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Analyse des débats sur la Loi dite de transition énergétique à l’Assemblée nationale [1]

Les 6,7, 8 et 10 octobre derniers le projet de Loi dit Transition énergétique, nous verrons qu’il faut se méfier des dénominations et voir ce qui se cache derrière des termes mis en avant sur ce thème de l’énergie, a été débattu à l’Assemblée nationale par un nombre restreint de députés, de l’ordre de 40 pour les votes sur les amendements. L’importance de la question de l’énergie pour un pays est bien démontrée notamment par Jean-Marc Jancovici qui ne manque jamais de rappeler que PIB et production énergétique sont intimement liés. C’est ainsi qu’Olivier Delamarche conteste les 7% de croissance chinoise, alors que la consommation électrique est restée stable dans ce pays au même moment.

Dans la mesure où nous importons la presque totalité des hydrocarbures et des matériels, notamment pour l’éolien et le photovoltaïque, il n’est pas possible de parler d’énergie sans évoquer et prendre en compte le contexte international. D’autant que nous nous approvisionnons en hydrocarbures depuis ou à travers des zones très fortement secouées par des affrontements guerriers : Russie avec l’Ukraine, Moyen Orient, Algérie et Afrique même

Une intervention de Michel Sordi a bien situé le problème :

M. Michel Sordi :…. J’en viens donc à quelques chiffres, notamment ceux des réserves stratégiques. La France dispose, sur son territoire, d’un mois de pétrole, de trois mois de gaz et, entre AREVA et EDF, de trois ans de stock d’uranium. Quand on voit ce que fait Poutine avec le gaz actuellement, quand on voit la crise du pétrole en Irak, je pense que nous avons intérêt à poursuivre nos recherches en matière de nucléaire. Rappelons aussi que nous achetons l’uranium dans les pays de l’OCDE. Les principaux pays fournisseurs et producteurs sont le Canada et l’Australie, et, bien sûr, les pays africains….//

Un deuxième élément qui pèse d’un grand poids sur l’avenir est celui relatif à l’évolution démographique qui est forte en France. 70 millions d’habitants vers 2050, qui constitue d’une manière assez incroyable l’horizon, - parler d’horizon permet d’éluder un vrai planning-, où cette Loi a la prétention de régler la question énergétique de notre pays.

Ce que l’on voit à notre horizon immédiat c’est le naufrage de notre économie. Quel impact sur notre économie vont avoir les mesures de cette Loi  ? On ne pourra pas y répondre à partir de la vision propre du gouvernement puisque ses représentants, Ségolène Royal et François Brottes se sont obstinément refusés à répondre aux questions relatives aux conséquences économiques de la mise en œuvre de ce qu’il appellent un nouveau modèle énergétique, qui en fait correspond au scénario Négawatts [les orientations duquel ont été démontées de nombreuses fois, à la fois sur les plans financier et technique et l’Allemagne elle-même ne parvient pas vraiment à le lancer].

Il est difficile de matérialiser les utopies, donc cette Loi sera en majeure partie inapplicable.

La réduction de la part du nucléaire dans la production électrique

 C’est l’article 1 de la Loi, c’est dire s’il sert en fait de vitrine. De très nombreux amendements avaient été déposés sur cet article, - UMP, PC et MRC- qui visaient à revenir sur cette notion très floue de ramener l’électronucléaire à 50% à l’horizon 2045. Il est à noter qu’aucune mesure de fermeture nominative de centrale nucléaire ou d’arrêt de réacteurs nucléaires, ne figure dans le texte de Loi. Ceci est laissé à l’initiative de l’EDF, d’où la nécessité de débarquer Proglio, ce qui va être fait.

Cela participe d’une volonté consciente d’abaisser la France, ce qui transparait dans les déclarations d’ouverture de Ségolène Royal :

« Mme Ségolène Royal, ministre. Aucun pays au monde ne dépend à 75 % d’une seule source d’énergie pour son électricité !...... Il est donc impératif de construire un mix énergétique qui ramène à une part déjà considérable, 50 %, la part du nucléaire dans la production d’électricité….//

Mme Ségolène Royal, ministre. Pour une fois, en partie grâce à moi, la France a cessé de faire la morale au monde entier dans les instances internationales en s’abritant derrière l’énergie nucléaire, énergie décarbonée, pour s’exempter de tout effort. Or, la transition énergétique ne se traduit pas par la seule diminution de l’émission des gaz à effet de serre : c’est aussi la réduction de la consommation d’énergie, la montée en puissance des énergies renouvelables qui favorisent l’indépendance énergétique, autre objectif de la transition énergétique, sans le problème de la gestion des déchets nucléaires, dont la France, qui a fait ce choix, a la responsabilité, au contraire des autres pays qui n’ont pas fait ce choix…//

En introduction il a été évoqué la confusion entretenue sur les expressions et les mots. Ici Ségolène Royal dévoile directement un des objectif majeur de cette Loi, réduire la consommation d’énergie, de manière drastique puisqu’il s’agit de la diviser par deux en 2050 par rapport à 2012. Dans les débats ceci est confondu avec les économies d’énergie dont personne ne nie l’intérêt, mais dont on ne peut attendre un tel rendement avec une démographie forte notamment. Donc cela implique forcement des mesures de coercition. On verra que celles-ci comprennent la forte augmentation des tarifs de l’électricité et de l’énergie et que pour compléter cela il sera possible de limiter autoritairement la consommation électrique domestique à travers les compteurs intelligents, les smart grids.

Au passage il est caractéristique d’une incompétence débridée, mais qu’espérer d’autre en confiant ce dossier à Ségolène Royal, de déclarer qu’une production EnR, éolien et PV dont on importe quasiment tous les matériels favorise l’indépendance nationale !

Sur ce même thème de l’incompétence nous avons eu aussi ces interventions de Denis Baupin, grande figure d’EELV : M. Denis Baupinrapporteur. Pourquoi voulez-vous payer pour fermer des centrales ? Il suffit d’éteindre. Cela ne coûte rien.//

Et M. Denis Baupinrapporteur. Pourquoi voulez-vous que la fermeture des centrales présente un coût ?//

Et puis François Brottes qui a repris au PS le rôle de Christian Bataille, écarté pour avoir soutenu l’EPR en 2007, et devrait donc avoir un minimum de connaissances, s’imagine que pour prolonger la vie des réacteurs nucléaires, jusqu’à 20 ans c’est déjà une donnée reconnue, il faut changer tout le réacteur : M. François Brottesprésident de la commission spéciale. Imaginez-vous une seule seconde qu’il ne faudrait pas avoir changé tous les réacteurs pour qu’ils continuent de fonctionner en 2050 au niveau que vous envisagez ? Il n’est pas sérieux de citer les chiffres que vous évoquez pour évaluer les conséquences financières et économiques d’une prolongation du parc actuel jusqu’à 2050 – sans parler des difficultés techniques.//

Effectivement il fait mieux de s’abstenir de parler de ces difficultés.

[La durée de vie d'un REP est ainsi exactement celle de sa cuve primaire qui est soumise à des contraintes sous rayonnements. Avec deux problèmes principaux, la détérioration de son acier sous le bombardement neutronique et des problèmes de corrosion sous contraintes et sous irradiation. Les études montrent que l’on peut aller jusqu’à 60 ans sur nos REP. Ce qui se fait aux USA].

Dans le domaine des compétences sur le nucléaire, on doit relever qu’un point fondamental n’a même pas été évoqué au parlement. Il s’agit du rôle important de réacteurs nucléaires pour la stabilité du réseau à travers le cosinus Phi et une puissance électrique ainsi disponible par Hz. Les réacteurs de Fessenheim assurent cette fonctionnalité et en Allemagne le grand réacteur à eau pressurisée de conception allemande, Biblis, a été adapté pour cela. Etant donné la fragilité actuelle des réseaux électriques, arrêter ces réacteurs nucléaires aggraverait les risques de Black out sur un sous réseau européen. Est-ce qu’un gouvernement sans soutien populaire et avec une base politique restreinte peut se permettre un black out aux conséquences multiples, provoqué directement par ses décisions politiques ? C’est un des points qui font que l’Allemagne qui doit sortir du nucléaire depuis 2000 produit encore de 15 à 20% d’électricité d’origine nucléaire. Le comble de l’ignorance sur ce sujet avait déjà été atteint par Delphine Batho qui avait déclaré aux dernières nouvelles d’Alsace que la fermeture de Fessenheim n’aurait aucune incidence sur le réseau électrique, qui est interconnecté en Europe.

Puisque l’on s’occupe de l’horizon 2045, les représentants du gouvernement auraient du au moins évoquer la génération IV de réacteurs nucléaires qui devrait normalement déboucher avant cette date. L’époque actuelle étant celle de la génération III, l’EPR, l’AP1000 de Toshiba/Westinghouse

 Réacteurs rapides à sodium : le projet Astrid.

La seule intervention intelligente sur ces sujets a été le fait de Michel Sordi dont on donne l’intervention presque complète :

M. Michel Sordi. Je sais bien, et c’est avec beaucoup d’intérêt que vous êtes venu en Alsace visiter Fessenheim [il s’adresse à Ségolène Royal]. Vous avez pu constater les travaux qui ont été faits dans le cadre du programme post-Fukushima, toutes les mises aux normes régulières et les centaines de millions d’euros investis pour tenir cette usine à son niveau.

L’amendement n414 a pour objet de compléter l’alinéa 18 par les mots suivants : « et notamment les recherches sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération ». La diversification du mix énergétique est un objectif fort légitime, mais il ne doit pas occulter le besoin de préparer la quatrième génération de réacteurs nucléaires – il s’agit du surgénérateur ASTRID –, qui permettra de repousser la contrainte du stock d’uranium compte tenu des réserves existantes.

Je veux rappeler quelques chiffres. Ces études avaient commencé avec Superphénix, arrêté en 1997 par Mme Voynet, alors ministre de l’environnement. À la même époque, elle supprimait aussi – je l’ai déjà dit mais ça me fait du bien à chaque fois – le canal Rhin-Rhône, ce projet d’envergure européenne. Tous les terrains étaient achetés, toutes les études étaient financées, la Compagnie nationale du Rhône était prête à lancer sa réalisation. Mme Voynet a supprimé tout cela pour des histoires bassement électorales qui concernaient le canton de Dole. C’est, pour moi, le plus beau scandale de notre République……/

/… Rappelons aussi que, compte tenu de l’évolution des consommations et des besoins, les réserves mondiales sont d’environ 80 ans pour le pétrole, 120 ans pour le gaz et 130 ans pour l’uranium, mais, lors des auditions auxquelles nous avons procédé, j’ai été extrêmement surpris d’apprendre des ingénieurs du CEA ou d’EDF que seul 1 % de la charge mise à l’intérieur du réacteur était consommé et que, si nous passions à un réacteur de quatrième génération, ce seraient plus de 80 % de la charge qui pourraient être consommés [la surgénération permet de multiplier par de 60 à 80 la réserve énergétique constituée par l’uranium naturel. Et il y a aussi le cycle Thorium Nda]. Par conséquent, le jour où nous passerons à des réacteurs de quatrième génération, nous aurons non plus 130 ans mais plus de 5 000 ans de réserves d’uranium.

Alors, c’est vrai, cela va prendre du temps [si on le veut un débouché en 2025 est tout à fait possible. Nda], mais si on ne poursuit pas sur cette voie, si on ne marque pas cette volonté dans la loi, j’ai bien peur que nous nous en détournions.

L’ingénieur du CEA auditionné a été interrogé sur la possibilité d’améliorer encore la sûreté en passant de la troisième à la quatrième génération. Il nous a répondu que nous pourrions toujours améliorer la sûreté à la marge mais que tout a déjà été fait pour sécuriser l’EPR. Autrement dit, si un incident devait survenir aujourd’hui, rien ne pourrait sortir ni dans l’air ni dans le sol. On améliorera encore la sûreté, mais ce sera à la marge. Arrêtons donc de vendre de la peur à nos concitoyens !

Je souhaite donc simplement que l’on inscrive dans la loi ces études, car, à mon avis, la transition énergétique ne pourra pas se faire sans le nucléaire, et la quatrième génération résoudra les problèmes d’approvisionnement pour de nombreux siècles.

Mme Marie-Noëlle Battistelrapporteure. ….J’émets donc un avis défavorable.////

Le donc est tellement symbolique d’une ignorance qui s’alimente d’idéologie anti nucléaire rétrograde ! [2]

Sur les gaz de schistes on ne pouvait attendre de la part de Ségolène Royal autre chose qu’un discours formaté sur les arguments martelés par nos médias « dégâts environnementaux considérables, problème de santé publique, avec les séquelles dont souffrent les riverains des puits de forage, multiplication de friches industrielles lorsque les réserves sont épuisées et que les opérateurs privés se déplacent de site en site » et la terrible fracturation hydraulique « Or la France, vous le savez, ne recourra pas à la fracturation hydraulique, compte tenu des risques qu’elle comporte ».

Peu importe que ces affirmations hexagonales [l’Angleterre, la Pologne …. vont exploiter leurs gaz de schistes] soient réfutées régulièrement par des associations de foreurs dont la voix est étouffée. Dans une envolée dont elle est coutumière elle ajoute que tout cela sera rendu inutile par l’écoconstruction. Comme si le bâtiment l’avait attendue pour l’isolation. On pratique ainsi l’isolation par l’extérieur depuis près de 40 ans, mais tout cela un coût et gêne les promoteurs.

Notons que l’on nous épargne les certitudes sur le débouché de la filière Tokamak, dont ITER est le dernier appareil [non pas d’études, mais d’objectif, - l’ignition-]. Contrairement à ce qu’affirme François Brottes, décidément complètement à côté de la plaque, le stockage massif d’énergie n’est pas pour demain.

M. François Brottesprésident de la commission spéciale. En réalité, la transition énergétique est un modèle nouveau : parce qu’il y aura des économies d’énergie du fait de la réhabilitation thermique des bâtiments, parce qu’il n’y aura plus de pointes car on saura lisser la consommation d’électricité, parce qu’il n’y aura plus d’intermittences car on saura stocker l’électricité, … … parce que ces technologies sont matures et maîtrisées, et qu’il ne reste plus qu’à poser le modèle économique – ce qui est précisément l’objet du texte que nous examinons –, on ne raisonnera plus comme avant. [Ici, Brottes exprime clairement que la transition énergétique c’est Négawatts]

Ce projet de Loi se propose également de favoriser le développement de la voiture électrique en oubliant le ferroutage. En omettant également que cela exige une augmentation de la production électrique. Si l’on considère une introduction massive de la voiture électrique en ville, seule vraie possibilité actuelle avec +/- 150 kms d’autonomie, cela exige la production d’un réacteur nucléaire au moins.

Alors qu’il transparait dans les débats même que la demande énergétique devrait augmenter en France dans les années à venir, les orientations de la Loi impose un freinage sur le nucléaire et les hydrocarbures [Dans le langage convenu des green craps comme le dit Cameron, alors que son pays tente de se relancer, notamment avec le nucléaire et le gaz de schistes, on dit énergies carbonées pour les hydrocarbures, mais quand on brûle du bois, c’est de la Biomasse]. Or ces deux types de ressource énergétique, pétrole et gaz, représentent la grande majorité de notre consommation.

Inéluctablement cette orientation conduit à une baisse de la consommation énergétique. Ségolène Royal parle alors de la montée en puissance des EnR éolien et Photovoltaïque. Sans aller au bout du raisonnement, c'est-à-dire que :

* d’une part l’intermittence de ces énergies oblige à investir en même temps en chaudières à gaz [voir la chaudière à gaz de Landivisiau, combattue par les antis nucléaires bretons alors qu’elle vient en soutien des 3.600 MWe théoriques de l’éolien offshore des baies bretonnes], donc l’éolien et le PV ne peuvent être considérés comme totalement décarbonés

* d’autre part il existe une limitation inéluctable dans l’état actuel du réseau électrique qui est celle qui concerne le taux admissible sur ce réseau de tels courants intermittents. Il est de l’ordre de 20%. C’est le cas en Allemagne et cela explique le littéral déversement de courant intermittent sur ses voisins, Pologne particulièrement, qui s’accompagne d’un dédommagement dans ce cas.

Pour faire face à la déstabilisation du réseau par le courant intermittent de l’éolien et du PV, il faut réinvestir massivement en lignes très haute tension et gérer la demande et le transport du courant. On voit ainsi que ce modèle énergétique type Négawatts réclame des investissements très lourds.

On en vient ainsi naturellement à la question des coûts relatifs à cette Loi et à ses orientations.

 Coûts et prix de l’énergie

Précisons d’emblée que lors de la présentation du projet de Loi, l’absence de chiffres avait déjà été relevée. Les débats à l’Assemblée nationale ont confirmé qu’il y avait une vraie volonté de la part du gouvernement et des responsables de commission de faire un véritable black out sur les coûts et sur l’augmentation [personne ne croit à une baisse] du prix de l’énergie.

Des députés ont ainsi dépensé beaucoup de leur temps de parole : M. Patrick Hetzel. Nos concitoyens se trouvent d’ores et déjà dans une situation extrêmement difficile, ainsi que nous vous l’avons indiqué. Lorsque nous demandons au Gouvernement – c’est à lui de s’exprimer sur ce sujet puisque c’est son projet de loi – quelle sera la trajectoire, quelle sera l’incidence de ce projet de loi sur la transition énergétique en termes de coûts de l’énergie, nous n’obtenons absolument aucune réponse, si ce n’est de M. le président Brottes, qui nous a dit en substance : « Regardez ce que vous avez fait avant 2012 » !//

Ou encore : M. Damien Abad //… Il est bien entendu impossible d’évaluer précisément la hausse des tarifs dans les quatre ou cinq prochaines années, mais j’aurais aimé que vous nous donniez une trajectoire ; que vous ne l’ayez pas fait me paraît très inquiétant. De deux choses l’une : soit vous disposez d’une telle trajectoire d’évolution des prix de l’énergie mais vous ne voulez pas la communiquer à la représentation nationale, ce qui est regrettable, soit vous n’en disposez pas, ce qui n’est pas très rassurant pour les différents acteurs du secteur et, surtout, pour les consommateurs, qui risquent de voir leur facture énergétique exploser….

…. Sur ce sujet, l’opposition n’est pas seule à s’interroger : les Français se posent la même question, de même, je le répète, que le médiateur national de l’énergie, lequel s’est inquiété, dans son dernier rapport, de la hausse des tarifs. À cet égard, M. de Rugy nous a donné les chiffres [+30% rapidement Nda]. Je vous l’accorde, bien sûr, l’augmentation des tarifs ne date pas d’aujourd’hui. Mais nous aimerions savoir s’il y a une accélération de cette augmentation, quels sont les risques, comment vous allez les contenir, quelles mesures vous allez éventuellement prendre pour corriger cette situations ; cela s’appelle la prospective, cela s’appelle la prévision – cela s’appelle tout simplement faire de la politique…….//

M. Martial Saddier //…. Je suis désolé, mais nous avons posé au moins vingt fois des questions précises concernant simplement le prix de l’électricité !...//

M. Damien Abad//… Je lui ai posé [à Mme la Ministre] différemment la question en lui demandant si elle confirmait ou non les prévisions de la CRE, à savoir une augmentation du prix de 30 % d’ici à 2017. Reformulons de nouveau la question : à partir de quel niveau considère-t-il que le prix « compétitif » de l’énergie, pour reprendre la formule du texte, ne le serait plus  ?... //

Un des éléments qui va fortement grever le prix de l’électricité et qui le fait déjà, est le soutien à l’éolien et au photovoltaïque par la taxe sur la facture EDF alimentant la CSPE. Là, on parle d’un reversement à la CSPE qui n’a pas été fait par le gouvernement UMP. On voit ici l’ampleur de cette taxe « verte ». Déjà 5 milliards d’euros investis pour une production insignifiante.

M. François Brottesprésident de la commission spéciale. //Puisque nous en sommes aux détails, chacun sait que le tarif de l’électricité se compose du coût de la production d’énergie – cela concerne le nucléaire –, de celui du transport et de la distribution de l’électricité – cela concerne l’ensemble des énergies produites – et de la fameuse CSPE, laquelle pèse aujourd’hui à hauteur de 10 % du tarif final et pour laquelle, comme je viens de le rappeler, vous nous avez laissé une ardoise significative [5 milliards d’euros Nda].///

L’évolution des coûts du nucléaire.

Rappelons que le coût de revient du nucléaire relatif aux réacteurs REP se situe au niveau de 45 euros par MWh. Contrairement à ce qui se pratique pour d’autre source d’énergie dans ce prix du MWh sont inclus des réserves financières pour le retraitement du combustible, le stockage des déchets et le démantèlement des centrales. On trouve différents prix, EDF, cour des comptes.., parce que la durée d’amortissement considérée varie par exemple. Le taux d’amortissement du capital est également important. Aujourd’hui il est de 5%. D’où le surcoût de retards. Si l’on considère le prix du MWh de l’EPR de Flamanville, on se retrouve vers 70/90 euros par MWh. La dérive du coût est majoritairement due à la sûreté. Son amélioration importante d’une part et des retards causés par l’intervention de l’Autorité de Sûreté. Avec des tracasseries parfois abusives comme celles qui concernent les contrôle commande. On a ainsi presque triplé le budget initial pour la construction. Dans la mesure où un effet de série même limité, à cause de la forte diminution du temps de construction, amènerait une baisse conséquente du prix du MWh, on peut considérer ceci comme un prix plafond. Pour une énergie sûre et stable cela reste un coût plus que raisonnable et non soumis à la géopolitique.

Mais il y a la possibilité de faire fonctionner les réacteurs REP de deuxième génération jusqu’à 60 ans. Pour cela il faut procéder à ce que l’on appelle le grand carénage du parc de réacteurs nucléaires REP et mettre leur sûreté en règle vis-à-vis des critères de sûreté renforcée.

Contrairement à ce que pense François Brottes, prolonger la vie des réacteurs ne signifie pas changer tout le réacteur. C’est pourquoi le coût global de ce grand carénage de 110 milliards d’euros donné par la cour des comptes qui ne fait que reprendre des études biaisées est largement surévalué. On ne peut atteindre ce chiffre de 2 milliards d’euros par réacteur, ce qui représenterait pratiquement un réacteur neuf construit indépendamment. De la part du gouvernement cette manipulation de chiffres s’accompagne d’un refus de considérer le manque à gagner d’un arrêt prématuré du nucléaire. Ségolène Royal avait ainsi précédemment qualifié de farfelus le coût de 5 milliards d’euros de perte pour l'arrêt de Fessenheim issu d’une commission parlementaire.

L’attitude du gouvernement a non seulement empêché toute information, mais a aussi noyé les débats dans des affirmations non crédibles quand on sait que l’on peut prolonger la vie des réacteurs nucléaires d’au moins 20 ans moyennant le changement de composants et de matériels et des travaux pour la remise à niveau sûreté qui dans le cas de Fessenheim se montent à de l’ordre de 40 millions d’euros pour la modification des radiers et le renforcement de la digue notamment.

L’arrêt prématuré de l’électronucléaire se traduirait donc par un important manque à gagner qu’il faut ajouter aux coûts des orientations de la Loi, soit le scénario Négawatts.

L’introduction massive de courants intermittents sur le réseau entraine des coûts qui se chiffrent avec la dizaine de milliards d’euros comme unité. C’est déjà l’enveloppe pour l’installation rapide de 35 millions de compteurs intelligents, pour une ligne très haute tension sur des centaines de kms, pour des champs offshore d’éoliennes [avec cette perspective on comprend la convoitise de Général electric envers Alsthom qui a racheté TDE, Transport et Distribution électrique, à Areva]… de plus un certain nombre de ces investissements pèseront lourdement sur notre balance commerciale.

Ce n’est plus un mystère, notamment avec les évaluations allemandes de l’energiewende de l’ordre du demi-milliard d’euros, que l’investissement massif dans l’éolien et le photovoltaïque est énorme et que faute de celui-ci le réseau électrique bloque la sortie du nucléaire. Dont la vraie alternative utilisée au Japon est le recours au gaz.

Pour finir sur les coûts, on relèvera également que cette Loi conduit à l’inflation des coûts de construction, où l’on affiche souvent des performances non atteintes dans la pratique, les 50 KWh/M2/an, et de rénovation, sans aucune garantie d’efficacité comme il est apparu dans les débats.

Tout cela laisse présager d’une augmentation du coût de l’énergie qui ira sans doute au-delà des 30% d’ici 2017. On ne peut espérer éponger ce surcoût par des économies d’énergie. Pour les consommateurs la réduction de leur facture énergie passe par une réduction de leur consommation allant jusqu’à la division par 2. Et ceci sera obtenue de manière coercitive par l’augmentation des prix et certainement par des délestages programmés dans la fourniture électrique.

 La Loi de transition énergétique au service des intérêts financiers

Rien n’exprime mieux cet assujettissement honteux aux intérêts financiers que la mesure de privatisation de l’hydroélectrique prévue par cette Loi.

Et, maintenant se profile celle du réseau électrique. Le problème ici réside dans le fait que de gros investissements doivent être faits, par exemple PACA attend une ligne très haute tension de Manosque à la frontière italienne, assez rapidement si l’on veut un développement massif du courant intermittent suivant l’orientation définie par cette Loi dite transition énergétique.

Dans ses interventions à l’Assemblée nationale Ségolène Royal a lié l’exploitation des gaz de schistes aux USA à une bulle spéculative :

Mme Ségolène Royalministre : …// Le choix du mix énergétique de la France est clair, et il n’y aura pas de fuite vers le gaz de schiste. Du reste, aux États-Unis, on en revient…. Bulle spéculative, dégâts environnementaux considérables, problème de santé publique, avec les séquelles dont souffrent les riverains des puits de forage, multiplication de friches industrielles lorsque les réserves sont épuisées et que les opérateurs privés se déplacent de site en site : épargnons cela à la France et renonçons à l’exploitation des gaz de schiste, comme l’ont fait tous les pays européens…//

Est-ce que la Pologne et l’Angleterre ne sont pas dans l’Europe néo libérale ? Le paravent idéologique formaté permet ici d’éluder les vrais problèmes.

Une caractéristique fondamentale du capitalisme néo libéral est la création de bulles spéculatives, voir Myret Zaki par exemple. Les EnR éolien et photovoltaïque ne sont que cela une bulle spéculative de plusieurs centaines de milliards d’euros. [3]

Finalement dans la ligne de la gauche plurielle, ce gouvernement continue de dépecer notre pays de ses acquis du CNR au profit d’intérêts financiers transnationaux.

 Conclusion

Dans un contexte international troublé notamment dans les zones principales de nos approvisionnements en hydrocarbures, la question des orientations de la France dans le domaine de l’énergie vient d’être expédiée à l’Assemblée nationale. La production d’énergie a de telles répercussions sur le PIB et l’emploi que ce thème devrait être au centre du projet gouvernemental, pour sortir la France de la récession et relancer l’emploi.

Le modèle énergétique que voulait imposer le gouvernement, soit Négawatts, n’a pas fait l’unanimité dans les débats publics. Ce scénario, base du projet de Loi dit transition énergétique, a donc été présenté à l’Assemblée nationale par François Brottes et Ségolène Royal sous la forme d’un nouveau modèle énergétique pour ne pas dire son nom. [4]

Entre autres défaillances importantes, le gouvernement est venu soumettre son projet sans chiffres et sans aucune étude d’impacts. Particulièrement sur des points fondamentaux, comme le coût global de ce tournant énergétique et ses conséquences sur le coût de l’énergie et au niveau de l’économie elle-même, dont notre balance commerciale. Quand on pense qu’il était question de l’horizon 2045/50 !

Cela sabordait d’emblée les débats qui ont effectivement ressemblé à un dialogue de sourds.

En fait, il y avait peu de sourds et les échanges ont été rapidement écourtés pour cause d’épuisement de temps de paroles d’intervenants, les sourds sont ainsi devenus muets, qui cherchaient des réponses sur les points fondamentaux.

L’essentiel s’est donc joué sur l’article 1 qui réduit la part de l’électronucléaire à 50% à l’horizon 2045. Le vote clé a donc concerné des amendements, n113. M. Michel Sordi, n1581 M. André Chassaigne, n349 M. Guillaume Chevrollier, qui visaient à remettre en cause cette limite dont le sens n’a d’ailleurs pas été expliqué. Ce qui a donné ceci :

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 113, 349 et 1581.

(Il est procédé au scrutin.) :

Nombre de votants

35

Nombre de suffrages exprimés

35

Majorité absolue

18

Pour l’adoption

11

   

24 députés ont donc voté une nouvelle attaque contre notre nucléaire.

Il est laissé à l’EDF la responsabilité d’appliquer cette réduction dans un planning totalement approximatif et lointain. Autant dire qu’il s’agit plutôt d’un effet d’annonce que d’une mesure réellement engagée. Les réalités, -réseau électrique, demande d’électricité, contestation de fermetures de centrales…-, qui ne vont pas dans le sens de l’orientation décidée, s’imposeront sans doute. Mais l’essentiel n’est pas là. Un nouveau coup vient d’être porté à notre nucléaire qui vacille déjà au niveau industriel. Et le refus de l’amendement de Michel Sordi sur la nécessité de développer la génération IV de réacteurs nucléaires sonne comme la mort du projet ASTRID et plus généralement celle de notre recherche dans le domaine des applications industrielles civiles de l’atome.

Cette Loi dite de transition énergétique qui vient d’être votée :

* engage des mesures de désindustrialisation et réduit gravement notre recherche nucléaire civile,

* alimente de manière insoutenable pour les consommateurs et contribuables une énorme bulle spéculative sur les EnR éolien et photovoltaïque,

* impose de manière coercitive une réduction drastique de la consommation d’énergie,

* engage la privatisation de l’hydroélectrique en préparant celle du réseau électrique

* fait gonfler le coût de l’immobilier où un label écologique bidon va permettre aux promoteurs d’augmenter leurs tarifs, ainsi que les factures de rénovation sans aucune garantie d’efficacité.

Tout cela en dit long sur ce que l’on nomme encore notre démocratie dans notre monde médiatique virtuel, où un gouvernement, aujourd’hui sans base populaire et politique, impose un projet de formidable déclin pour notre pays.

 

[1] Les citations des interventions des députés sont tirées des comptes rendus sur le site de l’Assemblée nationale. Les remarques de l’auteur sont repérées par Nda pour note de l’auteur.

[2] article Agoravox Super Phénix crime contre la France et symbole d’un déclin irréversible

[3] article Agoravox Transition énergétique… vers la création d’une bulle financière

[4] article Agoravox Energie : un tournant type Concordia


Moyenne des avis sur cet article :  4.06/5   (17 votes)




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8 réactions à cet article    


  • sophie 23 octobre 2014 11:00

    C’est bien t’as mérité tes 20 euros


    • Layly Victor Layly Victor 23 octobre 2014 13:46

      c’est toujours la même méthode : l’insulte. Quand ce sont les écolos qui s’expriment, c’est formidable. Quand ce sont les gens qui essaient d’être responsables, c’est qu’ils sont payés.
      Il vous a sans doute échappé (je vouvoie car c’est un signe de respect que vous semblez ignorer) que le débat sur l’énergie engage l’avenir de la France, et que ce débat a été piteusement escamoté par un coup de force parlementaire qui est une honte pour la représentation nationale.
      Vous auriez pu réfuter cet article en apportant des arguments, mais vous êtes sans doute trop paresseuse, intellectuellement.


    • Cassiopée R 23 octobre 2014 11:21

      A la base il était prévu dans la loi de transition énergétique que l’on baisse le niveau d’importation de pétrole et de charbon, et ce n’est même plus à l’ordre du jour.

      Comment voulez-vous que ce gouvernement soit crédible dans la lutte contre le rejet de Co2 dans l’atmosphère. Ils font semblant d’attendre le sommet de 2015 sur le climat à Paris pour ne rien faire et ne surtout pas gêner les lobbys.


      • PELLEN PELLEN 23 octobre 2014 16:29

        Tout ce que ce pays compte d’avis autorisés en la matière n’a pas le moindre doute sur le fait que cette prétendue loi de transition est le pendant énergétique de la sinistre loi ALUR de Cécile Duflot. Le drame est que personne n’est aujourd’hui en mesure de saisir l’autorité suprême de la démonstration imparable qu’il y a urgence à empêcher que l’irréparable ne se produise. Pourtant, tous les connaisseurs s’accordent sur le fait que les conséquences de cette loi seront infiniment plus désastreuses que celles de la loi ALUR, dont certains estiment qu’elle a déjà coûté quelque 0,5 point de PIB au pays.

        Il n’est en tout cas que se procurer le dernier numéro de Challenge’s pour découvrir à quel point cette loi de transition est éreintée par l’expertise ; une loi que Ghislaine Ottenheimer qualifie de « hors sol », de « surréaliste », un catalogue à la Prévert hors de prix n’ayant aucune chance d’être financé... et dont on est sûr d’avance qu’il sera un fiasco complet.
        La pays aura alors fait un pas supplémentaire vers la ruine...

        André Pellen

        • joletaxi 23 octobre 2014 17:10

          bonjour Mr. Pellen

          pourriez-vous rééditer un de vos articles sur les arcanes de régulation d’un réseau, sous une forme « élémentaire » afin de rappeler l’obstacle insurmontable dans l’état de nos techniques, de l’injection forcée de capacités intermittentes ?

          Lorsque j’explique autour de moi ce léger problème, les gens m’écoutent avec bienveillance polie, mais ils ne comprennent rien, sans doute suis-je un piètre pédagogue ?

          En Belgique, nous allons enfin connaître en vrai,les joies de l’électricité quand il y en a, et les soirées rassemblés autour de la cheminée.

          Bonne journée


        • AtomicBoy44 24 octobre 2014 01:19


          Je ne connais pas l’aricle que vous citez, mais je connais ce bonhomme la, et il vous en parlera très bien dans ses conférences :
          https://www.facebook.com/media/set/?set=vb.54658232280&type=2
          ou ici : https://www.youtube.com/channel/UCNovJemYKcdKt7PDdptJZfQ


        • bernard29 bernard29 23 octobre 2014 16:30

          article très intéressant avec beaucoup d’informations et des arguments convaincants sur un sujet central ; l’énergie.

          il m’a toujours semblé que les Verts s’accrochent à leur « totem antinucléaire » par peur de perdre leur originalité politique. S’ils n’ont plus cela, ils n’existent plus. 


          • JMBerniolles 23 octobre 2014 17:27

            Merci de votre commentaire qui va vous attirer des désagréments !


            Vous avez parfaitement raison, EELV et Greenpeace , réduisent la défense de l’environnement à une croisade anti nucléaire obtuse. Leurs campagnes et positions sont parfaitement en phase avec la propagande anti nucléaire de nos médias, y compris sur le service public. Cela facilite les campagnes électorales et cela joue comme un puissant vecteur de carrière politique comme pour ces nuls de Noêl Mamère et Denis Baupin... 

            Greenpeace gonfle toujours le nombre de morts du à Tchernobyl, de 10.000 nous en sommes maintenant à des millions, pour dépasser la catastrophe de Bhopal, 4.000 morts directs.

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