Ami(e), entends-tu…
Sur cette Terre, le genre humain s’est taillé la part belle et tout en reconnaissant les limites vitales de cette position, il rechigne à revoir ses notions. C’est probablement au nom de cette politique de l’autruche qu’il voit d’un mauvais œil l’avènement d’une salutaire écorésistance qu’il préfère travestir en écoterrorisme pour mieux la désamorcer.

« Les fruits de l’homme sont empoisonnés et détruisent la terre. » Anonyme (Graffiti en Martinique contaminée au chlordécone).
Les idées que je véhicule à travers la deep ecology ne sont évidemment pas sorties d’une adaptation chlorophyllienne de Mein Kampf. Je serais pour le moins confondu que l’on y ait songé un instant. Ce n’est donc pas Mon combat pour qu’advienne un éconazisme ou que triomphe un quelconque coup d’état écolo de partisans installant un despotisme totalitaire, voire une hégémonie géniocratique de cols verts. Je n’ai ni les intentions, ni l’envergure d’un conspirationniste. Le lecteur constatera néanmoins, qu’à contre-courant avec la gabegie dans laquelle se complait voluptueusement le système en vigueur, accrédité par l’avachie intellectuelle du plus grand nombre et la soumission volontaire d’une frange dite responsable, je suis en plein accord avec une idéologie taxée d’écologie plutôt radicale, tendance qui n’a pas l’heur de plaire, ni dans les palais des tribuns, ni dans les taudis citoyens. Le radicalisme induisant en ce domaine un incontournable respect, c’est à mon avis l’attitude la plus « humaine » qui puisse être à l’égard de notre cadre de vie et des espèces compagnes qui le peuplent. Peu complaisants, encore moins compréhensifs, certains y verront déjà une forme de totalitarisme larvé, ou de terrorisme à la clé. Qu’ils y voient ce qu’ils veulent, je les laisse à leur crime planétaire, notre Terre est usée jusqu’à la corde, déjà sous perfusion, au nom de quelle insouciance on ne changerait pas de cap ? Nous venons de traverser cette ère anormale de croissance économique rapide que l’on nomme l’anthropocène. À l’aune de la déplétion des énergies fossiles et de l’effondrement des ressources, l’écologisme doit être instauré en une pensée de droit pour recadrer les activités déboussolées de notre humanité dans une notion souveraine : celle de la finitude du monde. Maintenant et tout de suite, et non plus tard que jamais.
Même s’il est justifié et sollicité en amont du formidable écocide qui nous pend au nez, tout opus d’écologisme radical risque d’apparaître répulsif et ne fera pas le score des 88 millions d’exemplaires de Main Kampf vendus à ce jour, le best-seller d’Adolf Hitler ayant « bénéficié » du sombre marketing d’un génocide historique. L’écocide de notre planète proche du collapse, la faillite d’Homo sapiens, ne sont décidemment pas à la hauteur d’un tel succès. Notre culture s’est instituée humaniste en donnant la priorité à sa propre espèce et en reléguant aux calendes grecques la Terre-mère et les autres espèces. Priorité bien ordonnée… Tout au contraire des dictatures sanguinaires générées par de redoutables psychopathes, l’écocratie souhaitée, émaillée de lois vertes, se devrait être légitime, bienveillante, salvatrice, et se réclamer de guides pacifiques, à l’enseignement subtil et à l’empreinte écologique aussi discrète que Mohandas Karamchand Gandhi, Annie Bessant, Théodore Monod, Jiddu Krishnamurti, René Dumont, Paul-Émile Victor, Hans Jonas, Samivel, Daniel Quinn, Vandana Shiva, Pierre Rabhi et tant d’autres penseurs, femmes et hommes phares d’une aventure humaine sur les sentiers de la simplicité volontaire. Nous sommes à cent lieux des bruits de bottes des Staline, Hitler, Mussolini, Franco, Mao, Paul Pot, Pinochet, Idi Amin Dada et autres sanguinaires, sombres références auxquelles je m’abstiens d’ajouter complaisamment quelques présidents américains, plus ou moins récents, blancs ou noir(s), mais hélas jamais verts. Le mot aléatoire de « dictature verte », on le comprendra, ne peut être employé qu’à titre d’accroche, comme mot-canon et raccourci explicite, pour titiller l’amorphie, secouer le cocotier, sortir de l’éco-tartufferie.
L’avènement d’un tel régime d’exception prônant un mode sociétal écologiquement coercitif du consommer moins pour ne pas consumer davantage, aurait pour seul et unique souci pertinent et bien respectable d’éviter l’effondrement planétaire qui s’annonce chaque jour un peu plus. Voilà si longtemps que par l’éducation on tente en vain de mentaliser les Terriens que c’en est désespérant. L’état des lieux, dont le péril climatique constitue le plus sombre indicateur, ne permet plus d’attendre que les gens aient recours aux bibliothèques ou aux voyages en terres sèches pour s’initier à la parcimonie écologique : le disque dur de la Nature montre une usure grave, inconciliable avec une viabilité de long terme. Et il y en a marre des incantations provenant des lâchers de messagers écotouristes néo-bourgeois au Sahel et ailleurs, sur des itinéraires initiatiques de voyagistes au grand cœur. Rien ne change. La crise alimentaire du Sud est fomentée de toutes pièces par des spéculateurs occidentaux. Et pour comble, elle est masquée par de récurrentes crises financières du Nord et amplifiée par des remèdes aux déprédations du milieu et du Vivant bien pire que les maux. La démocratie capitaliste « aux alouettes » agonise, il n’existerait aucun autre système susceptible de recevoir l’assentiment général. Le tiers monde est à genoux.
Comment mettre à bas le complot pour instituer une autorité morale du type main de fer dans un gant de velours vert, susceptible de mieux protéger et de moins sacrifier, de mettre les bouchées doubles pour réconcilier l’homme avec la Nature, et donc l’homme avec l’homme ? Reste à savoir quelle entité au-dessus de tout soupçon saurait l’imposer, se faire respecter sans faire couler le sang, et par où commencer les contraintes salutaires ? Pour comprendre la voie sans issue sur laquelle on nous conduit, posez-vous cette question : a-t’on déjà vu un économiste abandonner sa calculette pour s’asseoir au pied d’un vieux chêne et méditer sur la déplétion des énergies fossiles et le glissement eschatologique vers un âge de pierre postindustriel ? Notre civilisation sent le roussi.
Se réclamant de la pensée critique et d’un minimum de conscience universelle, prônant la décroissance tant économique que démographique, le radicalisme écologique n’a pour but que de faire prendre conscience de l’urgence des mesures à adopter face à l’accélération de la dégradation de l’état planétaire. La Nature n’a pas besoin de l’homme, tout au contraire, c’est l’homme qui a besoin de la Nature. On connait le crédo, mais on ne peut se lasser de le rappeler à l’aube d’une surpopulation humaine qui voisinera dix milliards d’individus d’ici quelques décennies, dix milliards d’hommes de peu de bonne volonté, exterminateurs faisant feu de tout bois, brisant tout sur leur chemin, toujours et encore animés du pouvoir de nuire. Maintenant que nous mesurons les dégâts commis par notre politique universelle de la terre brûlée, sachant qu’une telle stratégie consiste à tout détruire sur son passage pour ne rien laisser à l’ennemi, à l’heure annoncée des cancers environnementaux, des perturbateurs endocriniens et des premières hordes de réfugiés de l’environnement, souvent considérés comme survivants illégaux, réveillons-nous en nous rendons compte que l’ennemi c’est aussi nous ! L’unique remède, s’il est encore temps, serait de déployer tous les efforts possibles et imaginables pour témoigner d’un maximum de respect au milieu naturel et aux autres espèces. Un tel projet demande un réveil en sursaut, une nouvelle attitude susceptible de tordre le cou aux habitudes amorphes de notre quotidien forgé de caprices anthropocentristes, de mettre aux rancards les notions nocives et éculées de spécisme, de racisme, de sexisme, d’abandonner du même coup le douteux point de vue environnementaliste finalement si préjudiciable, fruit d’un humanisme pervers, et donc de recourir à une démarche nettement plus biocentriste. Pour qui nous prenons-nous ? Ne sommes-nous pas une espèce parmi d’autres, un animal parmi les autres, dans un immense jeu de subtiles interdépendances ? On prétend souvent et pour provoquer, que l’homme ne vaut pas plus qu’une fourmi, qu’une limace. Et pourtant, nous sommes stupidement capables de détricoter, de découdre ce réseau d’équilibres, alors que nous commençons seulement à en appréhender le fonctionnement. Selon une estimation scientifique assez floue mais révélatrice de « la vie qui se voit », il y aurait à ce jour 1.800.000 espèces connues et décrites des dix à cent millions existantes. L’UICN, Union internationale pour la conservation de la Nature, relève que, sur une très courte période, les espèces se fragilisent à un rythme érosif effarant, passant du statut de « En sécurité » à celui de « Vulnérable », puis très rapidement à celui de « En danger », « En danger critique » et enfin au rang peu enviable d’« Éteint ». Le biologiste et entomologiste nord-américain Edward O. Wilson affirme que ce taux d’extinction est de cent, voire mille, ou plus probablement dix mille fois supérieur à ce qu’il était avant l’apparition de l’homme. En trente ans, la planète s’est endeuillée de 30 % de sa diversité naturelle. 90 % des thons, des baleines, des requins ont disparu, la faune marine est épuisée, ce que nous nommons prosaïquement les ressources halieutiques sont en déclin alarmant, mais l’Union européenne investi 200 millions d’euros par an pour acquérir des droits de pêche en des mers lointaines « inépuisables » et piller les pêcheurs locaux avec des navires-machines à tuer le poisson. On se plaindra ensuite de l’irruption d’anciens pêcheurs somaliens devenus pirates ! Pour 99 % des espèces menacées, l’homme est l’unique et injustifié prédateur, artisan d’un redoutable laminoir de biodiversité. Notre humanité est en voie de se faire à elle-même le coup des dinosaures d’il y a 65 millions d’années. Nous ne voyons plus ce que voyaient nos parents et ce que nous voyons aujourd’hui, nos enfants ne le verront pas demain. Ce déshéritement est un crime intolérable et tout à fait emblématique, révélateur de cette ère perdue de l’anthropocène. Que faisons-nous de notre cognition, de notre capacité au raisonnement ? Il y a dans une telle prise de conscience matière à une véritable révolution culturelle. Est-ce la vision d’un illuminé ?
Une écocratie mondiale et décidée par l’oligarchie semble clairement utopique. Les gouvernements et leurs institutions sont les pires exemples d’agresseurs de la biosphère, inaptes à la moindre initiative écologique, ne s’évertuant à légiférer que sous la pression et tout en rechignant, strictement pour l’effet d’annonce, subséquemment à ne punir qu’à l’endroit du citoyen lampiste et plus petit prédateur. Le principe déjà ancien du pollueur-payeur n’a jamais condamné efficacement un haut responsable de boues rouges, de marée noire, de marée verte, de pollution atmosphérique, d’avoir salopé les mers, les littoraux, les forêts, les montagnes, d’avoir contaminé les sols et les corps à l’agent Orange, au DDT, à l’hexachlorophène, à la dioxine de Seveso, au chlorédécone ou à la thalidomide, d’avoir stérilisé les abeilles aux OGM, Régent TS, Gaucho et autres Cruiser du nouveau führer. La nuisibilité de la technoscience est révélée par sa seule fonction : servir le marché. « Penser les défis que science, connaissance et technique posent à la société » est la déclaration de principe du comité des lois bioéthiques édictées par la France (29 juillet 1994 et 5 août 2004). Mais on peut se questionner sur une vigilance morale et législative exercée dans la tradition anthropocentriste d’un pays dont la laïcité est proclamée positive, c'est-à-dire illusoire et vénérant des origines issues de l’obscurantisme monothéiste.
Une société ne renonçant pas au dogme d’une Terre plate de six mille ans, porteuse d’humains spontanément apparus en costumes-cravates simultanément aux dinosaures, est-elle bien prête à la bioéthique, ou faudrait-il lui administrer électrochocs et lavements ? Cette Terre qui était plate, ils la veulent désormais rechargeable. L’opium du peuple est une drogue dure et toutes les critiques de la croyance en Dieu et de son support, les religions, n’ont eu le moindre effet curatif. Galilée et ses semblables n’ont su nous désintoxiquer. Le siècle des Lumières a peut-être relégué Dieu mais Descartes a tristement introduit l’animal machine. Les amis de la Terre attendent désespérément le déicide sans lequel génocides et écocides n’auront de cesse. « Et si Dieu existait, il faudrait s’en débarrasser ! » disait Michel Bakounine, « ce camarade vitamine ». Comble de l’ironie, Dieu n’existe pas et le monde est inapte à s’en débarrasser, c’est dire la démence qui est la nôtre. Humains, nous avons certes besoin de spiritualité, nous ne sommes pas des poissons rouges bien que nous tournions dans le même bocal, mais le dieu dogmatique, révélé, créateur, n’est nullement spirituel puisqu’il est artifice et qu’il induit la Nature dénaturée. S’ils souhaitent sauver les derniers restes non encore profanés par les soldats du Christ et de Mahomet, les guerriers verts, ceux de l’arc en ciel, doivent de toute urgence opter pour un néo-paganisme reconstructiviste, et se rapprocher ainsi des peuples premiers et naturels, de leurs panthéons sacrés respectant et vénérant tout, n’instaurant aucun piédestal à un homme erronément auto-élu. Nietzsche nous l’a assez dit. Et s’il est déroutant de constater qu’une certaine extrême droite est tapie derrière ce néo-paganisme, elle l’est aussi et comment donc derrière les monothéismes, avec leurs fatwas catholiques de l’Opus Dei et de la charia. Vive les dieux domestiques et paysans, vive le chêne sacré, le sanglier sacré, la source sacrée ! À mort ceux qui coupent le chêne, mettent la chair du sanglier en saucisson et l’eau en bouteille plastique assouplie aux phtalates cancérogènes. À mort ! Vous avez peur du paganisme ? Moi j’ai peur de la Guerre de cent ans, qui dure depuis 2.000 ans.
Les déclarations vertueuses institutionnelles ne sont que fumisteries. La planète brûle, le pouvoir en est le tout premier pompier-pyromane. Réalisons une fois pour toutes que l’on ne peut rien attendre d’un personnel politique qui, pour être (démocratiquement) élu, doit se surpasser en prouesses fallacieuses d’un charlatanisme chaque fois plus surenchéri. Toute élection est l’apogée du courtermisme. Les élus ne resteront de toute façon que quelques années aux manettes de tel ou tel pilotage, juste de quoi satisfaire leur égo et, en accointances avec le capital régnant, requinquer leurs comptes bancaires. Je rappelle que le souci de gestion durable se décline en termes de décennies et de siècles, qu’il faut des promesses tenues et réalisées au fil de plusieurs générations pour sauvegarder ou régénérer un écosystème, et pas seulement l’illusion d’un effet de manche. Et cela ne rapporte rien. Pour celui que le pouvoir intéresse, il est donc plus logique de saisir toutes les opportunités, y compris les plus déshonnêtes. Qui plus est, toute promesse vraiment conservatoire pour le biopatrimoine et les ressources est a priori contraire à la toujours très urgente et démocratique demande de vouloir d’achat, de pouvoir d’achat, d’emploi, de confort et de surconsommation d’un électeur votant nombriliste. Le démocrate bovinisé se croit averti en allant aux urnes pour gagner plus en travaillant moins (et ceci est très louable), pour le meilleur rapport qualité-prix du kilogramme de trippes, pour la non-augmentation des énergies fossiles en voie d’épuisement, pour la sécurité urbaine au coin de sa rue et autres allocations familiales, mais non pour la sauvegarde des campagnes, des montagnes, des forêts, des eaux vives et des libellules. Le maire de mon village a rasé les collines environnantes pour une exploitation minière effrontée du sol et du sous-sol, mais il est reconduit dans ses fonctions pour avoir le village le plus fleuri du département. Le pélargonium ornemental des balcons masque admirablement la disparition du bleuet des champs. Le monde fini est électoralement inépuisable, tout le monde se fout que la planète soit devenue trop petite. Le concitoyen est bien loin d’être atteint par le complexe de Noé, ce sauvetage irrationnel et implicite des espèces, contre-réaction aux attitudes induites par l’« après moi le déluge » du laisser-aller ordinaire. Il ne ressent pas la nécessité de cogérer la biosphère avec prudence et circonspection, bien qu’il y soit condamné chaque fois plus par le nombre croissant de colocataires de la maison commune. Non, le concitoyen n’est pas atteint du complexe de Noé mais du complexe de Zidane. Merde alors ! Il demande donc des stades, des gradins et des ballons. Et les Pharisiens sachant berner lui en donnent en veux-tu, en voilà.
Nous n’atteindrons jamais l’âge de raison nous permettant de gérer convenablement une maison du Quaternaire dont nous ne sommes que locataires et qu’il devrait être de notre impérieux devoir de remettre à nos enfants en l’état où nous l’avons trouvée, et non chaque fois davantage dégradée. Depuis que nous sommes civilisés, nous ne tirons plus la chasse d’eau, et quand la merde déborde, c’est encore de la merde. D’où l’habile substitution d’un toujours inexistant ministère du futur par un ministère de l’économie déficitaire. Et la mondialisation ou globalisation en marche n’est que pour faire main basse sur les restes du monde.
Homo sapiens, immergé dans des systèmes politico-économiques et culturo-religieux dont il ne peut, ne veut se dépêtrer, impossibles à reconsidérer parce que devenus de simples tropismes, pourrait être déclaré inapte à une telle dictature de la paix, du bien-être, ayant pour objectif une réconciliation de l’homme avec la Nature, et finalement de l’homme avec l’homme.
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