Allons travailler !
N. Sarkozy a raison d’estimer qu’une campagne est assurément « l’occasion pour chacun de révéler sa vraie nature ». Sans doute N. Sarkozy s’évertue constamment à cacher la sienne aux Français, mais il a, néanmoins, prit le risque d’en dévoiler une partie à travers la présentation de son programme économique publié dans le Monde du 22 janvier courant.
Tous les matins, après son café, la phrase proverbiale de P. Pétain était « Allons travailler ! ». N. Sarkozy, lui, préfère narguer les derniers socialistes en invoquant Jaures et Blum, mais il s’égare. Car sa doctrine du travail s’inspire, n’en déplaise à sa distraction, de la grande Charte du Travail, celle qui, en 1941, fonda les bases du renouveau pétainiste ; et la « véritable révolution économique » promise par N. Sarkozy dans la sacralisation, la réhabilitation, et la juste récompense de l’effort supplémentaire, ressemble étrangement à la grande « Révolution nationale » chère aux contre-révolutionnaires revanchards de la période collaborationniste. De toute évidence, le ministre-candidat aime le travail. Ce mot apparaît, en effet, quatorze fois dans son entretien et le verbe « travailler » est cité à six reprises. Il est vrai que N. Sarkozy fait du labeur « la priorité des priorités » considérant la « crise morale » que traverse la France comme la conséquence directe d’une « crise du travail ».
1) A ceux qui bossent, N. Sarkozy promet « de gagner plus en travaillant plus ». Quand on pense que depuis près de 10 ans, chaque rapport de l’OCDE souligne la forte productivité française du travail, l’une des meilleure des pays riches, dernièrement établi que le temps consacré par les Français au travail reste dans la moyenne annuelle mondiale(1). Quand on constate que le niveau de formation et de compétence des salariés français est un des meilleurs de la planète(2), que les créateurs sont suffisamment motivés pour porter, encore cette année, le taux de création d’entreprise à des niveaux records (3), faisant de ce pays le 2ème exportateur européen derrière l’Allemagne(4), ou les projets d’investissement extérieurs sont de plus plus nombreux(5), l’un des investisseurs les plus actifs à l’étranger (6). Pays d’assistés à l’économie sclérosée alors que même le Figaro se demande ce qui attire de plus en plus d’entrepreneurs étrangers à s’installer dans l’hexagone.(120.000 cadres, 7.200 chercheurs et 256.000 étudiants étrangers) (7) . Travailler plus pour gagner plus, disais-je, quand la précarité à doublé en 20 ans, et qu’un ménage sur trois vit avec moins de 1800 E par mois. L’on se demande, en quoi le fait de travailler davantage aurait une incidence sur nos salaires, voyant que dans tous les pays où règne le néolibéralisme, l’on assiste à une fracture sociale historique, à une généralisation de la paupérisation, à un endettement des ménages inimaginables y compris chez ceux réputés pour leur courage et leur surcapacité à l’effort.
Parmi ceux qui bossent, on compte une majorité de bas salaires. Ceux là ne devraient trouver leur salut que dans une « augmentation de la quantité de travail » fournie. Cette stratégie ambitieuse devrait fonctionner jusqu’à hisser le Smic au delà de 1500 euros mensuels. Hier utopie socialiste, aujourd’hui « tout petit effort sur la durée de la législature ». 1500 euros, simplement, si l’on peut dire, grâce à un effort supplémentaire qui permettrait même de faire l’économie d’une réévaluation du Smic. Car le « travail crée le travail ». Travailler pour travailler constitue la promesse majeure de celui qui prétend « mener une campagne positive, et redonner de l’espérance » aux Français !
Dans la lutte contre le chômage, ou plutôt l’inactivité, il est, aussi demander aux chômeurs de travailler davantage ! Le travail « est créateur d’emploi », il ne se partage pas. Celui qui ne travaille pas ne crée aucune richesse. Il était hier bénéficiaire d’un droit à indemnisation, il est aujourd’hui quémandeur d’aumônes, demain, attendons-nous à ce qu’il soit apte au travail obligatoire. « La récréation est terminée » s’exclamait, en son temps, J.P Raffarin, et N. Sarkozy, à son tour de prévenir : « il ne faut plus de minima sociaux sans contrepartie d’activité. Dans notre société, les devoirs doivent être la contrepartie des droits. » Fort bien ... « Il n’y a pas d’histoire de gauche et d’histoire de droite. Il y a l’histoire de France » comme il y eu celle des Ateliers nationaux de 1848 et celle du STO de 1943 !
Et comme partout où règne le néolibéralisme, l’on entend vanter les bienfaits de lois qui isolent l’humanité, dépouillent l’individu de ses droits, matent ses revendications, refrènent ses passions et son enthousiasme, surtout, qui opposent les intérêts de chacun en les rendant contradictoires avec ceux des autres dans l’espoir d’un conflit toujours fragilisant. La proposition d’exonérer les heures supplémentaires, par exemple, s’inscrit complètement dans cette stratégie car elle ne manquerait pas, si elle était adoptée, de provoquer des rancoeurs entre ceux qui travaillent plus dans l’espoir légitime d’obtenir davantage, et les laissez pour compte du marché pour qui l’accès à l’emploi serait rendu encore plus difficile qu’il ne l’est déjà.
Travailler davantage, travailler plus longtemps. Le problème des retraites est, lui aussi, un « problème de travail ». L’on apprend que travailler jusqu’à 70 ans n’est pas un labeur, encore moins une obligation, « quelle drôle d’idée ! » C’est un droit ! Le cap ? La limite ? : « c’est la liberté » ! C’est le « libre choix » qui devrait fixer l’age du départ à la retraite tandis qu’en fait de réforme, N. Sarkozy invite les retraités à travailler plus longtemps et, ainsi, « contribuer à résoudre le problème de l’équilibre des retraites »
Patrons ! Parmi vous beaucoup ont une part de responsabilité dans la lutte des classes, blâmé Pétain, « « Les gros salaires ne me choquent pas à condition qu’ils soient associés à un vrai risque » et « le prédécesseur de P. Kron ne méritait pas de golden parachute. » reprend N. Sarkozy. Voici le maître-mot, il est tout en harmonie comme si une « nouvelle génération de capitalistes familiaux, qui investissent dans les petites et moyennes entreprises au service de l’emploi » se substituaient tout à coup à la solidarité organique et au paternalisme de la Charte du Travail de Vichy. Que chacun reste a sa place, les gros avec les gros, les petits avec les petits, les misérables avec les misérables. C’est toute la sagesse pétainiste de N. Sarkozy de valoriser les petits patrons quand les marchés financiers et les concentrations économiques régulent l’avenir de toute la planète. Il n’y a pas que les chefs d’entreprise d’ailleurs, qu’il est nécessaire de responsabiliser, il y a aussi les médecins, les patients qui devront mettre la main à la poche. Culpabiliser les uns, responsabiliser les autres, privatiser l’Hôpital public et mettre à sa tête des « patrons » car l’Hôpital public soignant les assistés improductifs et les pauvres consentants est devenu trop coûteux.
2) Pourquoi devons-nous travailler davantage ? Parce que nous avons besoin de croissance. C’est à cause de la faiblesse de la croissance que les salaires sont si bas. Et « c’est grâce aux réformes que l’on apporte la croissance et les économies budgétaires » En réalité N. Sarkozy confond réformes et promesses. La promesse ambitieuse de gagner plus en travaillant plus, celle de rétrocéder des milliards d’euros aux contribuables en réduisant les dépenses, celle d’exonérer 95 % des Français des droits de succession, d’accorder des moyens supplémentaires aux universités, désormais autonomes, qui se réformeront, où chacun pourra accéder à la propriété grâce à l’exonération des intérêts d’emprunt contracté pour l’acquisition de son logement ; celle, enfin, d’établir un service public de caution. Bref, « Il faut que les Français en aient pour leur argent. », pour cela N. Sarkozy propose « des prestations meilleures en dépensant moins » !
Les promesse sont nombreuse, les réformes nécessaires à leur application, elles, sont archiconnues. Ce sont celles préconisées depuis des lustres par les instances internationales, celles du consensus de Washington, du pacte de Lisbonne. Il s’agit toujours de la même rengaine : baisse des impôts, libre concurrence, déréglementation etc ... Il s’agit toujours de procéder à des coupes drastiques dans les dépenses de l’Etat providence. « les charges trop lourdes, la pression fiscale trop élevée ». « Tout est fait aujourd’hui pour décourager les entreprises ». Faire des économies se résume, ainsi, à s’attaquer aux fonctionnaires, au Service public, sources de déficits. Et comme réforme originale, Superman propose le détricotage du pouvoir de l’Etat à travers une baisse drastique du nombres de fonctionnaires. Soulignons tout de même que la France possède un contingent de fonctionnaires proportionnellement inférieur à celui des USA ! (8). La réforme proposée par N. Sarkozy se résume en une déclaration de guerre à l’encontre de l’Etat et du Service public. Travailler plus et transformer la mission régulatrice de l’Etat en une mission sécuritaire au sein d’une société où règne la dictature du marché. C’est toujours le même schéma au service d’un idéal capitaliste qui vire à l’utopie. L’épouvantail de l’Etat ennemi du Peuple. Et depuis trente ans, des législations qui s’imposent et favorisent son désengagement aux profits d’entités privées cotées sur les marchés financiers, dirigées par une poignée de familles détenant une majorité de contrôle sur des millions d’actionnaires, et qui n’ont, de surcroît, aucune religion, aucun pays, aucune éthique.
Mais en s’attaquant à l’Etat, N. Sarkozy s’attaque aussi à la démocratie car il vise l’individu à travers la ruine universelle du pouvoir régulateur de la volonté générale. Il n’agit pas seulement sur le statut du salarié, du chômeur, du sans-papier, de la prostituée ou du délinquant, il s’attaque à leurs droits fondamentaux, il ébranle notre universalité en même temps qu’il ébranle l’universalisme des Droits de l’Homme. Qu’on ne s’y trompe pas : C’est la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui est ainsi jetée au pilon. Voyez comment se met en place insidieusement au plan économique un libéralisme effréné, et au plan politique l’instauration d’un véritable Etat policier.Voyez comment le néolibéralisme a ruiné l’idéal européen, comment il défraternise les continents partout dans le monde, comment il criminalise la pauvreté et culpabilise le citoyen, comment il fonctionne constamment en désunissant.
1 http://tf1.lci.fr/infos/economie/0,,3301505,00.html (http://www.lemonde.fr/web/chat/0,46-0@2-3234,55-759022,0.html) http://www.ac-versailles.fr/PEDAGOGI/SES/vie-ses/Hodebas/productivite-france.htm (2002)
2. http://www.lesechos.fr/info/metiers/4484111.htm
3. Le Figaro
4. http://www.lemonde.fr/web/chat/0,46-0@2-3234,55-759022,0.html
5. Le Monde
6. OECD
7. Le Figaro
8.diplomatie.gouv
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