Aix-Marseille-Provence, la nouvelle métropole manque d’audace
Aix-Marseille-Provence sera un bel ensemble et représente l'avenir. Pourtant, il manque, à cette belle idée, le petit zeste d'imagination et d'innovation qui fera décoller la métropole à venir.
La deuxième conférence métropolitaine, qui s'est tenue le 20 décembre 2013 au palais du Pharo à Marseille, a permis de mesurer les progrès réalisés en un an. La réflexion collective avance. Elle permet de construire une stratégie collective, devenue indispensable car les difficultés s'accumulent sur ce territoire aux potentialités indéniables.
Toutefois, sur deux thèmes cruciaux, les propositions ne se révèlent pas convaincantes.
L'un des chantiers s'intitule mobilité et accessibilité. La métropole voit les trois principaux corridors d'accès à Marseille accueillir chacun, chaque jour, plus de 50000 véhicules individuels. Cette quantité a augmenté de 20% ces dix dernières années. Cette croissance va continuer, de 15 à 30% à l'horizon 2040. L'embolie se prépare. Chacun en a conscience, pris entre la nécessité de trouver des solutions collectives et la nécessité individuelle de se déplacer : le palais du Pharo étant desservi par une seule ligne de bus, il est probable que la grande majorité des participants à la conférence a utilisé sa propre voiture.
Les solutions proposées ne semblent pas convaincantes : aménager le pivot de la gare Saint-Charles et installer des voies dédiées aux cars sur les autoroutes. C'est une conception ancienne et dépassée qui s'intéresse en priorité aux grandes infrastructures. Dans la crise longue que nous vivons, où l'argent se fait rare, les évolutions des grands axes ne pourront pas répondre à la mutation urbaine en cours.
Ce qui caractérise la métropole Aix Marseille Provence, c'est son polycentrisme, l'étalement et l'émiettement urbain. Augmenter de 10% la vitesse des bus dans les corridors ne répond pas aux besoins d'habitants qui ne se déplacent pas du centre d'Aix à la gare Saint-Charles mais, par exemple, d'Eyguières à Luminy. Jamais l'offre de transports en commun ne pourra répondre, de manière satisfaisante, à toutes les demandes singulières. Les dizaines de villages péri-urbains doivent être reliés rapidement aux multiples pôles marseillais mais aussi à la douzaine de centres urbains qui constituent la métropole.
Un des maîtres mots de la journée fut le verbe fluidifier. Il vaut mieux consacrer l'essentiel des moyens financiers à la diminution des voitures individuelles se déplaçant dans les principaux corridors. Les nouvelles mobilités alternatives (vo-voiturage, autopartage, coworking, ...) vont permettre d'utiliser un seul véhicule pour plusieurs trajets individuels. Mais ces nouveaux moyens de transport se heurtent, pour l'instant, à la difficulté de faire se rencontrer l'offre et la demande.
Comment connaître celui qui, comme moi, se rend chaque matin, d'Eyguières à Luminy ? Or, notre époque, avec le développement de la géolocalisation et du haut débit, va permettre de répondre à cette question.
La métropole peut devenir un pôle innovant dans ce domaine. Il vaut mieux consacrer l'essentiel des moyens financiers dévolus aux mobilités au développement d'une plate-forme numérique commune permettant à chacun de trouver le bon véhicule au bon moment plutôt que de continuer à vouloir perdre de l'argent dans l'amélioration des infrastructures.
Le mobile sera au coeur de nos mobilités : grâce à lui, nous pourrons nous déplacer rapidement dans la métropole, c'est l'idée que nous défendons depuis 4 ans.
L'autre thème, où la réflexion stratégique ne permet pas de répondre aux difficultés, à venir est celui de la disponibilité foncière. 1000 hectares de terres agricoles disparaissent chaque année et pourtant le territoire se révèle incapable d'accueillir les entreprises car le foncier, dans les zones d'activités, est saturé à 98%. Les prix de l'immobilier ne baissent pas malgré la crise, signe d'une demande toujours forte face à une offre insuffisante.
Si le territoire veut préserver sa prestigieuse armature naturelle qui représente un de ses principaux atouts, il faudra en effet se contenter des espaces déjà urbanisés. Les propositions faites à la conférence se tournent vers l'entre-deux, le travail à la marge sur les restes du puzzle fragmenté d'une urbanisation qui a déjà utilisé toutes les ressources à sa disposition.
Mais ces solutions ne peuvent convaincre : comment loger les 200 000 habitants supplémentaires attendus ? Comment répondre à la demande des entreprises et des ménages qui cherchent des espaces toujours plus chers ? Là aussi, l'embolie menace alors que nous ne voyons pas émerger des propositions convaincantes, et à la hauteur des enjeux.
Il n'y a pourtant qu'un seul chemin possible : celui de la densification des espaces. Face à l'étalement urbain subi, il faut inventer un nouvel urbanisme qui permette de repolariser l'habitat et les activités.
Là encore, il faudra innover. Le rehaussement des immeubles, la surélévation des bâtiments existants et la réaffectation des activités vont permettre de construire une densification cohérente. Certes, il faudra, pour y arriver, que le législateur s'empare de la question et donne les moyens aux copropriétaires d'assumer la re-construction de leurs biens.
Mais ces outils vont permettre d'augmenter l'offre d'espaces d'activités et de logements tout en facilitant la transition énergétique. La vente des nouveaux espaces créés par le rehaussement va, en effet, permettre de financer la rénovation énergétique du bâtiment ancien.
La surélévation peut devenir une méthode innovante qui va dynamiser l'offre foncière en allant la trouver là où on ne la cherche pas : sur nos toits. Les techniques existent, il ne reste plus qu'à les appliquer.
La réaffectation des activités peut offrir d'autres pistes comme le montre cet exemple qui conjugue culture d'innovation, transition énergétique et cohésion sociale : comment re-utiliser les futures friches commerciales ?
L'OCDE vient de publier un rapport qui décrit les atouts de cette métropole et la nécessité d'une "croissance plus inclusive". C'est en travaillant sur les transports, l'environnement et la qualité de vie de ses habitants que le développement économique pourra se poursuivre. Aix-Marseille doit surmonter ses fragmentations en inventant une nouvelle façon de "faire corps".
Prenons un exemple significatif : le consensus existe autour de la nécessité de créer un objet emblématique comme le ticket unique de transports publics. De nombreuses métropoles en sont équipées. Mais il faut voir plus loin encore, il faut inventer l'application unique qui va relier -via leur téléphone mobile- tous les voyageurs et tous les moyens de transport de la métropole
Conclusion : réalisée par la mission interministérielle pour le projet métropolitain Aix-Marseille-Provence, la réflexion conduite mérite le respect pour sa qualité et sa pertinence. Elle lui manque seulement l'audace de ceux qui savent anticiper sur les idées innovantes, s'en emparer pour disposer de l'avance qui fera la différence avec les métropoles concurrentes.
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