Algérie : 4 ans après le Hirak, sommes-nous plus avancés ?
Il y a quatre ans jour pour jour, le peuple algérien s'est manifesté massivement contre la 5ème candidature du défunt président Abdelaziz Bouteflika qui était déjà en fin de vie et de règne. La transition post-Bouteflika a été assurée par le chef de l'armée et vice-ministre de la Défense de Bouteflika, Ahmed Gaïd Salah et formellement par l'ancien président du sénat Abdelkader Bensalah. Le 12 décembre était un coup de force, probablement nécessaire, de l'armée contre le Hirak (traduit en mouvement de protestation) qui a fait élire à une minorité, 4 millions de voix, Abdelmadjid Tebboune qui était lui-même dans le sérail depuis les années 70. Le sentiment de "C'était mieux avant" s'est installé au sein de la société algérienne dont une bonne partie regrette déjà l'ère Bouteflika. Une autre partie de l'opinion publique se satisfait du président actuel et une autre considère que rien n'a changé...
J'annonce sur ce site le lancement de la rédaction de mon livre "Hirak : Où en sommes-nous... ?" qui sera un développement plus long et plus complexe que l'article ci-dessous.
Aggravation de la crise
L'état actuel du pays est certes meilleur que pendant la crise sanitaire, mais n'est pas plus reluisant qu'il y a 4 ans et encore moins qu'il y a 10 ans. Le pays a vécu deux années de récession de suite en 2019 et 2020 et peine à rattraper le niveau de développement de 2018 ce qui devrait être fait en 2023 et 2024 avec la dépense publique massive décidée par le président Tebboune et la hausse du budget de l'Etat à 92 milliards de dollars.
La crise sociale s'est nettement aggravée par rapport aux années Bouteflika : 1 million d'emplois perdus, flambée des prix due à l'inflation galopante et à la restriction aux importations avec le doublement du prix de certains produits, baisse des salaires avec la dévaluation du dinar de 120 DA/1 USD à 135 DA, un taux d'inactivité dépassant la moitié de la population en âge de travailler et un déclassement de l'indice de développement humain de la 85ème à 91ème place. Tebboune a pris certaines mesures pour anesthésier la crise : création d'une allocation chômage directement versée aux chômeurs, hausse des salaires mais qui ne permet pas de rattraper les prix...
Le volet politique n'est pas meilleur car plusieurs associations, chaînes de télévision et partis politiques ont été fermés, menacés de fermeture ou interdits d'activité... Cela a désertifié encore plus la scène politique, une désertification qui se traduit par une abstention massive avec un taux de participation à 23% et 35% lors des dernières élections législatives et locales de 2021. Un an avant l'élection présidentielle, Tebboune semble l'emporter haut la main faute de concurrent et d'organisation politique. Le Hirak a achevé la déstructuration du spectre politique algérien avec le dégagisme et la récupération du mouvement par Rachad, mouvement islamiste fondé par des anciens du Front islamique du Salut dissout, à l'étranger.
Abdelaziz Bouteflika : Une démission sans bilan
Malheureusement, Bouteflika a démissionné sans qu'il y ait eu un débat national sur le bilan des 20 dernières années sur les acquis et les manquements à inscrire dans l'histoire du pays. Le climat n'était pas serein et c'est ce qui a fait échouer les élections qui ont suivi.
Ce n'est pas exagérer de dire que factuellement, l'Algérie s'est développée sous la présidence d'Abdelaziz Bouteflika plus que durant tous les présidents précédents. Avec l'arrivée de Bouteflika aux affaires en 1999, le pays était au bord du gouffre : terrorisme, surendettement à 63% (30 milliards de dollars de dette extérieure) et domination totale du pays par les militaires. Bouteflika a fixé trois caps : la réconciliation nationale, la prospérité économique, le retour de l'Algérie dans le concert des nations. La concorde civile a permis à 6000 terroristes de se rendre, depuis le terrorisme est devenu résiduel. La dette a été payée par anticipation et depuis le pays n'a plus de dettes à l'extérieur et avait en 2019 un excédent de 75 milliards de dollars. Le PIB a quadruplé en 20 ans alors que la population n'avait même pas doublé, cela s'explique par l'investissement massif dans les infrastructures et les PMI/PME, ainsi que le soutien à la consommation par la hausse des salaires. La politique pratiquée était Keynésienne car elle était à la fois ouverte à l'importation pour la consommation et protectionniste pour la production locale. Les prix du pétrole ont augmenté entre 2003 et 2008 et 2011 et 2014. Ce n'était que des paranthèse mais le secteur économique des hydrocarbures ne représentait plus que 22% de la richesse nationale et 40% des recettes. L'autosuffisance alimentaire avait largement progressé de 35% en 1999 à 70% en 2019. L'espérance de vie est passée de 69 à 75 ans en 20 ans... Bouteflika a également encouragé la promotion sociale de la femme et a officialisé la langue Berbère. Les progrès cités ne sont qu'un bref résumé de ce qui a été fait. Il ne s'agit pas de dire que c'était parfait avant ou que tout a été fait, mais que Bouteflika a fait plus que tous ses prédécesseurs réunis ce qui est objectif et cela a le mérite d'être inscrit dans l'histoire.
En conclusion, il est clair que le Hirak, bien qu'ayant lancé une dynamique citoyenne de contestation pacifique, ce mouvement fut une catastrophe dans l'histoire du pays avec le climat de terreur qui s'est installé dans les institutions et la société, la faillite des anciens partis politiques et la destructuration de l'économie nationale avec le blocage des investissements et la liquidation des entreprises des hommes d'affaires qui ont mis sur le trottoir des dizaines de milliers de salariés. L'enfer est toujours pavé de bonnes intentions...
10 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON