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Accueil du site > Tribune Libre > Alain de Benoist contre la « mêmeté »

Alain de Benoist contre la « mêmeté »

On ne présente plus Alain de Benoist à tous ceux qui observent les temps présents, se réapproprient le passé et s'interrogent sur l'avenir. 

 Ce fondateur de la Nouvelle Droite, qui a dit un jour que « la plupart des gens de droite n'ont pas d'idées », se permet de survoler les âges avec l'aisance de celui qui sait convoquer ses connaissances proprement encyclopédiques. Autant ses analyses anthropologiques s'avèrent souvent judicieuses, autant ses prises de position plus politiques demeurent sujette à débat.

L'ouvrage qu'il vient de publier* est une réponse au débat d'actualité sur l'idéologie du genre. Mais ne nous y trompons pas. L'auteur saisit cette opportunité pour porter l'analyse à la hauteur du véritable enjeu : la tentative d'instaurer un nouveau code comportemental s'appuyant sur une nouvelle doxa.

La première partie, intitulée « Le nouvel ordre moral » montre la logique libérale à l'oeuvre et son procès universel de marchandisation qui subvertit l’ancienne morale pour aboutir à une emprise sur les comportements. L'hygiénisation des mentalités fait du corps l’objet ultime de l’attention « citoyenne », de même que l’on se souciait jadis de sauver son âme. La niaiserie remplace la réflexion, le compassionnel et la victimisation remplacent l’attention portée aux hommes concrets et tendent à effacer toute hiérarchie des valeurs. L'emprise médiatique n'est pas pour rien dans ce recours incessant aux émotions. Le recul de l’éducation et de l’autorité des parents participent de l' appauvrissement de la langue qui soutend le politiquement correct. L'auteur s’interroge sur le refus de la discrimination qui devient aujourd’hui le mal en soi. Le refus de l’altérité et la recherche effrénée du semblable conduit Alain de Benoist à forger le néologisme « mêmeté. ». Il constate la montée d'une nouvelle classe qui « entend domestiquer le peuple parce qu’elle en a peur, et elle en a peur parce que ses réactions sont imprévisibles et incontrôlables. Pour remédier à cette peur, elle cherche à en inculquer une autre au peuple : la peur de déroger aux normes, de penser par soi-même, de se rebeller contre le désordre établi. » La suprême habileté consiste à faire intérioriser la censure par les censurés eux-mêmes.

La seconde partie, portant sur ce qui pourrait être l’apogée de l’indistinction, décrit la construction dans le féminisme américain de « l’idéologie du genre ». Alain de Benoist souligne les divergences entre féministes différentialistes et féministes égalitaires, les excès qui conduisent au ridicule. Une partie des féministes adopte la distinction établie par le psychanalyste Robert J. Stoller entre sexe (biologique) et genre à partir de l’étude clinique des transsexuels. L’idéologie du genre s'affirme comme volonté de séparer le sociétal du corporel, de nier les déterminismes naturels et de considérer les déterminismes sociétaux comme modelables. La société de la "libération du désir" ne libère pas le désir, mais s'en libère. L'auteur critique cette idéologie en utilisant les données de l’ethnologie autant que de la recherche biologique la plus récente. On peut regretter à ce stade qu'Alain de Benoist ne prenne pas appui sur le courant principal de la psychanalyse, représenté en France notamment par Jean-Pierre Winter et Sylviane Agacinsky, se privant ainsi de la dimension psychique du problème.

La troisième partie s'attache à décrire « une nouvelle guerre des sexes ». L'auteur y reprend la critique implacable d’un monde en voie de féminisation, critique familière à un Jean-Claude Michéa qu’il cite beaucoup. Gérard Mendel, que de Benoist aurait pu citer, avait déjà pointé il y a quarante ans dans sa « révolte contre le père » la prévalence irrésistible de l'imago maternelle sur l'imago paternelle dans notre société moderne, notamment de l'Etat maternant sur l'Etat régalien. Dans un article intitulé « le règle de Narcisse », en 2006, il avait résumé cette thématique en une seule phrase saisissante :

« De cette féminisation témoignent déjà le primat de l'économie sur la politique, le primat de la consommation sur la production, le primat de la discussion sur la décision, le déclin de l'autorité au profit du « dialogue », mais aussi l'obsession de la protection de l'enfant (et la survalorisation de la parole de l'enfant), la mise sur la place publique de l'intimité et les confessions intimes de la « télé-réalité », la vogue de l' « humanitaire » et de la charité médiatique, l'accent mis constamment sur les problèmes de sexualité, de procréation et de santé, l'obsession du paraître, du vouloir-plaire et du soin de soi (mais aussi l'assimilation de la séduction masculine à la manipulation et au « harcèlement »), la féminisation de certaines professions (école, magistrature, psychologues, travailleurs sociaux), l'importance des métiers de la communication et des services, la diffusion des formes rondes dans l'industrie, la sacralisation du mariage d'amour (un oxymore), la vogue de l'idéologie victimaire, la multiplication des « cellules de soutien psychologique », le développement du marché de l'émotionnel et de l'apitoiement, la nouvelle conception de la justice qui fait d'elle un moyen, non plus de juger en toute équité, mais de faire droit à la douleur des victimes (pour leur permettre de « faire leur deuil » et de « se reconstruire »), la vogue de l'écologie et des « médecines douces », la généralisation des valeurs du marché, la déification du « couple » et des « problèmes de couple », le goût de la « transparence » et de la « mixité », sans oublier le téléphone portable comme substitut du cordon ombilical, la disparition progressive du mode impératif dans le langage courant, et enfin la globalisation elle-même, qui tend à instaurer un monde de flux et de reflux, sans frontières ni repères stables, un monde liquide et amniotique (la logique de la Mer est aussi celle de la Mère). »

*Alain de Benoist, Les Démons du Bien : Du nouvel ordre moral à l’idéologie du genre, éditions Pierre-Guillaume de Roux, novembre 2013.


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9 réactions à cet article    


  • Rincevent Rincevent 24 mars 2014 17:07

    Ah, Alain de Benoit http://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_de_Benoist et donc le Club de l’Horloge http://fr.wikipedia.org/wiki/Club_de_l%27Horloge La plupart sont partis au FN, maintenant.


    • LADY75 LADY75 25 mars 2014 15:11

      Lady Panam’ s’en mêle :

      « Parler de Droite pour Alain De Benoist ? Parlez d’un euphémisme.. Le courant néo paganiste, qui flirte avec les mythes nazis, parsème son journal de runes très décoratives, de retour aux mythes ante chrétiens de l’Europe.. C’est de l’Ahnenerbe relookée.. »
      Là, faut r’connaître qu’y modernise.. Y fait un peu d’Zemmour (la féminisation d’la société« ) pour faire passer la pilule.. mais ça reste quand même un nostalgique d’une vision de l’Europe qui eût cours entre 1933 et 1945.. »


    • LADY75 LADY75 25 mars 2014 15:13

      Lady Panam’ rétorque :

      « Alain De Benoist un grand intellectuel ? A c’compte là, Faurisson est un grand chercheur et Dieudonné un comique hilarant ! »


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 24 mars 2014 18:35

      Perspective intéressante, avec nombre de résonances soraliennes. Mais comme pour Michéa, je trouve ça court. ça ne va pas à l’oméga car ça ne part pas de l’alpha.
      Pour ça il faut faire des pas en arrière, donc marcher dans les pas de Girard.
      de Benoist nous fait donc un discours, et il n’est pas décisif, car il est incomplet.
      Bref, peut mieux faire smiley


      • Francis, agnotologue JL 24 mars 2014 19:29

        Bonsoir scylax,

        sans vouloir être désagréable, je dois dire que cet article ne m’a donné aucune envie de lire l’ouvrage d’Alain de Benoist.

        La phrase percutante n’est de mon point de vue qu’une liste à la Prévert.

        ps. « le règle de Narcisse » ? Ne serait-ce pas plutôt « le règne de Narcisse »


        • Julien30 Julien30 25 mars 2014 09:09

          Ah une des plus grandes escroqueries intellectuelles françaises de ces dernières années, un type dont à peu près toutes les idées sont de gauche et qui se dit de droite. Sinon il enfonce souvent des portes ouvertes, dur de trouver quelque chose de vraiment passionnant et neuf sous sa plume.


          • soi même 25 mars 2014 10:29

            A ces intellectuels, il fut un temps, c’étaient eux qui nous fessais prendre le train, aujourd’hui , ils sont tous avec un trains de retard Avec Alain de Benoist où sans, il est évident que la théorie du genre est tellement énorme que l’on peut faire l’économie de son pavé !


            • Avatar Avatar 25 mars 2014 12:32

              Et que dire de la « masculinisation » de la société, ce qui a prévalu durant des millénaires ?
              Le monde change, sa « féminisation » peut être vue comme un rééquilibrage, imparfait et, surtout, soumis aux manipulations des élites ou autres prédateurs, qui sont probablement le nœud du problème...

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