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Accueil du site > Tribune Libre > Anguille sous la potasse : les dessous d’une chute vertigineuse

Anguille sous la potasse : les dessous d’une chute vertigineuse

Il y a des marchés et des hommes d’affaires qui passent souvent hors de portée des radars médiatiques. Souleyman Kerimov et le marché de la potasse font partie de cette petite caste de privilégiés qui voient les dollars couler à flots loin des « on dit » et des questions embarrassantes. Sauf que depuis cet été la donne a changé et la potasse se retrouve en pleine tourmente à la suite de décisions plus obscures les unes que les autres.

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La potasse source d’un énorme business aux nombreuses zones d’ombre

Pétrole, gaz, or, uranium… la liste des marchés qui font la une de la presse économique est longue. Beaucoup plus discrets sont les papiers qui traitent du marché de la potasse. Après tout, les enjeux sont plus difficilement perceptibles. Pas de gros contrats (louches) comme pour l’uranium africain dont ont tant besoin les centrales nucléaires françaises, pas de pétrodollars qui font perdre la tête… la potasse n’intéresse pas grand monde. Pourtant il s’y passe des choses très intéressantes…

La potasse est un élément central de l’agriculture moderne. Elle est à la base des engrais chimiques qui sont (malheureusement) abondamment utilisés. La potasse est devenue incontournable et les quelques producteurs dans le monde ont pendant longtemps profité de leur mainmise sur cette matière première.

Disons-le clairement, la potasse est restée aux mains d’un cartel composé de deux grands groupes. Les Canadiens de Canpotex qui régnaient en seigneur sur l’immense marché nord-américain et l’alliance russo-biélorusse dénommé Compagnie des Potasses de Biélorussie (CPB) qui faisait la pluie et le beau temps en Europe. Le reste du monde étant partagé plus ou moins lâchement entre ces deux phares de la potasse. Ce petit monde bien ordonné et de plus en plus riche a pourtant explosé en vol au cours de l’été 2013.

Les chimistes n’ont pourtant pas trouvé de produit de substitution pour qu’une tempête aussi imprévue que brutale ne vienne faire sombrer les prix et que le cartel de la potasse se retrouve dans la tourmente. La descente aux enfers a été provoquée par un seul et unique homme : Suleyman Kerimov. Oligarque russe de son état, l’homme n’a pas pour réputation d’être un saint et sa volonté de faire chuter les prix n’est aucunement entourée d’une noblesse presque introuvable dans le monde des affaires. 

Du cartel au monopole

Les motivations de Suleyman Kerimov ne sont pas nobles, loin de là. L’homme d’affaires n’en est pas à son premier coup d’essai dans le monde bien obscur du business russe et comme à chaque fois, des victimes restent sur le carreau. Se partager des milliards de dollars ne suffit plus pour un Kerimov qui ne peut vivre qu’avec le goût du risque. Il lui faut tout, quitte à y laisser la plupart de sa fortune si le coup de poker venait à échouer.

Disposant d’environ 25% de la compagnie russe Uralkali (qui compose pour moitié le cartel russo-biélorusse), Kerimov décide unilatéralement d’une baisse de 50% des prix de la potasse. Le cartel est de fait cassé. Le partenaire biélorusse qui n’avait pas vu le coup venir se retrouve en grande difficulté après avoir laissé Kerimov gérer à sa guise le partenariat lors des trois années qui ont précédé. Uralkali augmente au maximum ses capacités de production et parvient à maintenir des prix largement à la baisse. La partie biélorusse est dans la panade et les choses ne sont pas plus réjouissantes pour le numéro un du secteur, Canpotex. Finalement, le prix de la tonne de potasse baisse d’un tiers entre janvier et novembre 2013 mettant en difficulté tous les acteurs du secteur. Comment le contraire aurait-il été possible ?

La conclusion de cette affaire est encore à venir, mais il est évident que la note finira par être payée par le consommateur. En effet, si les prix actuels correspondent plus à la réalité du marché, car moins gonflés artificiellement, l’avenir sera bien moins rose avec la réduction du nombre (déjà petit) des acteurs qui comptent dans le secteur de la potasse. Les Biélorusses ont un genou à terre, Canpotex perd des millions chaque jour et Kerimov compte les points.

Ce dernier chercherait d’ailleurs à vendre ses actions dans Uralkali et à se désengager d’un secteur de la potasse qui n’en finit plus de tomber après le coup violent donné par l’oligarque russe. Il serait en train d’appâter les investisseurs pour faire monter le cours de l’action Uralkali et vendre au prix fort. Pas certain toutefois qu’il y parvienne tant le procédé utilisé est grossier. D’ailleurs pourquoi vendre après avoir fait exploser la concurrence ? Certains jugent que Kerimov prendrait ses ordres auprès d’hommes de l’ombre encore plus puissants que lui…

Si d’aventure, il ne parvenait pas à vendre à bon prix, il pourrait se faire une raison et essaierait certainement de trouver un terrain d’entente avec ceux qu’il a voulu tuer économiquement pour reprendre en main un cartel réduit et encore plus facilement dirigeable. Les prix de la potasse atteindraient alors rapidement de nouveaux sommets et les consommateurs seraient les dernières victimes – mais pas les moindres – des fourberies d’un oligarque super actif, mais qui n’a pas trouvé grâce aux yeux des médias occidentaux plus attirés par les débauches de ses compatriotes qui ont trouvé une terre d’accueil en Grande-Bretagne et ailleurs. 


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8 réactions à cet article    


  • Stof Stof 20 novembre 2013 09:56

    Pas besoin de cartel pour faire monter les prix. Comme pour le phosphate, toute exploitation minière atteint tôt ou tard un pic.
    Dans ces conditions, le développement durable n’est pas une option, c’est une nécessité pour la survie du système.


    • jef88 jef88 20 novembre 2013 12:01

      et la potasse d’Alsace ?
      ah ! zut ! je retarde .......


      • Patlomfan 22 novembre 2013 00:00

        ABANDON DES ENGRAIS !!!!!!!! ?????


        Cher monsieur, quel égoïsme occidental.
        Avec une population croissante, des besoins alimentaires plus exigeants en protéines et viandes des pays en développement, sur toujours moins de surfaces agricoles disponible : il faut produire plus sur moins de surface. Les modes de production bio ou alternatifs, même si ils sont peut etre meilleurs pour l’environnement, ne peuvent aucunement représenter une voie sérieuse.
        Il faut donc des engrais, des produits phytopharmaceutiques, des semences OGM .... Bien utilisés.

         

      • alberto alberto 20 novembre 2013 16:02

        C’est tout le paradoxe du « libéralisme » et de la concurrence dite libre et non faussée...

        L’idéal que chacun des compétiteurs étant d’écraser ses concurrents afin de dominer le marché pour hausser librement le prix de ses produits !

        Et au final, le libéralisme permet d’en arriver à une concurrence...Sans concurrents !!!


        • patrickluder patrickluder 20 novembre 2013 17:58

          Quand la finance s’empare de l’économie réelle, tout devient irréel,

          mais le scénario est invariablement le même ...
          aspirer la richesse du plus grand nombre 
          aux mais de quelques parasites obèses.

          • alinea Alinea 20 novembre 2013 20:53

            Moi j’utilise mes cendres : la potasse, en terrain calcaire il ne faut pas en abuser non plus !!!  smiley


            • Tipol 20 novembre 2013 22:49

              Un jour, quand il sera trop tard, on se rendra compte que ce marché silencieux de la potasse comme de bien d’autres engrais a pollué nos sols de tas de métaux lourds et d’éléments toxiques par doses cumulatives années après années.
              On va bientôt pouvoir extraire de l’uranium et du plutonium dans nos champs.
              L’alluminium et le baryum qu’ils pulvérisent tous les jours dans le ciel commence déjà à être conséquent dans les champs.


              • Patlomfan 22 novembre 2013 00:05

                la potasse est un sel de mer déposé il y a des millions d’années et recouvert de sédiments sur plusieurs centaines de mètres ou bien des dépôts récents sur les bords de mer ( mer rouge..).

                Cessez de parler de métaux lourds, pollution ou chimie a tout vas .

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DuriezP


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