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Accueil du site > Tribune Libre > Am stram gram, ou comment fuir la réalité des mots

Am stram gram, ou comment fuir la réalité des mots

Je sais bien que chacun de nous voudrait être quelqu’un d’autre, avoir une autre identité, un autre métier. Et après tout, ça ne gêne personne si un coiffeur s’auto définit comme sculpteur de cheveux, ou un boucher poète de la chair. Je compte même, en me baladant sur les routes de France en faire un bouquin avec toutes ces enseignes proches du cadavre exquis surréaliste. Lorsqu’il s’agit cependant de définir la réalité politique, sociale et économique d’un pays, ces masques vénitiens, qui prennent peu à peu la place des mots, travestissent le langage au point de soustraire une réalité que l’on voudrait différente. Les travailleurs (chers à Lutte Ouvrière), les ouvriers sont devenus, espace de deux décennies, de salariés. Ils ne sont pas virés ou plus poliment licenciés mais participent à un plan social.

Les clandestins, selon le Figaro, sont désormais des candidats à l’immigration et les mosquées des centres culturels et religieux. Pourquoi faire court quand une volée de mots vous donne approximativement le sens. Prenons un exemple que je choisis provocateur : Une bande de voyous beurs, après avoir tagué une rame de métro, s’est bagarrée avec une autre ; il y a eu des coups de feux, mais pas de victimes. Traduction poétique : Après avoir habillé de couleurs une rame de métro, des jeunes qui se regroupent sur des considérations ethniques et qui sont défavorablement connus de la justice ont commis des incivilités. Une bagarre par balles s’en est suivie, qui toutefois n’a pas fait de victimes. Les crimes et les violences de tout genre sont désormais sic CNRS des inconduites, la discrimination positive se nomme désormais en Belgique encadrement différencié.

En se cassant la tête et en cherchant bien, on arrive toutefois à trouver une traduction. Ce qui n’est pas le cas en finance. Par exemple, la spéculation contre l’euro pendant la crise grecque a pris le nom de plusieurs produits financiers : lorsque vous achetez une assurance-vie garantie en francs suisses ou en dollars savez vous que vous spéculez contre l’euro. Quand enfin vous empruntez de l’argent, vous engagez un crédit. On s’étonne que les traders spéculent avec des produits à haut risque mais savez-vous que c’est la définition même du trader puisque il est chargé de faire de l’argent en différenciant perception et réalité, juste prix et valeur aléatoire. Traduction : les traders gagnent de l’argent en faisant une analyse technique des influences de la psychologie et des émotions des intervenants et non pas de la valeur (même potentielle) d’une action donnée. C’est à dire qu’il n’existe plus de valeur concrète dans aucun produit financier, et cela par définition. Ainsi, les institutions d’évaluation peuvent dire tout et son contraire au sein du marché fluctuant. Ces pratiques ésotériques qui s’appuient sur des modèles mathématiques évitant le concret (le marché dit tout), empruntent beaucoup sur le marché de l’art. Plus rien d’objectif n’y détermine la valeur d’une œuvre d’art sauf son historique (souvent manipulé) et une action spéculatrice coordonnée et multiple. Ainsi un tableau (ou un peintre) n’a pas de valeur intrinsèque si ce n’est celle de ses ventes précédentes. A l’heure de la globalisation, imaginez l’infinité des manipulations possibles dans le temps et dans l’espace. Le reste, n’est que subjectivité délirante accompagnant l’oeuvre dans son voyage spéculatif, dans tous les sens du terme. 

 


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5 réactions à cet article    


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 3 mars 2010 10:29

    Donc en tant que boulanger je suis chef d’ orchestre et dirige les flûtes les ficelles avec ma baguette , virtuoso ma non troppo ....


    • Gabriel Gabriel 3 mars 2010 13:27

      Certes capitaine vous êtes un virtuose de la baguette et le Paganini du pétrissage de miches. En ce sens, pour les avoir sorti du pétrin, vous méritez amplement la couronne que vous avez façonnée et la ficelle comme insigne de chevalier du levain tôt. J’arrête ici de jouer de la flûte et vous fait grâce de mon paragraphe sur la viennoiserie histoire de ne pas vous prendre pour un Autrichien. Amicalement


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 3 mars 2010 20:26

      Gabriel .... smiley


    • pépé 3 mars 2010 10:58

      Ben moi je voulais toujours être retraité et je le suis devenu sans peine.


      • voxagora voxagora 3 mars 2010 16:10

        @ l’auteur :

        « Je sais bien que chacun de nous voudrait être quelqu’un d’autre.. »
         Ben, non.
         Si vous devez en faire un bouquin, il faudrait peut-être
         être un peu moins catégorique ?

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