Algérie : le Clan face à la vague
Algérie : le Clan face à la vague
Le président Bouteflika n’existe pas ! Il n’est qu’un point d’équilibre, image encadrée nécessaire au maintien en place d’un clan familial, militaire, financier, vieillissant qui veille à assurer la continuité dans la défense de ses intérêts. Un groupe sans imagination réelle pour trouver le meilleur moyen pour que rien ne change. Un portrait, inanimé, sans voix depuis un accident ischémique transitoire sans séquelles de 2013, à la veille d’un quatrième mandat. Il a été hospitalisé le 24 février à Genève pour des examens médicaux périodiques.
Il est confronté, depuis le 22 février, à une contestation sans précédent depuis sa première élection en 1999, contre une éventuelle candidature à un cinquième mandat.
Sa candidature est cependant déposée, le 3 mars 2019, au Conseil constitutionnel, par son nouveau directeur de campagne, le précédent ayant été démis à la suite de propos malencontreux, reproduits dans la presse. A quelques heures de l'heure limite du dépôt des candidatures, montrant les incertitudes et l’absence de solution de rechange du Clan pour se maintenir en place !
Cette candidature n'a pas mis fin aux manifestations de rejet qui se sont poursuivies dans les rues d'Alger et d’autres villes d'Algérie.
D’où un premier bricolage : une lettre adressée à la nation, lue à la télévision. Le président Abdelaziz Bouteflika y explique avoir écouté et entendu le cri du cœur des manifestants, et leur inquiétude compréhensible. Malgré cela, il confirme sa candidature et s’engage, une fois élu le 18 avril, à ne pas aller au bout de son mandat et à se retirer à l’issue d’une présidentielle anticipée, à laquelle il ne serait pas candidat. Il promet également l’élaboration et l’adoption par référendum populaire d’une nouvelle Constitution. Il annonce que la jeunesse algérienne sera au cœur de ses priorités présidentielles, une révision de la loi électorale et une transmission générationnelle dans une Algérie réconciliée avec elle-même.
Encore un moment, Monsieur le Bourreau.
Par ailleurs, une requête a été déposée devant un tribunal suisse pour demander son placement sous curatelle ! La santé fragile de Bouteflika l'exposerait à être manipulé par son entourage. Il serait incapable de discernement... et tous ses actes, aussi bien le dépôt de sa candidature que les communiqués, ne seraient pas effectués par lui-même mais par son entourage politique et familial.
Candidat, Bouteflika courait plusieurs risques : que cette candidature soit refusée par le Conseil constitutionnel, que le candidat soit mis sous curatelle avant la date de l’élection et même, tous obstacles franchis, qu’il ne soit pas réélu !
Un nouveau bricolage a donc été mis au point : report des élections et prolongation du mandat ! Maintien au pouvoir du Clan sans élection !! Encore un moment... Mais est-ce possible aux yeux d’un Conseil constitutionnel même très dévoué ? Tandis que la rue continue à gronder joyeusement devant ces reculs successifs qui montrent bien le désarroi du Clan ?
Ces pitoyables manœuvres de retardement ont quelque chose de pathétique et de dangereux qui témoigne d’une incompétence du Clan à gouverner au niveau national et même à organiser une sortie pourtant largement, biologiquement, prévisible.
Et politiquement. Quel contraste entre la vieillesse du Clan et la jeunesse du peuple algérien, entre la décrépitude de son icône figée et la vitalité démographique d’un pays et de la jeunesse joyeuse des manifestants du vendredi dans les rues d’Algérie, entre l’isolement du Clan et la multitude qui s’affiche, entre l’absence de projet politique et le bouillonnement de la rue !
Tout a bien commencé mais tout reste à faire.
La mobilisation a été efficace à travers les réseaux sociaux. Venue, semble-t-il de nulle part. Ici aussi, en dehors des organisations sociales et politiques. Malgré un silence important des journaux télévisés. Tandis qu’une partie de la presse, El Wantan, Liberté, Le quotidien d’Oran, faisait largement son travail. Ainsi El Watan a consacré 7 ou 8 pages sur 24 aux événements d’Alger et des diverses villes du pays. Plusieurs jours de suite.
Désormais, le roi est nu, échec et mat. Mais les manifestants ne s’y trompent pas. Ils continuent de manifester. Il n’est plus question de Cinquième mandat. Mais de changer le système.
Les revenus pétroliers ont été utilisés pour apaiser les revendications sociales et neutraliser les revendications démocratiques. Énormes investissements dans les infrastructures. Dans le logement pour satisfaire la population, locataires, propriétaires, subventionnés : parcourir l’Algérie permet de voir les énormes chantiers de logements, en construction ou terminés mais vides, en attente d’attribution ou déjà habités… mais toujours insuffisants en nombre à cause de la démographie galopante… Énormes investissements et donc énormes commissions.
Investissements aussi dans l’enseignement qui forme des diplômés sans débouchés qui regardent à l’extérieur et descendent dans la rue… Tout le monde a noté l’importance de la jeunesse étudiante, et des jeunes femmes, dans les manifestations. Importance qui avait déjà été remarquée lors du printemps tunisien.
Le peuple algérien a payé cher son indépendance (750 000 morts). Puis la décennie noire (200 000 morts). Le président qui voulait une Algérie démocratique, moderne, débarrassée de la corruption est resté en place six mois.
Une partie importante de ce peuple est aujourd’hui, pacifiquement, dans la rue. Tout le monde retient son souffle. Trouvera-t-elle une équipe efficace pour prendre le relais au niveau gouvernemental ? Pour fédérer tous ceux qui veulent un changement réel du pays ? Pour faire de l’argent du pétrole, non comme trop souvent, une malédiction mais le moyen d’entamer une politique nouvelle au profit du plus grand nombre ?
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