Anormalie !
Le Mali de ces dernières décennies :
En créant le Mali, les français ont fait fort, très fort. Il faut dire qu’en Afrique la décolonisation a été menée par les colonisateurs, ainsi 32% des frontières ont été décidées et tracées par les français, et 27% par les britanniques ! Chacun sa méthode, mais le plus souvent le cordeau a remplacée la connaissance du terrain, et les représailles ont remplacé l’histoire.
Prenons par exemple la frontière Algérie-Maroc, ou un modèle du genre est la ville et la zone d’Oujda que le Maroc continue à revendiquer, et aussi la frontière Maroc-Mauritanie avec l’ancien Sahara espagnol. Le Maroc n’était pas sage alors ses anciennes frontières communes avec le Sénégal ont été oubliées, rayées ; dans un premier temps le colonisateur (franco-espagnol) a créé la Mauritanie (1903) et il a inventé cet Etat, l’ancien Rio de Oro ou Afrique occidentale espagnole.
La logique du colonisateur a donc tranché, le Maroc aura 450.000 km2 et 25 millions d’habitants, la Mauritanie 1 million de km2 et 2 millions d’habitants, le Mali 1.300.000 km2 et 8 millions d’habitants, comme le Niger ; quand à lui le Tchad aura autant de km2 mais 2,5 millions d’habitants. Si nous nous attachons seulement au Mali, ce sont une dizaine de groupes ethniques, en grande majorité musulmans, et un joli paquet de langues différentes, le français langue officielle, le bambara langue locale majoritaire, le peuhl, le sénoufo, le songhaï, le dogon, le tamashek …
Donc pas d’unité ethnique, pas d’unité de langue, et encore moins d’unité géographique puisque ce pays est composé d’une partie désertique au nord (2/3 du pays), d’une partie sahélienne à l’ouest et au centre, et d’une partie sub-saharienne au sud (savane, climat de type soudanais).
L’Irak et le GIA :
En attaquant l’Irak, en 1990, pour sauver un Emirat présenté comme une grande démocratie, le Koweit, les pays prétendus démocratiques ont fait eux aussi très fort. Un an plus tard la frontière algéro-marocaine est fermée puis c’est l’accès au sud par la transsaharienne Adrar-Gao (Algérie-Mali) qui est fermée en 1992. Il reste alors celle qui relie In Salah à Arlit via Tamanrasset, mais qui est de moins en moins sûre. Superbe résultat d’une opération qui se voulait intelligente et bien menée, les touaregs se sont révoltés, Khadafi a mis le nez dans les affaires maliennes, Saddam Hussein est devenu un héro, et plus tard il sera remplacé par Ben Laden ! Voir la photo de cet article ou je suis aux côtés d’un adolescent rencontré entre Nioro du Sahel et Sandaré, en 2002. Il a été impossible de lui acheter son t-shirt. Trop fier, le garçon !
1991 c’est aussi le début de la guerre civile en Algérie suite au refus par le FLN de valider les élections remportées par les islamistes, cette guerre fera entre 200.000 et 300.000 morts. Le GIA (Groupement Islamiste Armé) va être repoussé vers le sud puis va se réfugier dans le Nord du Mali et du Niger (Adrar des Iforas et Ténéré), il se transforme en GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat) et commence à se lancer dans les prises d’otages puis le trafic de cocaïne, ces deux créneaux vont rapporter gros. Aidés par des touaregs qui ont retrouvé leurs traditions ancestrales, le transport d’esclaves, et sont leurs fournisseurs, ces groupes s’enrichissent et font du prosélytisme, soutenus par Kadhafi qui ira jusqu'à créer un consulat de Libye à Kidal.
Le bac à sable :
Le Mali est un pays superbe avec une histoire exceptionnelle, la falaise de Bandiagara et le pays Dogon, Tombouctou et Djenné, Ségou, Bamako et ses collines, et surtout le fleuve Niger qui a servi de moyen d’approvisionnement et de communication, d’échanges commerciaux et culturels. Même si on ne peut pas trouver de réelle unicité entre le nord désertique d’un côté et le reste, c’est devenu un lieu de tourisme et d’aventures. Le rallye Paris Dakar va y contribuer fortement transformant le désert en gigantesque bac à sable, tout le monde des médias veut y participer, le déclin va commencer quand Balavoine et Thierry Sabine vont laisser leur vie a Gourma Rarhous, proche de la devenue célèbre bourgade de Konna. Ensuite les exactions commises par ces groupes armés vont amener le « Dakar » à se délocaliser, le nord Mali sombre dans une forme d’oubli. La dernière fois que je suis allé à Tombouctou par la route, en 2004, en venant par Sévaré et Konna après avoir traversé la Mauritanie, il m’a été difficile de trouver un restaurant, de la bière fraîche, et sur cette piste Tombouctou-Konna j’ai croisé un gros 4X4 américain chargé d’hommes en armes, ce n’était pas l’armée malienne. Ils ont bien regardé mon Patrol, ont un peu ralenti puis ont continué leur route. Coup de chance.
La situation dans cette immense région reste bloquée jusqu’en 2011, les structures administratives et militaires de ce pays étant soit corrompues soit incapables de régler le problème de la présence de ces groupes plus ou moins armés, et tirant aussi des dividendes des divers trafics qu’elles laissent se dérouler.
Las, un petit hargneux illuminé qui reprochait à l’homme africain de ne pas être rentré suffisamment dans l’histoire a décidé, quand à lui, de laisser une trace, celle d’un criminel de guerre. Et au lieu de se calmer, la situation s’est envenimée, désormais ce ne sont plus les touaregs qui enlèvent les touristes pour les revendre aux islamistes, ces derniers sont venus, armés jusqu’aux dents grâce à la chute du régime libyen, et ils sont aux portes de Mopti, entre Konna et Sévaré, lesquelles sont distantes de 60 km l’une de l’autre. Pire, tantôt ils se partagent le territoire, tantôt ils s’allient.
Les raisons de l’intervention :
La carte jointe montre le goulot d’étranglement que représente la région de Mopti, c’est une charnière entre les deux parties du pays. Après l’abandon du nord par l’armée malienne la première et vraie garnison est basée à Sévaré, un carrefour qui permettait de rejoindre Mopti située à 10 km de la nationale Bamako-Gao.
Sévaré, initialement une étape de ravitaillement pour les camions (essence, restaurants, dibiteries et filles faciles) est devenue une ville et possède un aéroport. Sa garnison est donc la 1ère vraie présence de l’armée malienne quand on vient du nord. Si cette ville et Mopti, grand port fluvial, tombent, la route est ouverte vers Djenné et sa célèbre mosquée, vers Ségou et vers Bamako. Même si on imagine difficilement les « rebelles » se lancer à l’attaque de cette région beaucoup plus peuplée et beaucoup plus difficile a maîtriser, le verrou Sévaré-Mopti conforterait la possibilité d’un état de 800.000 km² tenu par les islamistes, avec une longue frontière commune avec le Burkina-Faso et fonctionnant comme une passoire, et donc un sérieux risque de contagion.
Konna est une bourgade d’environ 3 à 5.000 habitants qui, outre la nationale Bamako-Gao qui la contourne, possède 3 pistes reliant cette nationale à Gourma Rarhous, Tombouctou et Niafounké, trois lieux où existent des bacs permettant de traverser le bras principal du fleuve Niger. Cette bourgade est un point clé pour les islamistes du fait de ces possibilités plurielles de repli en cas de problème.
Depuis des mois tout le monde sait qu’aucune force africaine n’est en mesure d’intervenir sur cette zone, faute d’équipement, de commandement commun, et surtout faute d’envie d’y aller ! Alors on reporte, on demande l’aval de l’ONU, et comme en plus un coup d’état fomenté par un groupe de militaires totalement abrutis a déstabilisé complètement le pays...
Parallèlement les islamistes devenant de plus en plus susceptibles de disposer officielle d’un lieu de type sanctuaire de la taille d’une fois et demi la France, car il leur suffirait de tenir le verrou de Sévaré, notre pays a été mis en demeure par ses « amis » d’assumer ses responsabilités. Officiellement les USA, l’Angleterre, l’Allemagne et autres l’ont dit en termes de diplomates « nous vous soutenons dans votre intervention mais nous n’y participons pas ! » En terme de la rue cela se traduit par « vous avez foutu le bordel dans la région avec cette expédition en Libye, à vous de réparer ! ».
Voila pourquoi nous sommes entrés en guerre, et cela risque de durer ! Le reste est de la propagande.
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