Anne Méaux est allée « jusqu’au bout ! »
La communication n’est pas une science exacte. Cela ne marche pas à tous les coups, même pour les meilleurs. Anne Méaux qui est à ranger dans cette catégorie, n’est pas parvenue à qualifier son « client », François Fillon, pour le 2e tour de la présidentielle. Il a peu manqué, 1,30 points, pour devancer Marine Le Pen. Comme Nicolas Sarkozy a été « presque » élu en 2012, son ancien premier ministre a « presque », et après son exploit des primaires de la Droite et du Centre, réalisé une remontada d’anthologie.
L’abnégation et la loyauté en acier inoxydable de la patronne d’Image 7 n’est pas en cause. Elle a tout fait, et même plus. Malgré les bourrasques et les trahisons, elle est restée « jusqu’au bout » droite dans ses escarpins. La Fée communication a protégé, défendu et promotionné « jusqu’au bout » la réputation de son champion. Elle a résisté à tous les pisses vinaigres de la droite, tendance « défaitiste ».
Le spectre des diamants
Le défi était gigantesque. La brutalité des attaques contre le leader Les Républicains a étouffé ses idées, son programme et ses convictions. L’homme était devenu inaudible sous le bruit des casserolades. Qu'à cela ne tienne, Anne Méaux l’a fait entendre. Elle en a vu d’autres. Entre 1979 et 1981, par exemple. Attachée de presse de Valéry Giscard d’Estaing alors Président de la République, elle gère une communication de crise majeure, l’affaire des diamants de Bokassa. Un épisode éprouvant pour le locataire de l’Elysée et qui contribuera à sa défaite le 10 mai 1981 face à François Mitterrand. A n’en pas douter, cette blessure profonde pour la communicante a laissé des traces, et des réminiscences ont probablement hanté ses jours et ses nuits durant ces derniers mois. L’histoire a cette fâcheuse tendance à bégayer. « Il ne sait pas que l’histoire est tragique » avait dit Raymond Aron au sujet de VGE. Anne Méaux non plus n’a pas une claire conscience du tragique, c’est ce qui lui fournit une énergie hors du commun.
Malgré les attaques venues de son propre camp, avec notamment ce coup de griffe de Nicolas Sarkozy, « elle fait de la com’ comme avec Giscard dans les années 70-80 », la combattante de la communication n’a jamais baissé les armes. Tant de pugnacité doit être pour nous, communicants, un exemple.
Photoshop des mots
Elle n’a jamais ménagé ses efforts et son expérience. Virtuose du « Photoshop des mots », elle a produit des éléments de langage d’une créativité remarquable rebondissant en permanence sur l’actualité, renforçant les contrastes et durcissant la lumière de la sémantique et la profondeur de champ des ripostes.
Peu porté à l’exubérance et pudique de nature, François Fillon a pu jouer, parfois, des rôles de composition piochant dans la palette des 50 nuances de la rhétorique allant de l’immodestie, à l’impudeur, de la vanité à l’audace en passant par le cynisme voire l’indécence si l’on en croit les réactions suscitées. Un florilège de déclarations qui sera, peut-être, étudié dans les écoles de communication.
La spirale du discours était devenue infernale. Il fallait jour après jour augmenter la dose pour que les formules puissent résonner de plus en plus fort. Il y eu le « cabinet noir », « l’assassinat politique », le « je suis comme ces combattants balafrés […] Plus on m’attaque, plus je suis en forme ». Il y eu aussi le « je vais gagner car je suis le seul à proposer une alternance et à pouvoir disposer d’une majorité », le « je ne vous demande pas de m’aimer ». Il a enchaîné les punchlines du « simple cadeau amical » (faisant référence aux vêtements offerts pour 48 000€) au « et alors ! » complété par « je n’attaque pas mes adversaires pour des boutons de guêtre ». Il força le trait avec « la quasi guerre civile », avec le « coup d’Etat institutionnel » et « le tribunal médiatique ». Il avoua une faiblesse : "je n'arrive pas à mettre de l'argent de côté". Il affirmera même, pris dans le feu de l’action, « je ne suis pas autiste » provoquant l’hydre des familles d'enfants touchés par cette pathologie trouvant cette assertion déplacée. Il n’aura pas le temps de s’en excuser. La frénésie verbale ne laisse pas de répits à des convenances. Quand à l'histoire, elle a des ruses insoupçonnées : "Il ne sert à rien de parler d'autorité quand on n'est pas soi même irréprochable. Qui imagine un seul instant le Général De gaulle mis en examen ?" On ne pourra pas dire que M. Fillon n'aura pas eu un sens aigu de la prémonition.
Dans ce climat plus que délétère, le slogan de campagne, « Le courage de la vérité » dû rapidement muter pour devenir « Une volonté pour la France ». Dans le même temps, et grâce encore à la dextérité de sa communicante, une mise en examen devenait un non-événement.
Des chiffres et des lettres
Anne Méaux se sera démenée comme une belle diablesse, cœur et âme, allant même sur les territoires de la post-vérité. Grâce à quelques mots, elle permit d’augmenter la capacité de la place du Trocadéro de 40 000 à 200 000 personnes, un dimanche pluvieux de mars. Et pourquoi pas finalement ? La Fée communication sait aussi manier les chiffres et est capable de miracles mathématiques ! Décidément, il s’agit bien de « la meilleure d’entre nous ».
La saturation des média, l’imposition implacable d’un calendrier, la blitzkrieg des soutiens de tous ordres, les messages tournant en boucle dans les colonnes des journaux, sur les radios et les télévisions, l’activation de réseaux d’influence multiples, s’avèrent, peut-être, anecdotiques tant l’engagement d’Anne Méaux dépasse la simple stratégie de communication pour flirter avec l’incandescence du pouvoir. Un risque tout de même, celui de faire de plus en plus de la même chose et d'obtenir de plus en plus du même résultat. A méditer.
Et maintenant ? La communicante va retourner à son cœur de métier, l’accompagnement des grandes figures du CAC 40 et de quelques autres personnalités. Avec une dernière question : est-ce que le conseil en communication auprès de capitaines d’industrie n’est pas plus aisé qu’auprès de « monstres » de la politique ? Par chance, les premiers ne sont pas soumis aux suffrages des « électeurs », c’est-à-dire de leurs clients et de leurs salariés, qui peuvent renvoyer, en quelques heures, un homme à ses chères études dans une « maison » de la Sarthe ancestrale ? Les plus impudents oseront même parler de « château ». Décidément rien ne lui aura été épargné. Parfois les mots sont injustes et ambigus, c’est aussi ce qui fait leur charme…et leur cruauté !
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