Amour et sexe en prison
Comme me disait mon frère H. : « Il n’y a que les homosexuels qui sont heureux en prison »
Les peines de prisons sont des peines privatives de liberté et non de relations sexuelles... mais il est interdit dans les parloirs d’avoir des relations sensuelles sous peine de suspension de droit de visite.
L’acte sexuel, l'acte physique, je veux dire est aussi naturel que de manger ou boire, surtout lorsqu'on est jeune. S'en priver crée un manque, même si on prend en « main » un bout du problème, après un temps cela ne suffit plus.
Une seule solution : la masturbation !
De tout temps, la seule solution en prison c'est la masturbation et ça le reste toujours. Les cellules (des détenus masculins) sont tapissées de femmes nues. Encore, faut-ils qu’ils évitent qu'on les surprennent, lorsque nous faisons les rondes et que nous regardons par l'œilleton !
Quel homme – ou femme – se masturbant n'a pas peur de se faire surprendre ? Il y a quelque chose de tabou dans ce geste. Pour un détenu, surtout : la peur de ce faire surprendre par le maton...
Je n'en ai jamais pris un sur le vif, mais souvent, j’ai pu constater lors de mes inspections des taches blanches sur les draps dont l'origine ne faisait aucun doute. Lorsqu'on parle demater, ce n’est pas trivial c’est professionnel : c'est notre fonction. Nous, Surveillants de base nous « matons ». Mater, c'est d'abord s’assurer que le détenu est bien là et qu'il ne tente pas de s'évader. Qu’il ne tente pas de mettre un terme à ses jours, non plus.
La solitude du taulard
Les prévenus incarcérés, en attente de leur procès et peut-être d'une remise en liberté conditionnelle, ceux qui ne redoutent qu'une condamnation légère, arrivent à contenir leur abstinence. Tant qu’ils ne savent pas le sort qui leur est réservé, ils peuvent se retenir. Si leur compagne vient assez souvent les voir au parloir, ils peuvent avoir des rapports furtifs et ainsi calmer leur libido.
Pour ces personnes, la famille, l’avocat, les ami(e)s qui les soutiennent sont des repères. Ils savent que c’est un mauvais moment a passer. Ils espèrent une sortie prochaine : ils n'ont pas l'envie de se masturber – encore moins d’avoir des rapports homosexuels : ils n'ont pas (encore) rompu tout lien avec la société.
Mais quand on en prend pour vingt piges, quand le type se retrouve en Centrale, alors souvent, doucement, les autres, ceux qui venaient le voir, le laisseront seul, espaceront leur visite, l'oublieront peut-être, l'abandonneront souvent.
Quand on est seul au monde, comment s’étonner que la chair prenne le pas ?
Sodomie et homosexualité
Peut-être allons-nous avec la nouvelle loi connaître les premiers mariages homosexuels en prison ?
Souvent l’amitié qu'un détenu porte à son codétenu se transforme au cours du temps. Parfois ce seront des caresses, juste de la tendresse. Parfois, malgré eux, ils en arrivent aux des relations sexuelles. Des collègues ayant travaillé en Centrale, m'ont rapporter comment des détenus vivaient en couple.
Souvent, entre hommes, c'est la sodomie. Ne soyons pas prude, c’est une pratique courante (y compris en-dehors de la prison et que ce soit entre homo- ou hétérosexuels). Bien que l'époque de l'Inquisition soit derrière nous, cela reste toujours un acte jugé abominable. De tels préjugés ne nous permettent pas de réfléchir en toute objectivité sur la sexualité en prison, et, en particulier sur l'homosexualité.
En taule, ces préjugés sont encore plus exacerbés. Etre un pédé, en prison, être une tafiole, c’est une insulte grave. C’est être traité comme un sous-homme, c’est être une considéré comme une pute : c'est-à-dire un réceptacle à foutre. C’est aussi cru que cela. Ces mots-là, je les ai entendu dans la bouche de détenus que je gardais.
(Si je n'ai pas, personnellement, connu de détenus en couple homosexuel, par contre à la Prison du Pontet, il y avait un couple de lesbiennes surveillantes. Elles avaient un enfant, qu'un surveillant du même établissement avait bien voulu faire à l'une d'entre elles. Pour leur rendre service...)
Dans l'intimité des parloirs
Alors qu’ils étaient assis l’un en face de l’autre, la femme avait relevé sa jupe, offrant ses cuisses et son sexe à la vue et au désir du détenu. Il n’y avait pas de séparation entre eux, pas de rempart, et nous devions leur interdire ces rapprochements naturels.
Ces parloirs sans muret, comme à la Maison d'arrêt des Baumettes, en Avignon ou au Pontet - m’ont irrité lors de leur mise en place. Il nous faut constamment surveiller que les personnes ne se touchent pas.
Avant, c'était plus simple. Les détenus et leurs visiteurs se parlaient au travers d'un hygiaphone. Dans d'autres établissements, comme à Fleury-Merogis, il y a un petit muret de séparation. Avec une séparation à mi-hauteur dans le box nous pouvions imposer une certaine tenue, quand ils ont supprimé ces murets, la nature a repris ses droits.
L’administration était tombée sur la tête. Devoir empêcher qu'ils se touchent !
Moi je laissais faire. C'est d’ailleurs à cette période qu'il y a eu un 'baby-boom' des prisons ! C’était dans les années 1990 et cela c’est fait dans toutes prisons de France et de Navarre, laissant un ou deux pârloirs à hygiaphone, pour certains détenus à risque ou - comme sanction infligée pour avoir eu par exemple des rapports sexuels avec sa compagne/ou son compagnon.
A la Maison d'arrêt du Pontet, je me souviens que nous avions donné pas mal de ces sanctions en commission de discipline. Parfois même, jusqu'à une interdiction temporaire de parloir à cause de tels comportements.
Les chambres d'amour
Aujourd'hui, il existe au sein des établissements des UVF, - Unité de vie familiale -, autrement dit, en langage plus trivial ; 'chambres d’amour'. J'espère qu'il y en a aujourd'hui aux Baumettes, ou alors ils sont drôlement en retard pour appliquer la loi pénitentiaire !
Ce sont des petits studios avec chambre, salon, cuisine américaines et même courette, implantés dans l’enceinte pénitentiaire. Les compagnes (épouses ou concubines) peuvent rejoindre leur compagnon, seules ou accompagnées de leurs enfants. Lorsque je travaillais, ils pouvaient séjourner de 6 heures à 48 heures. Je ne sais pas si la durée de la visite a augmenté depuis mon départ.
Cela a été une avancée énorme, malgré les délais trop longs pour l'obtention de ce droit de parloir-là.
Des viols en prison passés sous la loi du silence
Sous des allures bonhommes certains prisonniers, dans la cage de leur cellule, deviennent des bêtes. Lorsque nous mettons avec eux, sans le vouloir, sans le savoir, un détenu plus faible, ils peuvent laisser alors libre cours à leurs plus bas instincts.
Le pauvre type, sous leur emprise est alors soumis aux pires avilissements. Ils les tiennent en respect, les menaçant de représailles, s’il s'avise d'en parler aux personnels ou à leurs proches. C’est pour cette raison qu’il nous est difficile d'intervenir et d'arrêter de tels actes. Pourtant cela se voit : il n’y a qu’a regarder le détenu, de lui évoquer le viol pour s’apercevoir qu’il est terrorisé et de se rendre bien compte qu'il en a été la victime. Pourtant, jamais il n’avouera, et nous, on ne peut rien faire sans plainte ni aveux.
J’ai connu ainsi des détenus traumatisés à la prison d’Avignon, mais, ils avaient tellement peur qu’ils n’ont jamais dénoncer leur tortionnaire. Nous nous sommes alors contentés de les changer de cellules.
Les amours interdites
Dernièrement, les média ont relatés des amours (plus ou moins réciproques) entre les détenu(e)s et des membres du personnel pénitentiaire ou bien des intervenants extérieurs. Il n’y a pas si longtemps, un directeur de maison d'arrêt a été déchu pour avoir aimé une détenue de sa prison.
J’ai connu aux Baumettes des assistantes sociale qui acceptaient de se faire cajoler par des détenus. Lorsque l’administration s’en est aperçue elle ont été aussitôt suspendues en attente de sanctions. Dans les années 1990 une doctoresse, ou une psychologue, s’est retrouvée surprise dans une posture ambigüe avec un détenu, c'est-à-dire en plein coït. Elle a été suspendue et interdite de travail au sein des prisons. Je ne sais pas qu'elle autre suite a été donnée à cette incartade.
L’amour rend aveugle, dit-on. Jusqu'où peuvent mener de telle relation ? Un truand séduit son avocate pour l'aider à se faire la belle. Un autre utilise sa relation pour se faire apporter tout et n’importe quoi de l'extérieur... (Heureuseement, pour ma part, je n’ai connu personne dans mon entourage qui ce soit retrouvé dans ce genre de situation.)
Personnellement, je pense que de telles amours sont possibles à condition d’en accepter les conséquences. Si c'est le cas, alors il faut changer de statut – ou d'établissement : ne plus être l'avocat, ni le visiteur de prison qu'on était. Pour le/la surveillant(e) il/elle doit immédiatement changer d’établissement et venir visiter son amoureux au parloir comme n’importe quelle personnes extérieures, sans passe-droits.
Il est plus moins grave de se faire prendre pour avoir fait l'amour dans un parloir sans dispositif de séparation que de ce faire coincer en tant que directeur ou maton. Baiser dans une cellule avec sa belle ou son « beau » est passible pour nous de la Correctionnelle.
Il y a enfin des cas plus graves. Il y a de cela quelques années au Pontet, j’ai reçu un surveillant au quartier d’isolement : cette fois-ci comme détenu. Auparavant il avait travaillé au quartier des femmes de la Prison des Baumettes. Là, il avait entretenu des rapports réguliers avec plusieurs détenues.
Il leur imposait les pires humiliations. Il les violait parfois, choisissant comme sur un marché aux esclaves celle qu’il saillirait. Un jour une détenue, parce qu'elle était amoureuse de lui et qu'elle se sentait déshonorée, l'a dénoncé. C'est ainsi que le maton s'est retrouvé derrière les barreaux.
C’est ainsi que se termine souvent les amours en prison.
Déjà, pour nous qui sommes en liberté, il est difficile d'exprimer sa libido ou aller vers l’autre. Alors, je vous laisse imaginer combien il devient chaotique d’exprimer ou de vivre sa sexualité derrière les barreaux. Comme le dit Bruno : 'parler d'amour, de sexe, de désir en prison c'est presque déshonorer ces mots ! C'est aussi les salir, peut-être. Et peut-être, pour cela restent-ils tabou d'en parler ?'
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