limonade, dans ce milieu, seul le retour sur investissement est digne de considération : on vous jugera donc sur votre compétence, votre efficacité et vos résultats.
D’autres encore - comble de paradoxe, et puis parce que le ridicule ne tue plus -, ont fini chez les curés (ou les rabbins !) : "Après moi, chacun pour soi et Dieu pour tous !" Il s’est agi là, très certainement, d’une forme d’autopunition ; d’aucuns penseront à une tentative de recherche de salut, rédemption incluse, au terme d’un engagement et d’un fourvoiement jugés, après coup, quasi indignes.
Quoi qu’il en soit, tous ces convertis défroqués puis, reconvertis, dirigeaient des groupuscules dits d’extrême gauche (non, on ne ricane pas !). Je pense, en particulier, à la fameuse nébuleuse appelée "Gauche prolétarienne", entre autres groupuscules fameux et inconnus.
Après Mao... Dieu.
Soit !
Ah ! Ces gauchistes alors ! Toujours en quête d’absolu, toujours à la recherche d’un chef, d‘un capitaine, d‘un maquereau ou d‘une mère maquerelle à qui remettre la caisse et les clés en fin de journée.
***
En Mai-68, des carrières et des vies ont été brisées pour ceux qui, en poste, ont pris quelques risques, dans le privé comme dans le public.
Des jeunesses ont été gâchées, d’autres perdues : on aura abandonné ses études pour poursuivre le beau rêve de Mai et ses leaders charismatiques.
Certes, on a mieux vécu après Mai-68 qu’avant : des OS de chez Renault ont pu gagner un peu plus en travaillant moins. C’était toujours ça de pris ; même si leurs fils et filles ne sont pas allés, pour autant, au lycée, à l’université et dans les grandes écoles ou bien dans des filières qui comptent vraiment, pour y réussir.
Après Mai-68, on a fait un peu plus l’amour : les femmes notamment.
On n’a plus fait la guerre. C’est vrai ! D’autres s’en sont chargés, sous d’autres tropiques, ailleurs, loin.
En Mai, on a interdit d’interdire, avant de jeter le bébé avec l’eau du bain ; la culture bourgeoise a fini par raser les murs, baissant la tête, couverte de honte...
Et le divertissement est arrivé ; aujourd’hui, triomphant sans conteste.
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Une chose est certaine : les entrepreneurs de spectacles ne viendront pas nous vendre l’égalité des chances, la liberté et la fraternité, ni nous parler de la réalité et de la vérité des faits, des choses et des événements de la condition humaine. Et pas d’utopie ni de théorie critique fumeuses non plus.
Nul doute : ces producteurs-là seront tous irréprochables parce que... intègres ; et intègres parce que... sans projet...
Pour les siècles des siècles.
***
Mais alors ! A qui les générations qui nous succéderont, demanderont-elles des comptes ?
Et sur quoi ?
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Tableau exposé : Humain, trop humain : révélation, diptyque 100x180 acrylique sur toile de l’artiste peintre Ursula Uleski.
Sa galerie à l’adresse suivante : http://peinture.artiste.uleski.over-blog.com
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