American dream, french nightmare
Comme beaucoup de citoyens du monde, j’ai écouté Barack Obama prononcer son discours d’investiture. Obama jouant des symboles historiques, avec deux références. Non pas Kennedy, ce qui décevra notre BHL qui, malgré son livre américain et sa thèse du Kennedy noir, n’aura pas le prix Tocqueville.

N’importe qui peut jouer aux comparaisons historiques en tant que spectateur mais celle choisies par Obama en tant qu’acteur ne sont pas le fruit d’un jeu mais d’une appréhension profonde d’un double ressort l’ayant poussé à la présidence. Avec Lincoln, ce sera disons une sorte de rédemption, voire une conjuration de 140 ans de combats pour les droits civiques et l’égalité des citoyens quelle que soit leur religion ou leur couleur de peau. La référence à Roosevelt parle pour l’avenir, symbolisant un parallélisme entre la dépression des années 1930 et la reconquête du rêve américain, de la prospérité, grâce à l’ardeur de tous, le sacrifice de beaucoup, dans les usines mais aussi en Normandie, pour abattre le nazisme. Obama a lancé un appel à la vertu, à tourner le dos à la corruption, à l’enrichissement sans fin des élites et des financiers. Restaurer un pays, en ayant conscience de la difficulté mais en jouant l’espoir tout en laissant de côté la crainte.
En nous référant à Nietzsche et sa seconde intempestive sur l’histoire nous verrions dans les références proposées par Obama un des trois types d’histoire. En l’occurrence, l’histoire monumentale, celle qui selon Nietzsche, rend justice aux grandes œuvres du passé et sert à montrer que les forces qui jadis ont été le ressort de ces grandes choses accomplies peuvent à nouveau être présentes et dessiner une grande œuvre à venir. Le schéma est des plus clairs. Mais rien ne dit que ça puisse marcher et que les Américains bougent de leur canapé et leur séries télé pour participer au grand défi américain proposé par Obama. Qu’ajouter de plus ?
Je dois vous avouer avoir bénéficié d’une sorte de flash. Ce propos succinct sur l’Amérique m’est venu en lisant attentivement le témoignage d’une des accusées dans l’affaire Tarnac (Monde, 20/01/09) Si l’on accorde une confiance à ce témoignage alors, ce qui s’est passé semble effrayant. Le traitement subi par cette gamine ayant à peine passé la vingtaine, embarquée comme une criminelle, ses effets saisis, cette mise en scène, une centaine de gendarmes, certains cagoulés. Que même les villageois se sont inquiété. Pour peu, ils auraient pensé que Ben Laden se cachait dans Tarnac. Ensuite, procédure ordinaire pour une enquête sur le terrorisme. Garde à vue, cellule de sécurité, fouilles, interrogatoire musclé. Tu es l’ennemi lui a-t-on dit.
Ennemi, désigner un ennemi, c’est selon Carl Schmitt un acte profondément politique. Etant entendu que l’ennemi peut être une nation ou bien une catégorie de citoyens désignés par ceux qui se sont ou ont été placés dans les rouages de l’Etat. Ennemis, ces jeunes qui ont décidé de vivre autrement, rééditant dans un contexte différent l’expérience de bien des fils de bonnes familles partant dans le Larzac pour développer un mode de vie alternatif. En 2009, nous avons toutes les raisons de devenir inquiets. Toute cette jeunesse surveillée par une police dont on se demande si elle n’a pas été transformée en police politique. Servant l’action d’une faction qui pense que la France est menacée par un ennemi intérieur, par des cellules de l’ultra-gauche. Il fut un temps, dans les années 1930, jusqu’en 1944, où l’ennemi, celui qui vivait différemment, c’était le juif.
De 1932 à 1945, l’Amérique fut gouvernée par Roosevelt et s’est redressée. De 1932 à 1944, la France a vécu un autre dessein. Des partis fascistes, des agitations, des luttes entre clans, factions (un poison selon Obama), des gouvernements incapables, qu’ils soient de gauche ou de droite, et puis au final, la parenthèse douloureuse, les années Pétain.
C’est étrange, ce parallélisme entre deux nations ayant suivi des desseins opposées, de 1932 à 1945. Et cette fois, comme si nous étions en 1939, l’histoire qui se ressemble (de 2002 à 2015), Obama en réincarnation de Roosevelt et en France, une dérive autoritaire et une jeunesse traitée par le pouvoir comme si elle était ennemie. Une jeunesse dont le seul dessein proposé est d’étudier et d’entrer dans le système quand elle le peut, d’être payée si peu et de ne plus vivre une fois le loyer payé. Et pour ceux qui contestent, la garde à vue ! Quel contraste ! Obama se prépare à régler Guantanamo et chez nous, Julien Coupat croupit encore en prison. Et Sarkozy qui ne ressemble pas du tout à Obama mais plutôt à celui qui vient de quitter la Maison blanche !
Un rêve américain, un océan, et en face, un cauchemar français. Mais comme l’histoire ne se répète pas, alors on ne se prendre pas la tête avec de faux espoirs et un catastrophisme exagéré. Il faut tout simplement opérer les bons choix en disposant d’une bonne représentation du réel.
Au final, on complètera l’étude de Nietzsche par un quatrième type, celui de l’histoire calamiteuse. Dont le rôle est de montrer au peuple le pire de son histoire afin qu’il ne recommence pas ! A bon entendeur !
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