Algérie, entre cycle économique et guerre monétaire dans le monde. Réserves de change au moins pour les dix ans à venir ? Le sort du Soudan
Comment comprendre l'évolution économique de l’Algérie, en ces moments difficiles, cruciaux, aujourd'hui, au regard des réserves de change qui ne cessent de fondre ? Pourquoi au regard de la situation économique mondiale qui ne se redresse pas sur le plan pétrolier, on constate à la fois une baisse ininterrompue des réserves de change accumulées par les pays pétroliers et une forte hausse d’endettement dans le monde. Qu’en sera-t-il de l’Algérie dans les années à venir ? Et comment l’Algérie pourra-t-elle s’en sortir ou court-elle vers une grave crise économique ?
Aussi dans cette partie, l’auteur ne répond pas à ces questions ultimes pour le devenir de l’Algérie, mais se limite dans cette première analyse, à la première période d’indépendance qui se situe « hors-cycle » suivie du « 1er cycle économique » qui coïncide avec le « 1er cycle économique mondial post-l945 », dont il ne diffère que dans la durée de la phase d’expansion. Aussi, par l’étude cyclique qui donne une meilleure compréhension des premiers 37 années post-indépendance (1962-1999), l’évolution économique de l’Algérie pourrait être plus claire à la fois pour l’Algérie et l’économie mondiale dont elle dépend. Puisque tous les problèmes économiques mondiaux impactent inéluctablement les nations entre elles. Dans une autre analyse, l’auteur traitera, à la lumière de celle-ci, plus en détail la période restante qui va de 1999 à 2014, ce qui a prévalu entre 2014 et 2019 et surtout ce qui attend l’Algérie dans les années post-2020.L’auteur avertit qu’il n’est pas devin et ne fait qu’analyser les forces économiques passées, présentes et à venir, avec un œil à la fois économique, critique mais aussi métaphysique dans le sens que ce qui est doit être. Et que toute crise économique a un sens, une crise économique ne vient pas sans que des forces économiques à l’amont ne la préparent. Et surtout qu’elle est nécessaire parce que le monde est en perpétuel progrès, le monde avance.
- Les dessous monétaires internationaux dans la phase d’expansion du 1er cycle économique pour l’Algérie, 1973-1986
Tout d’abord, qu’en est-il du 1er cycle économique de l’Algérie qui a débuté, en octobre 1973, avec la forte hausse du prix de pétrole lors de la quatrième guerre israélo-arabe en octobre 1973. Les pays arabes avaient décrété un embargo contre les États-Unis en réaction à leur soutien à Israël et avaient quadruplé le prix du pétrole, le faisant passer de 3 dollars à 12 dollars le baril.
On peut se poser la question à juste raison pourquoi les pays arabes ont profité de la guerre contre Israël pour quadrupler le prix du pétrole. Par cette hausse brusque du prix du pétrole, le monde vivait pour la première fois un krach pétrolier, en 1973. En réalité, le processus qui a fait émerger le pétrole au centre des affaires du monde a trouvé son origine dans la situation qui avait prévalu en 1945, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En effet, en rappelant les événements au sortir de la guerre, la reconstruction des économies européennes dévastées par la guerre et l’aide du plan Marshall américain ont permis aux pays d’Europe la remise progressive de leurs économies en état et la reprise de leurs parts de marchés dans le commerce mondial. C’est ainsi, après avoir accumulé des stocks d’or conséquents, les grands pays d’Europe ont restauré, dès 1958, la convertibilité de leurs monnaies en or. A l’époque, seul le dollar américain était convertible à 35 dollars l’once d’or comme stipulé par les accords de Bretton Woods, en 1944.
Le franc français, la livre sterling et le deutschemark devenaient de nouveau convertibles au même titre que le dollar en or. Ces quatre monnaies vont régir de fait le commerce international. La convertibilité du yen en or sera restaurée plus tard, le 1er avril 1964.
La situation monétaire à la fin des années 1960 avait commencé à se dégrader entre les États-Unis et l’Europe. Le problème qui s’était posé portait essentiellement sur les déficits commerciaux américains que les États-Unis finançaient par des émissions monétaires non couvertes par l’or. En effet, lorsque les États-Unis étaient les seuls émetteurs de monnaie internationale, le dollar US, aucun pays ne pouvait contrôler la Banque centrale américaine (Fed) qui avait toute latitude à créer des dollars ex nihilo, c’est-à-dire adossés à rien. Ce que les économistes appellent le « pouvoir exorbitant du dollar », ou plus simplement le « droit de seigneuriage » que les États-Unis avaient et ont encore sur le monde par le dollar.
Mais avec des déficits commerciaux américains récurrents, ce qui se traduisait en excédents commerciaux pour les pays d’Europe, ces derniers avaient demandé la « conversion des dollars US en or, qu’ils avaient accumulés auprès des banques américaines. Or, le stock d’or américain ayant fortement baissé, et après bien de tractations entre les États-Unis et l’Europe, la situation ne trouvant un règlement juste, les États-Unis ont suspendu la convertibilité du dollar en or. Une suspension qui est devenue de facto définitive, due à la faiblesse du stock d’or américain.
Cette décision unilatérale américaine n’a pas réglé la crise, bien, au contraire, la rendit plus difficile, plus complexe. La méfiance s’établissant de part et d’autre de l’Atlantique, la réponse européenne ne s’est pas fait attendre. Une « guerre monétaire » s’est déclenchée entre les États-Unis et l’Europe. D’abord le refus des dollars américains dans les transactions commerciales, puis l’abandon du change fixe par les pays européens et le passage aux « changes flottants ». Désormais, ce sont les marchés monétaires qui auront à trancher dans la valeur des taux de change des monnaies internationales.
Tout pays d’Europe, des États-Unis ou du Japon qui émet plus de liquidités monétaires pour son commerce extérieur se trouvera sanctionné par les marchés. Toute offre de liquidité en excès (loi de l’offre et la demande) entraînera mécaniquement la dépréciation de la monnaie du pays émetteur. Un pays qui augmente les émissions monétaires plus que nécessaire peut être favorisé par la dépréciation de sa monnaie, et donc plus compétitif dans le commerce mondial. Mais si ce pays enregistre des déficits commerciaux qui se répètent, et c’est le cas précisément des États-Unis, qui continuent à émettre des dollars ex nihilo, le dollar entre dans une spirale de dépréciation qui ne pourra plus leur assurer les importations de biens et services. De plus, la spirale de dépréciation du dollar à l’international s’accompagnera d’une spirale inflationniste interne.
Une situation qui deviendra très négative pour l’économie américaine, et obligera les États-Unis à mettre un terme à la création monétaire ex nihilo. Ils n’auront plus alors d’alternative que de diminuer les importations d’Europe et du reste du monde et augmenter les impôts pour financer les déficits de leur budget public.
Une telle situation impactera évidemment l’économie mondiale puisque la locomotive qui tire l’économie mondiale, c’est-à-dire les États-Unis, ne le pourra plus. Et le problème est qu’il n’y a pas de pays qui remplacerait les États-Unis. Mais alors quelle solution pour cet obstacle qui met hors d’état de marche la locomotive mondiale et qui aura des conséquences extrêmement graves pour l’ensemble des pays du monde. Un risque de dépression économique certain comparable à celle des années 1930 qui remettra en cause la forte croissance des années 1950 et 1960.
Précisément, lors de guerre contre Israël, en 1973, les pays arabes, en quadruplant le prix du pétrole, et le pétrole arabe étant facturé en dollars US, obligeront les pays importateurs de pétrole, c’est-à-dire les pays d’Europe, le Japon et le reste du monde à acheter des dollars sur les marchés pour leur régler leurs exportations pétrolières. On comprend dès lors que c’est grâce à l’Arabie saoudite, allié des États-Unis qui sont leur protecteur, et les pays arabes qui la soutiendront, que la hausse d prix du pétrole a permis de résoudre les crises monétaires et permis le soutien à la croissance économique mondiale.
De plus, les pays européens n’ont pas tellement perdu dans le choc pétrolier puisqu’il a été rapidement absorbé. En effet, en tant qu’émetteurs de monnaies internationales, ils ont fait comme le États-Unis, en usant aussi à la planche à billet. Les déficits de leurs balances énergétiques ont été tout simplement « monétisés » par la création monétaire ex nihilo en monnaies européennes, idem en monnaie japonaise. C’est ainsi qu’il s’est produit un « effet balancier » tantôt ce sont les États-Unis qui émettent des liquidités tantôt ce sont les pays européens et le Japon qui monétisent leurs déficits.
Ce qui eut un effet positif pour les pays du reste du monde. L’argent supplémentaire qu’émettaient les puissances occidentales, en lien avec la hausse des prix pétroliers et des matières premières, stimulait plus leurs économies. Plus encore ils contractaient des prêts américains, européens et japonais à des taux d’intérêt très attractifs. Et la boucle est bouclée. Sauf que pour l’endettement, cela a été une grosse erreur. Ces pays, ne savaient pas qu’ils allaient s’abandonner pieds et poings liés à leurs créanciers, lorsque ces derniers tiraient le tapis sous leurs pieds en augmentant les taux d’intérêt. Et c’est ce qui a prévalu avec l’augmentation généralisée des taux d’intérêt en Occident, à partir de 1979, et la situation d’une grande partie du monde se trouvant asphyxiée par l’endettement. Et des conséquences terribles pour les populations.
Revenons au premier choc pétrolier. Malgré les accords intra-occidentaux et la mise en œuvre du Serpent monétaire européen (SME) pour limiter les fluctuations des taux de change, il demeurait que la situation restait erratique sur les marchés monétaires et la poussée inflationniste dans les années 1970.
Un autre point qu’il faut souligner dans la nouvelle donne, les « pétrodollars », est qu’il existe une condition sine qua none qui lie les pays arabes aux États-Unis. C’est le placement de leurs excédents commerciaux en Occident. Les pays arabes devaient donner la prééminence aux États-Unis, et procéder à des achats massifs de bons de Trésor américains. Et cette condition est toujours appliquée, aujourd’hui aussi. Sans cette condition, le retour des pétrodollars en placements désordonnés de leurs excédents commerciaux entre les pays occidentaux arabes annulerait inévitablement le « pouvoir exorbitant du dollar US », ce qui amènera les États-Unis à se désintéresser de la position géostratégique du Moyen-Orient. En clair, le pétrole arabe facturé en monnaies internationales sans distinction, amènerait les États-Unis à devenir un client comme les autres clients occidentaux. Le « pétrodollar » perdrait tout son sens, et de nouveau le risque d’une dépression économique mondiale se profilerait par l’absence d’une locomotive qui tirerait à la hausse la croissance économique mondiale.
Le processus international dans le dépassement des crises monétaires dû à l’avènement des pétrodollars et le premier choc pétrolier ont été d’un grand soutien pour l’économie algérienne. En effet, il a ouvert une formidable phase d’expansion économique pour son 1er cycle économique post-indépendance.
Nous considèrerons que la période allant de l’année d’indépendance de 1962 à l’année 1973 s’inscrit dans une phase d’édification de la nation, des structures de l’État algérien, qui est « hors-cycle » et préparant les cycles économiques à venir. Précisément, le premier cycle économique qui fait irruption en 1973, en Algérie, coïncide avec le premier cycle économique mondial 1973-1999. La seule différence avec le cycle économique mondial ne porte que sur la durée de la phase d’expansion qui est plus longue en Algérie, et ne se retourne qu’avec le contrechoc pétrolier, en 1986, ouvrant la phase de contraction de l’économie algérienne jusqu’en 1999. La phase d’expansion économique du 1er cycle économique mondial, moins longue, se termine en 1979, avec le relèvement drastique du taux d’intérêt directeur par la Réserve fédérale américaine (Fed), provoquant, comme on l’a déjà dit plus haut, la crise de l’endettement mondial des années 1980.
Cette phase latente, « hors-cycle », qu’a vécu l’Algérie au lendemain de son indépendance a été vécue aussi par les pays d’Europe, le Japon et pour une grande partie du monde, puisqu’il fallait à ces pays à reconstruire leurs territoires des destructions de la Deuxième Guerre mondiale et assurer leur réémergence dans le commerce mondial.
Il faut dire que si la hausse du prix du pétrole a impacté très favorablement l’économie algérienne et les autres pays exportateurs de pétrole, évidemment, par ricochet, elle a dopé l’économie mondiale. Le formidable pouvoir d’achat qu’apportait la hausse du prix de pétrole fait des pays arabes une deuxième locomotive mondiale, à l’instar des États-Unis via ses déficits commerciaux et ceux de l’Europe avec les pays du reste du monde. Ce sont ces deux locomotives qui vont tirer à la croissance l’économie mondiale. Aussi peut-on considérer dans l’absolu que ce ne sont pas les pétrodollars qui comptent et le nouvel enrichissement des pays arabes et pays de l’OPEP ou des déficits commerciaux américains, et énergétiques européens et japonais, financés par leurs monnaies internationales mais le soutien à l’emploi au niveau mondial. Et seule une forte consommation mondiale permettait d’assurer une forte production mondiale, et donc limiter le chômage dans le monde.
Un boom industriel sans précédent a suivi en Algérie qui était en pleine expansion. Un concept a été inventé, les « industries industrialisantes ». Sur le plan international, les décideurs algériens ont cru, dans ce choc pétrolier, à un Nouvel Ordre mondial. Le président Houari Boumediene, devant l’Assemblée générale extraordinaire de l’ONU, lança ce mot d’ordre le N.O.E.I. (Nouvel ordre économique mondial). Alors qu’en réalité, le premier choc pétrolier a été planifié par le pouvoir financier américain pour sortir de la crise du dollar.
La croissance économique en Algérie a été indéniable. En effet, une industrie soutenue certes à coups de milliards de dollars grâce à l’embellie pétrolière, de grandes réalisations d’infrastructures touchant tous les domaines ont été opérées. C’était un âge d’or pour l’Algérie, une croissance en flèche, la construction de l’habitat, des routes, des ports, des aéroports, des écoles, lycées et universités, des hôpitaux, de l’agriculture… La modernisation des structures de l’État comme la défense nationale, l’urbanisme, les collectivités locales, la mise en valeur des régions sahariennes… Le seul inconvénient pour l’Algérie est que cet âge d’or ne va pas durer, le réveil sera brutal.
2. La phase de contraction du 1er cycle économique en Algérie, 1986-1999
Le problème des pétrodollars s’est posé avec les émissions monétaires récurrentes des pays occidentaux pour financer leurs déficits extérieurs qui ont provoqué la montée d’une spirale inflationniste. Pour combattre l’inflation mondiale désormais à deux chiffres, le seul remède a été, comme en 1973, d’augmenter toujours plus le prix du pétrole pour absorber les dollars en excès sur les marchés monétaires et stabiliser le taux de change du dollar avec les autres monnaies internationales. C’est dans ce contexte de crise inflationniste des années 70 dans le monde qu’intervenait de nouveau un « 2ème deuxième choc pétrolier », en 1979. Sauf que, cette fois-ci, la Réserve fédérale américaine (Fed) prit en plus une mesure radicale contre l’inflation. Elle augmenta brusquement son taux directeur à court terme, le faisant passer de 10 % à 20 %. Au prix d’une récession aux États-Unis en 1982, l’inflation retomba de 13,29 % en décembre 1979 à 3,83 % en décembre 1982.
Par l’épongement des dollars dans le monde qui venaient se placer aux États-Unis, captés par la hausse du taux d’intérêt américain, une raréfaction de dollars dans les circuits financiers internationaux a eu pour conséquence l’extension de la hausse des taux d’intérêt dans le monde et une forte hausse du taux de change du dollar US. C’est le début de la phase de contraction du 1er cycle économique mondial post-1945. Cette phase de crise à l’échelle mondiale vient frapper une grande partie du monde. La plupart des pays du reste du monde qui voit leur endettement exploser du jour au lendemain connurent des conséquences terribles sur les plans politique et socioéconomique. Une paupérisation accrue touchant de grandes couches sociales, elles sont loin les joies des indépendances des années 1960 pour ce qu’on appelait autrefois le tiers-monde, parfois acquises de haute lutte et de sacrifices, comme l’a été l’indépendance de l’Algérie.
Ces pays, ayant emprunté à des taux d’intérêt très faibles du fait de l’excès de création monétaire en Occident, sans prendre en compte qu’en cas de fort relèvement des taux d’intérêt occidentaux, se retrouveront « piégés » par l’endettement. Et c’est là que le bât blesse pour ces pays, d’être impréparés à affronter les requins de la finance mondiale. Mais il demeure cependant un principe qu’« à tout malheur, il y a quelque chose de bon dans ce malheur », et ce proverbe s’applique à l’Algérie. C’est précisément la prise de conscience du peuple algérien de son devenir. Progressivement face à la gabegie au sein de l’État, le peuple est poussé à s’insurger, comme il s’est insurgé pour son indépendance du colonialisme français. Un fait des peuples tout à fait naturel avec les progrès du monde.
C’est ainsi que si l’Algérie a échappé à la crise de l’endettement, du moins les premières années de la décennie 1980, elle est vite rattrapée par le contrechoc pétrolier, en 1986. Les cours pétroliers étaient élevés et le taux de change du dollar américain qui n’a cessé de s’apprécier jusqu’à arriver à 10 francs pour un dollar américain et de même pour le deutschemark et la livre sterling, jusqu’en 1985, lui ont permis de passer le cap de l’endettement au début des années 1980. Ce qui a permis de doper le pouvoir d’achat à l’étranger de l’Algérie, et donc contribué à la croissance économique mondiale.
Le cours du pétrole qui a chuté à moins de 10 dollars le baril, en 1986, a entraîné la « fin de la phase d’expansion » et le « début de la phase de contraction du 1er cycle économique » pour l’Algérie. Une phase extrêmement difficile au double plan politique et économique.
Les émeutes qui éclatèrent en octobre 1988 ont changé complètement le cours de l’histoire algérienne. Les limites du système politique socialiste sont atteintes, à l’instar de la débâcle politique et économique des pays d’Amérique du Sud suite à l’endettement et du bloc socialiste de l’Est avec la chute du mur de Berlin en novembre 1989, l’Algérie vivra pratiquement les mêmes problèmes. Et à cette morosité économique s’ajoutent la mauvaise gestion économique, la corruption et les détournements des deniers publics à grande échelle, etc., ce qui complique encore plus la crise.
Certes, l’ouverture politique et économique par la Constitution a été en fait un acquit pour le peuple algérien. La nouvelle constitution algérienne, approuvée par référendum le 23 février 1989, avait aboli le système politique du parti unique. Il faut dire que « le Printemps algérien a été vécu par le peuple vingt et un ans avant le Printemps arabe de 2011. » Le multipartisme décrété, plusieurs partis se sont constitués (FFS, FIS, PAGS, RCD.)... La liberté d’expression et la libération de la presse sont acquises. De nombreux journaux sont apparus, des quotidiens tels El Watan, le Matin, Liberté, El Khabar donnaient un nouveau visage démocratique de l’Algérie.
Que peut-on dire de la phase de contraction du 1er cycle économique ? Que, malgré tout, la crise économique qui a suivi le contrechoc pétrolier, les émeutes d’octobre et leurs lots de morts ont constitué des avancées majeures pour le peuple algérien. Une sorte de « renaissance » certes qui balbutie encore mais néanmoins une avancée appréciable dans la démocratisation du régime politique algérien. Un cas unique dans le monde arabe. A cette époque, il n’existait aucun pays arabe, engagé dans la voie de la démocratie. Tous les régimes autoritaires arabes regardaient avec appréhension la démocratie naissante en Algérie, et les dangers de contagion que celle-ci risquait d’emporter les régimes politiques autoritaires arabes, en décalage avec l’aspiration de leurs peuples. Sauf qu’on ne peut arrêter la marche de l’humanité, les pays arabes doivent, sont tenus de prendre la nouvelle marche de la démocratisation du monde qui n’est pas un luxe pour l’humanité mais une « nécessité » tracée par la « métaphysique-monde », par l’« Histoire-monde » avec un grand H. Comme l’auteur l’a toujours énoncé « L’homme n’est pas, il devient sauf qu’il ne sent pas le temps de l’histoire qui le fait devenir. »
Aussi les avancées démocratiques de l’Algérie dénotent simplement que le monde arabe est très en retard et que ce n’est pas une fatalité. En clair, un simple stade historique appelé à être dépassé. Par conséquent, le monde arabe s’inscrira inévitablement dans la marche démocratique du monde, une voie qui relève de l’« universalité », des « lois du Progrès du monde », sauf que cela passe par des stades historiques pour chaque nation du monde. Comme, par exemple, l’Algérie a été touchée par une « décennie noire », la plus éprouvante de son histoire, mais a pu s’en sortir seule du terrorisme islamique, sponsorisé par les puissances étrangères et leurs alliés.
Pourquoi le terrorisme islamique ? Bien sûr beaucoup de facteurs se sont ligués pour que ce phénomène ait pu émerger en Algérie. D'abord la crise économique très grave que l’Algérie a importée de l’extérieur malgré elle, et tous les pays du reste monde en ont souffert. Le second facteur a été le ras-le-bol du peuple algérien, excédé par la corruption à tous les niveaux du pays, surtout au plus haut sommet de l’État qui n’ont pas vu non seulement venir la crise économique mondiale mais n’ont pas pris les mesures qui s’imposaient pour repousser le plus possible la crise. Et enfin les menées subversives des pays autoritaires arabes qui ne pouvaient accepter les avancées démocratique qu’a accomplie l’Algérie, y compris les grandes puissances occidentales, alliées aux monarchies du Golfe, qui cherchaient à maintenir le monde arabe dans la régression, pour leur soumission à leur stratégie de domination qui passait par la donne pétrolière et monétaire.
Cependant, comme on l’a indiqué « à quelque chose, malheur est bon ». C’est cette situation historique très éprouvante qui a permis au peuple algérien de prendre le train de la démocratie. Certes, il est encore aux portes du train de la démocratie en marche, mais il y est accroché et il le reste. Il cherche à pénétrer ce train devenu « mythique » pour les peuples tant il attire, tant il est prometteur. Et aujourd’hui encore, depuis le 22 février 2019, il y aspire et mène des marches tous les vendredis pour en faire « sien cette démocratie » qui n’est pour l’instant réservée qu’aux pays occidentaux et à de rares pays du reste du monde.
En 1994, l’Algérie est entrée de plain-pied dans la « période critique de la phase de contraction de son 1er cycle économique. » C’était attendu, il faut le dire vu les tergiversations du pouvoir algérien de repousser l’échéance qui arrivait à grand pas pour agripper l’Algérie ne lui laissant aucun espoir de sortie. L’Algérie était pratiquement insolvable, selon les chiffres du Conseil nationale économique et social (CNES), elle avait moins de 1 milliard de réserves de change. Le FMI fit son entrée, la porte lui était grande ouverte. Contre une aide financière remboursable minimale pour ne pas dire misérable, et la dette extérieure rééchelonnée, le FMI lui impose un accord dit « stand-by » en 1994. Le dinar algérien est dévalué à 40,17 % de sa valeur, le Fonds impose une restructuration drastique de l’économie nationale, les liquidations et les privatisations des entreprises pour la plupart déficitaires sont opérées, les chiffres du chômage en Algérie explosent. Environ 400 000 salariés sont mis soit à la retraite ou licenciés (indemnisés). La situation est catastrophique sur le plan social et sécuritaire.
Comme il l’écrit le journal financier français, l’Echo, dans son article du 5 avril 1994, qui a pour titre « Le gouvernement algérien finit par s'entendre avec le FMI », sur son site www.lesechos.fr.
« Ce n'est plus qu'une question de jours. Le dernier round de négociations entre l'Algérie et le FMI s'est terminé positivement vendredi dernier à Washington, et une lettre d'intention devrait incessamment être signée entre le Fonds et le gouvernement algérien. Après des années de guerre de tranchées, et deux mois de discussions à l'arraché, celui-ci s'est rangé à l'orthodoxie économique prônée par le Fonds monétaire et les grandes capitales occidentales. Alger a accepté la mise en œuvre d'un plan d'ajustement structurel, et devrait de ce fait disposer rapidement d'un prêt « stand by » de 800 millions de dollars.
Au-delà d'un déblocage de nouveaux crédits par le FMI, cet accord devrait également avoir pour vertu le dégel d'autres crédits multilatéraux (Union européenne - près de 1 milliard de dollars -, et Banque Mondiale, notamment), et surtout la mise en œuvre de crédits bilatéraux de la part de gouvernements rendus prudents face à l'enlisement politique et économique de l'Algérie. Paris avait ainsi explicitement conditionné son soutien financier à Alger à la passation d'un accord préalable avec le FMI.
Un accord avec le Fonds monétaire international constitue par ailleurs traditionnellement le « feu vert » de toute renégociation de la dette d'un pays avec ses créanciers publics ou bancaires. L'Algérie va, de ce point de vue, pouvoir effectuer une opération de « remise à plat » de sa situation financière extérieure, à laquelle elle s'était toujours refusée, mais qui, face à l'équation insoluble de la baisse constante de ses revenus pétroliers et de dépenses d'importation incompressibles, était devenue indispensable.
Après avoir fait du refus de tout rééchelonnement - et donc du règlement « rubis sur l'ongle » de sa dette - le symbole de son indépendance, Alger s'y est aujourd'hui résolu : le réaménagement de la dette est désormais « inéluctable », déclarait récemment le Premier ministre Rheda Malek. A l'image du « reprofilage » de la dette bancaire intervenu en 1992, on peut toutefois s'attendre à ce qu'Alger tienne à mettre certaines formes à un rééchelonnement de sa dette publique par le Club de Paris (14 milliards de dollars sur un total de 26 milliards), autant pour des raisons de politique intérieure que pour ses relations futures avec les marchés financiers internationaux.
Dans un pays économiquement sinistré et politiquement très troublé, où chaque cran d'austérité supplémentaire prend des proportions incalculables sur le plan social, les autorités algériennes ont tenté de résister aux douloureuses potions du FMI. Le Fonds souhaitait une forte dévaluation du dinar et la fin des subventions aux produits de grande consommation (soit de nouveaux sacrifices en termes de pouvoir d'achat), et une restructuration (dont des privatisations) du secteur public (coûteuse en termes d'emploi).
Acculé par l'absence de toute marge de manœuvre, alors que les remboursements de dette absorberont cette année la totalité de ses recettes pétrolières (qui elles-mêmes représentent la quasi-totalité de ses recettes extérieures), Alger aura jusqu'au bout tenté de sauver ce qui est socialement essentiel, mais finalement dû céder en faveur de mesures qui vont politiquement lui compliquer la tâche. »
Donc l’analyse du journal financier est suffisamment éclairante sur ce qui risque de survenir dans un proche avenir. Nous sommes en 2020, et qu’en sera-t-il dans quelques années pour l’Algérie alors que ses réserves de changes ne cessent de fondre depuis 2014 ?
Le service de la dette absorbait pratiquement la totalité des recettes d’exportations d’hydrocarbures. Et les cours pétroliers étaient bas durant cette période critique de l’économie algérienne. L’Algérie n’avait pas pris, à l’époque, des mesures de précaution en mettant de côté suffisamment de réserves de change lors de la phase d’expansion, avec des prix élevés du pétrole, pour se prémunir du retournement du pétrole. Évidemment, cette situation d’insolvabilité est à mettre au compte de l’inexpérience du pouvoir politique de l’époque.
Et la crise économique de l’Algérie, malgré les accords avec le FMI, va se compliquer, trois crises successives au niveau mondial vont encore l’impacter durement. D’abord la crise « téquila » mexicaine en 1994 alors que l’Algérie commençait seulement son plan d’ajustement structurel (PAS), imposé par le FMI, suivie de la crise asiatique de 1997 et la crise russe et brésilienne en 1998. Ces crises ont affecté fortement les cours du prix du baril de pétrole à la baisse. Le prix du baril de Brent était à moins de 10 dollars fin 1998.
Pour l’Algérie qui est dépendante du pétrole, c’était véritablement une situation de catastrophe. Ce nouveau contrechoc pétrolier en 1998, comme en 1986, s’il devait perdurer, affecterait l’économie algérienne, et remettrait en cause toute la stabilité politique de la nation. La dette extérieure, à l’époque, s’élevait à 30,473 milliards de dollars, en 1998, selon le Projet de Rapport de la Conjoncture économique du Second semestre 1998. CNES Algérie mai 1999.
En 1999, le président Liamine Zéroual démissionnait, la situation économique était extrêmement grave pour l’Algérie. Si le prix du pétrole ne se relevait pas, l’Algérie aurait beaucoup à en souffrir. Les exportations d'hydrocarbures ne pourraient plus couvrir entièrement les importations algériennes, le secteur industriel et agricole ne pesait qu’environ 3 % dans les revenus extérieurs. Une telle situation des prix pétroliers de l’économie ne laissait aucune marge de sécurité pour le pays à s’en sortir.
Le danger est que la situation économique qui se dégradait aurait des graves conséquences sur l’Algérie. Tous les succès qu’elle avait enregistrés dans la lutte antiterroriste risquaient d’être vains. Et le plus grave, c’est que la situation des années 1980 récidiverait avec la crise des produits de première nécessité, la crise de semoule, du café, et tous les prix seraient montés en flèche. Le risque est que la situation sociopolitique devienne ingérable. Un troisième rééchelonnement ? Que vont demander les créanciers étrangers en gages pour de nouveaux prêts financiers à l’Algérie ? Si le prix du pétrole demeurait longtemps bas ?
Se rappeler la Grèce qui a accordé, en 2016, un bail sur son port de Pirée à la Chine en échange de 437 millions de dollars, jusqu’en 2052. La société chinoise détient 51 %, et l’État grec est actionnaire à 7 %. De même en décembre, elle avait conclu la cession de 14 aéroports à un opérateur allemand. Mais l’avantage de la Grèce est qu’elle fait partie de l’Union européenne, et membre de la deuxième zone monétaire du monde, la zone euro. Ce qui la met, malgré les mesures drastiques de restructuration, à l’abri de toutes dérives économiques et sécuritaires comme le vivent aujourd’hui la plupart des pays arabes. Et l’Algérie ne fait pas partie d’une grande zone monétaire comme la Grèce. Et tous les risques sont possibles si elle ne se sauve économiquement. Et c’est là le talon d’Achille des pays nouvellement indépendants qui ne sont pas suffisamment protégés des crises internationales et de leurs propres problèmes économiques internes.
3. La phase d’expansion du 2ème cycle économique en Algérie, 1999-2014
Comment alors l’Algérie allait s’en sortir ? Avec un pétrole à moins de 10 dollars en 1998. Il faut dire, je pense, remercier la Providence divine, Allah le Tout Puissant. En effet, deux événements successifs vont permettre à l’Algérie de sortir d’une débâcle économique certaine et d’une crise sociopolitique qui serait inévitable et ne fera qu’accentuer la souffrance du peuple algérien, si le prix du baril de pétrole serait resté bas.
Précisément, le premier événement vient de l’Europe, il signera le début de la phase d’expansion du 2ème cycle économique de l’Algérie post-indépendance.
Le 1er janvier 1999, une union économique et monétaire groupant onze États européens est née. L’UEM lance, à sa naissance, une monnaie commune, l’euro, qui deviendra monnaie unique le 1er janvier 2002. « Mais pourquoi la monnaie unique de l’UEM qui n’a rien à voir avec la difficile conjoncture que vivait l’Algérie, entre 1997 et 1999, avec des prix de pétrole qui ont chuté depuis la crise asiatique, va influer positivement sur l’économie algérienne ? »
Tout d’abord, il faut comprendre qu’à l’entrée en lice de l’euro sur les marchés monétaires, il était en hausse et reflétait la bonne santé de l'économie des onze États européens de la zone euro. La baisse du prix du baril de pétrole compris en moyenne dans une fourchette de 10 dollars en février 1999 à 14,5 dollars en avril 1999 sera conjuguée à ce succès. Mais, dès avril 1999, l'envolée du cours du prix du baril de pétrole comme le glissement continu à la baisse de la nouvelle monnaie européenne, l'euro, par rapport au dollar, vient transformer l'euphorie de l’Europe en morosité.
Le prix du pétrole poursuit sa remontée pour atteindre, à la fin de l’année 1999, 30 dollars le baril. Au deuxième semestre de l’année 2000, le cours du pétrole était à 36 dollars. Comment comprendre cette remontée spectaculaire du prix de pétrole entre 1999 et 2000, mettant fin au mini contrechoc pétrolier de 1998 ? La seule réponse logique et légitime est que le lancement de monnaie unique de l’Europe monétaire des Onze a été mal pris par les États-Unis. Pour cause le président irakien Saddam Hussein demanda, en septembre 2000, d’effectuer ses exportations pétrolières contre nourriture en euros et non en dollars. Et, il faut se rappeler le « rush d’avions humanitaires » en provenance d’Europe et d’Afrique du Nord, qui brisaient l’embargo imposé par les États-Unis et leur allié, le Royaume-Uni, sur l’Irak. Un rush humanitaire qui était en lien avec ce que pourrait être l’euro, s’il devait devenir aussi une monnaie de facturation des ventes de pétrole. Il partagerait tout simplement le « pouvoir exorbitant du dollar US ». Ce que n’acceptaient pas les Américains.
L’euro devenait donc un « rival » au dollar, c’est ainsi qu’une « guerre monétaire » par le biais de la hausse du prix du pétrole s’est déclenchée entre les États-Unis et l’Europe des Onze. En achetant plus chers le pétrole, l’UEM fut obligé de « monétiser » ses déficits énergétiques, c’est-à-dire émettre ex nihilo des masses de liquidités en euros, ce qui a eu pour conséquence une dépréciation continue de la monnaie unique européenne. Donc, cette « guerre monétaire » entre les deux grands émetteurs de monnaies internationales, le dollar et l’euro, est tout à fait normale au vu des enjeux qui se jouaient pour la domination du monde. Les États-Unis n’ont fait que protéger leur « droit de seigneuriage » sur le monde par le biais du dollar et du pétrole arabe. C’est dire l’importance du pouvoir financier et monétaire du monde.
Et le président irakien a « osé » facturer ses exportations pétrolières en euros, et on a vu ce que cette décision lui a coûté. L’Irak envahi, et Saddam Hussein pendu.
Pour comprendre le phénomène pétrolier et l’importance des pays arabes exportateurs de pétrole dans la « donne dollar » pour les États-Unis, on peut se représenter le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord comme une « vache pétrolière » et les « mamelles de la vache » se trouvant aux États-Unis. Ce qui signifie que les vrais vendeurs du pétrole arabe ne sont pas les pays arabes mais les États-Unis qui vendent leurs dollars aux pays importateurs de pétrole, et ces derniers, en échange du pétrole, remettent les dollars achetés aux pays arabes. Les dollars US ne devenant alors que des « bons d’enlèvement » du pétrole.
Et c’est la raison pour laquelle les guerres et les crises polluent en permanence cette région centrale du monde. Si les États-Unis perdent cette région pétrolifère arabe, c’en est fait pour leur puissance. C’est toute la richesse de cette région qui leur échappe, et pour les décideurs américains, c’est inacceptable.
Et là, nous entrons dans le deuxième événement qui a suivi le premier dans le lancement de l’euro. Et celui-ci va conforter durablement la phase d’expansion du 2ème cycle économique de l’Algérie post-indépendante. Et de nouveau cette phase d’expansion va coïncider point par point au deuxième cycle économique mondial post-1945. Comme si l’économie algérienne suivait fidèlement les soubresauts tant positifs que négatifs de l’économie-monde. Certes, c’est certainement un hasard, mais un hasard qui fait bien les choses puisqu’il permet de mieux comprendre l’évolution de l’économie algérienne avec l’évolution économique du reste du monde. Nous verrons dans l’autre partie que la phase d’expansion du 2ème cycle économique va durer jusqu’en 2014 tant pour l’économie algérienne que mondiale, et que le retournement à cette date est en lien direct avec la fin de la politique d’assouplissement monétaire non conventionnelle ou quantitative easing menée par la Réserve fédérale américaine depuis 2008.
Et il faut le souligner, l’Algérie n’avait pas senti que le vent allait tourner pour de bon et qu’elle a cru que les presque 200 milliards de réserves de change qu’elle avait accumulées, entre 2013 et 2014, allaient durablement la protéger. Cependant, au fur et à mesure que la crise pétrolière se poursuivait, il devenait clair que des mesures drastiques économiques étaient nécessaires, et qu’elles devaient être prises. Cependant les mesures prises seront-elles suffisantes au regard des nuages sombres qui se sont levés et que tout laissait penser qu’ils sont durables ? C’est précisément à ces grandes questions qui touchent directement l’avenir de la nation et sa stabilité que l’auteur cherche à apporter une réponse la plus logique, la plus raisonnable pour son pays. D’autant plus que la conjoncture mondiale à venir laisse peu, très peu à espérer tant les rapports entre les grandes puissances sont complexes, tant ils sont aussi contradictoires, tant les intérêts sont divergents en cette période cruciale de l’histoire de l’humanité.
La montée en puissance de l’atelier du monde qu’est la Chine a bouleversé l’ordre de puissance dans le monde. Et nous ne sommes qu’au début des bouleversements à venir. Et rien n’inspire qu’il en sortira de bon dans cette phase de contraction du 2ème cycle économique mondial. Et la phase de contraction du 2ème cycle économique pour l’Algérie précisément est liée à elle depuis 2014. Ce qui nous fait dire que le monde est parti, après 100 ans, soit à une nouvelle dépression économique mondiale du type des années 1930 mais adaptée à la nouvelle architecture mondiale, soit à la décennie 1980 qui a vu une grande partie du monde crouler sous le poids de l’endettement. Et dans les deux cas, l’économie mondiale et les pays du monde qui ne figurent pas dans les grands blocs économiques en pâtiront.
Et la question se pose : Quel avenir pour l’Algérie sur le plan politique et économique mondiale ? Nous y reviendrons sur le 2ème cycle économique de l’Algérie dans une prochaine analyse. Cependant, on peut déjà souligner que la crise économique mondiale qui n’est qu’au début de la phase descendante frappe déjà tous les pays émergents et pays exportateurs de pétrole, et bien moins les pays occidentaux.
Et pour cause, un événement inattendu est intéressant à signaler. C’est celui du Soudan, un pays qui a toujours pris fait et cause pour la cause palestinienne, se trouve aujourd’hui, suite à l’entretien surprise entre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et le dirigeant soudanais Abdel Fattah al-Burhane, en Ouganda, à vouloir « normaliser » les relations entre Israël et le Soudan.
Comment comprendre la volte-face dans la cause palestinienne de la part d’un pays majoritairement arabe et musulman, s’il n’y a pas de puissants motifs qui aient obligé le dirigeant soudanais à « changer », et « se tourner » vers Israël ?
Un dirigeant de l’envergure du Soudan ne peut opérer une volte-face politique sans qu’il n’y ait pas, en pleine phase de contraction économique mondiale, un deal, un accord d’ordre économique et financier. Et le Soudan se trouve dans une situation économique extrêmement périlleuse. Dans une analyse de www.lapresse.ca, du 12 février 2020, qui a pour titre « Craintes d’effondrement économique au Soudan après des mois de troubles politiques », on lit :
« Depuis le 11 avril, le flou règne sur la politique économique du pays « et en tant qu’investisseur, je ne peux prendre de décisions dans le climat actuel », explique M. Aboulfadel, qui dépend largement des importations pour approvisionner les magasins de ses centres commerciaux.
Beaucoup d’entreprises ont cessé d’importer en raison de l’instabilité actuelle du pays, assure-t-il.
Même son de cloche chez Mohammad Hussein Madwi, qui possède plusieurs sociétés agricoles et entreprises manufacturières.
« Les ventes ont chuté d’au moins 30 % en raison d’une demande en baisse et de l’effondrement de la livre soudanaise », affirme-t-il. « J’hésite à investir ou à importer en raison de l’incertitude politique, les choses sont pratiquement à l’arrêt. »
La livre soudanaise a perdu de sa valeur face au dollar depuis 2017, l’inflation atteignant 70 % en décembre selon le bureau central des statistiques du Soudan.
Et si l’inflation est retombée à moins de 50 %, le manque de liquidités oblige toujours Hanadi Mohammad, mère de sept enfants, à limiter ses achats.
« Je ne sais pas combien de temps on pourra encore vivre comme ça », dit-elle, passant devant des appareils électroménagers qui, en dépit d’importantes remises, demeuraient invendus sur les étagères de ce centre commerciaux appartenant à M. Aboulfadel.
Les difficultés économiques ont été le déclencheur de la contestation, avec le triplement du prix du pain en décembre dernier dans un pays à l’économie exsangue.
« Au plus bas »
Au bout de plusieurs mois d’un mouvement de protestation qui a maintenu la pression sur le pouvoir, la contestation et les généraux sont parvenus à un accord sur les organes de gouvernance.
Mais d’autres questions urgentes restent à régler, notamment la crise économique, dans un pays déjà dévasté, bien avant les manifestations déclenchées en décembre, par des décennies de sanctions américaines.
« L’activité commerciale est au plus bas depuis janvier », souligne le journaliste économique Khaled al-Tijani. « L’économie souffre d’un manque de confiance parce qu’il n’y a pas de gouvernement pour la superviser. »
En avril, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont annoncé une aide économique de 3 milliards de dollars (2,67 milliards d’euros) pour le Soudan, y compris un dépôt de 500 millions de dollars dans la Banque centrale pour renforcer la monnaie soudanaise.
Le reste de l’enveloppe sera alloué à l’achat de médicaments, de produits alimentaires et pétrochimiques.
Crise agricole
L’agriculture est un secteur majeur et une source essentielle de revenu pour la plupart des 40 millions de Soudanais. Or la crise touche de plein fouet les fermiers, qui ne peuvent plus importer de produits chimiques agricoles, notamment à cause de l’effondrement de la livre soudanaise.
Dimanche, Riyad et Abou Dhabi ont envoyé en urgence au Soudan plus de 50 000 tonnes d’engrais et autres produits agricoles, selon l’agence de presse saoudienne SPA.
Faisal Mohammad, importateur de produits agricoles, explique que les importations de produits agricoles ont été durement touchées par un manque de devises étrangères.
Mais aussi « par la faiblesse de la livre et la hausse des prix ainsi qu’un manque de confiance parmi les consommateurs, tout cela a un impact négatif sur les activités agricoles », souligne-t-il.
L’impact sur ce secteur vital pourrait nuire encore plus à l’économie du Soudan, prévient M. Tijani.
« Tout le monde est vigilant et attend », affirme M. Aboulfadel. « Si cet état de tension et d’incertitude perdure, l’économie s’effondrera ».
Pour l’homme d’affaires, il n’y a qu’un seul moyen d’avancer.
« Un accord politique entre le Conseil militaire et (les meneurs de la contestation) est la seule issue possible pour la situation économique actuelle », assure-t-il. »
On comprend dès lors le rapprochement des deux dirigeants soudanais et israélien. Et les menaces qui pointent pour l’économie du Soudan. Il y a un réel péril et les investisseurs soudanais ne cachent pas leur crainte sur un effondrement possible de l’économie. Dès lors s’explique le rapprochement entre Israël et le Soudan, et on doit certainement le lire à une promesse d’investissements financiers étrangers pour le Soudan par Israël. D’autant plus qu’Israël a des entrées privilégiées avec le pouvoir financier mondial. Et c’est précisément là la force de l’État hébreu, et on ne peut rien dire sinon que cette force de l’État hébreu relève de l’histoire de l’humanité. Et qu’Israël n’est pas simplement Israël ou le Soudan est le Soudan, et ainsi de suite, c’est que tous les pays sont le résultat de forces de l’Histoire qui souvent l’humain que nous sommes.
Pour clore cette première partie de l’analyse, il faudrait penser que ce qui arrive au Soudan, ou ce qui est arrivé à la Syrie, ou à la Libye et ailleurs dans le monde arabe, l’Algérie n’est pas immunisée des dangers extérieurs et intérieurs. Une situation de grande crise comme ce qui s’est passé dans la phase de contraction du 1er cycle économique peut revenir. Certes, malgré la crise politique et économique aujourd’hui, il faut dire que l’Algérie n’a pas atteint la période critique de sa phase de contraction.
Cependant, l’Algérie doit prendre conscience que la décennie 2020 n’est pas du tout sereine pour au moins les dix années voire plus à venir. Aussi se pose la question que l’on a mise en relief tout au début de cette analyse : « Les Réserves de change assureront-elles à l’Algérie une sécurité au moins pour les dix ans à venir ? » Eu égard à ce qui se passe à ses frontières et au-delà de ses frontières dans le monde arabe. Et surtout que l’Algérie par l’aspiration de son peuple à la démocratie constitue un réel danger aux régimes politiques arabes autoritaires, en particulier les monarchies pétrolières du Golfe. Pour qui une démocratie qui s’installerait durablement en Algérie constituerait inévitablement un péril à la fois par contagion et par la crise économique mondiale qui n’est encore qu’à ses débuts et celle-ci est partie pour durer.
Telles sont les questions qui se posent à l’Algérie, et que l’auteur espère apporter un début de réponse. Cependant, il est important de souligner qu’au-delà des malheurs qui pointent, il y a aussi le progrès du monde qui est sous-jacent. Et l’Algérie a encore des munitions pour dépasser cette période difficile qui s’inscrit naturellement dans son histoire et l’histoire de l’humanité.
Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective
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