Appel d’un citoyen à Clara Morgane
La saison des lettres ouvertes est ouverte, mais quitte à en commettre, autant l'adresser à quelqu'un qui peut réellement changer les choses.
Bonjour Clara,
Loin de moi l'idée de t'importuner ainsi publiquement, mais j'aimerais que tu te présentes aux élections présidentielles qui auront lieu cette année en France. Tu en as sans doute déjà entendu parler, elles auront lieu en avril-mai. Comme j'imagine que tu trouves cette idée passablement incongrue, je détaille :
-Sur la possibilité de candidater
En cette periode de chasse aux signatures, j'entends déjà les mauvais esprits sussurer à tes oreilles "tu n'atteindras jamais les 500...". Alors un petit rappel : tous les maires et conseillers généraux (entre autres) sont habilités à présenter un candidat, ça doit faire au bas mot 45000 "parrains" potentiels, d'autant que rien n'empêche a priori le même "parrain" de présenter plusieurs candidats.
J'imagine que parmi ces 45000 citoyens, il doit bien y en avoir 500 pour trouver cette contrainte stupide, voire anticonstitutionnelle. [1]
La question ne porte pas sur l'existence de ces 500 "parrains", mais sur la difficulté à les trouver. C'est un exercice de mise en relation, et à l'époque d'Internet cela devrait pas être difficile, surtout pour quelqu'un qui vie déjà dans la sphère médiatique.
Par exemple, dans un premier temps, on pourrait créer un site web ne soutenant aucune candidature en particulier, qui servirait d'annuaire public sur lequel s'incrirait tous les "parrains" qui sont contre cette restriction. Quelques annonces sur les réseaux sociaux pour le faire connaître et c'est gagné.
Dans un deuxième temps, tu pourrais demander soutien de tes fans sur facebook, followers sur twitter et autres, pour qu'ils sollicitent leur maire pour ta candidature personnelle.
Bref, je ne pense pas que les contraintes techniques à ta candidature soient un réel obstacle.
-Sur l'effet de ta candidature
Pour paraphraser Churchill : "le meilleur argument contre la démocratie est une conversation de 5 minutes avec l'électeur moyen". On a beau ne pas être en démocratie, je reste d'accord sur le fond. Un exemple de vécu personnel :
(un dimanche matin, dans ma laverie, deux mecs, la vingtaine, entourées de volutes de fumées qui ne proviennent pas toutes de combustion de tabac)
"-Tu vois Sarkozy, au début c'était un bien trop chelou, arnaqueur et tout, mais après il est allé à la Jamaïque et là il a rencontré l'esprit de Bob Marley et depuis c'est un mec cool
-ah ouais ?
-ouais."
Et tout ça sur un ton trop loin du second degré pour espérer l'ironie.
(Autre exemple, autre contexte : le matin, dans le train Orléans-Paris. Un trentenaire, costume-cravate cloné sur le modèle "bosse au ministère des finances, ou une des banques qui peuplent le quai de be rcy")
"-en 2007, j'ai voté UMP parce que j'en avais marre de voter pour ceux qui perdent."
On pourrait mettre ça sur le dos de la fumette, mais aucun test d'alcolémie ou de toxicologie n'est fait dans les bureaux de vote. Et de toute façon, le détecteur de connerie qui bippe sur le citoyen qui confond élection et loto sportif n'existe pas non plus...[2]
Bref, je me disais qu'avec toi dans la course, ça permettrait de trier les électeurs. Du coup, les autres candidats seraient plus tentés de soigner leur programme plutôt que leur régime. Privilégieraient leur propos plutôt que leur image. Non que ta candidature serait vide de projet, mais plutôt parce que question "pouvoir de séduction", tu serais loin devant toute la concurrence.
Par ailleurs, en plus d'attirer à toi tous les moustiques décérébrées uniquement attirés par la lumière, tu pourrais aussi rallier toute la frange électorale des déçus du "système". Ceux qui ont envie de voter en 2012, pas pour un politique professionnel, et qui n'ont actuellement que le vote blanc, systématiquement ignoré, pour exprimer leur conviction, ou des candidats dont le score sera 0.x %.
Donc ta simple présence permettrait de relever le niveau d'une élection qui est déjà vidée de contenu polique et qui se résume à une simple bataille de communiquants.
-Pourrais-tu gagner ?
Comme je l'ai affirmé au paragraphe précédent, tu pourrais drainer au 1er tour un paquet de monde. Ca peut être suffisant pour passer au second. Arrivée au second tour, à qui serais-tu opposée ?
Faisons un petit bilan des candidats les plus en vue :
- Sarkosy a un tel record d'impopularité qu'on se demande même s'il va se représenter, l'UMP n'est même pas assurée d'être présente au second tour. Mais s'il l'est, une simple plante verte gagnerait contre lui. De même qu'un chien gagnerait aux municipales de Neuilly pour peu qu'il ait un collier UMP. [3]
- Hollande croit tellement fort que l'électorat de gauche votera PS au second tour qu'il ne se donne même plus la peine de faire semblant. Il drague ouvertement le centre, et oublie au passage que le centre n'a jamais été qu'un autre nom de la droite. Il va perdre les voix de gauche, peut-être dès le 1er tour et sans doute au second, pouvant ainsi réitérer l'incroyable exploit de Royal : faire perdre cette élection au PS. [4]
Coté "candidats en embuscade", on a :
- Le Pen est toujours étiquetée fasciste, malgré ses efforts de "normaliser" le parti. Elle peut arriver au second tour, mais certainement pas le passer. Elle aussi perdrait contre une plante verte. Le FN va sans doute subir une nuit des long couteaux (en version soft) après les élections. Son score au premier tour en déterminera peut-être l'issu, et j'imagine que c'est là le seul réel enjeu pour le FN.
- Joly est située dans le même étau que l'était le PCF dans les années 90 : le créneau de la réforme est squatté par le PS, celui de la révolution par l'extrême-gauche. En conséquence les verts sont en train de subir la même absorption que le PCF, en plus rapide : le parti s'institutionnalise comme composante annexe du PS, la direction joue les législatives et les accords de partis, mais pas la présidentielle. D'ailleurs leur candidate est une convertie de la dernière heure. A titre personnel je n'ai rien contre elle, mais c'est à se demander où sont passés les militants écolos...
- Mélenchon est trop gueulard pour l'establishment, donc ostracisé par les média qui n'ont d'yeux que pour l'UMPS, et trop establishment pour les propos qu'il tient. Il a créé le PG pour dire "le PS n'est pas socialiste" avec 10 ans de retard. [5]. Du coup, il passe soit pour un malhonnête, soit pour un idiot. (Pour être franc vis-à-vis de toi Clara, si tu ne te présentes pas en 2012, c'est pour lui que je voterai. Ou blanc. Sauf s'il fait beau.)
- Bayrou, comme Mélenchon, essaie d'occuper le créneau "anti-système". Sauf qu'il représente la tendance "ne changeons rien", du coup il n'a la cote qu'auprès de ceux qui pensent que les problèmes politiques et économiques actuels ne sont dûs qu'à de mauvaises personnes, et non à un système défaillant. Il est pris dans le même genre de paradoxe que Mélenchon, mais vise un autre public.
- Arthaud-Poutou... Bon, c'est clair, ni LO ni la LCR n'ont jamais eu l'ambition de gagner une élection. Ils savent que les réelles avancées sociales se sont toujours gagnées par la rue, et avec ces candidats-là, on ne peut pas leur reprocher de donner dans le culte de la personnalité. La démarche est intègre, mais électoralement pas payante.
Autant dire que si tu passes le barrage du premier tour, tu seras présidente car aucun des autres candidats n'a la possiblité d'avoir l'adhésion spontanée de la majorité, donc la place de "candidat par défaut" est imbattable au second tour. (c'est d'ailleurs cette image qu'essaie de gagner Hollande)
-En cas d'élection / quelques idées de programmes
Là ça devient rigolo. Tu serais la 1ere présidente depuis De Gaule à n'être inféodée à aucun parti politique. Du coup tu pourrais proposer au peuple des tas de solutions que les autres ne peuvent pas. Non qu'ils n'y pensent pas, mais quoiqu'ils disent, ils bichonneront toujours plus les pontes de leur parti que le peuple français.
Par exemple, tu pourrais proposer....
- La dissolution du sénat : le rôle principal du sénat est de dire "oui ou non" au lois proposées par l'assemblée nationale. Un simple oui/non est très facile à organiser au niveau de toute la population, ça s'appelle un référendum. C'est actuellement très couteux parce que la structure pour le faire est artisanale et temporaire. Mais on pourrait facilement pérenniser cette "demie démocratie directe", par un réseau de terminaux, calqué sur le modèle des cartes bancaires, mais qui réaliseraient des opérations de vote plutôt que des opérations de virements.
- La réforme de l'élection des députés : là c'est plus compliqué à détailler, disons qu'au lieu de découper la population en tranches géographiques (les circonscriptions électorales), on pourrait la découper en tranches "sociologiques", a travers des critères de représentation plus modernes (au hasard : l'age, le sexe et surtout le niveau de revenu). On garderait le même nombre de députés, mais on aurait une assemblée peut-être un peu plus représentative...
- changer la mission de la police : au lieu de faire la chasse aux immigrés clandestins, faire la chasse aux fraudeurs fiscaux. Bien sùr, ça couterait bonbon en formations, mais qui a dit que la justice se devait d'être rentable ?
- Un tour de magie économique : on divise tout par deux. Les salaires, les allocs, les prix et les comptes bancaires. Ca ne devrait pas changer grand'chose pour grand'monde, car même si chacun gagnerait deux fois moins, tout serait deux fois moins cher. Ca permettrait surtout de dégager immédiatement un immense paquet de pognon, puisque la division par deux des capitaux stockés ne se ferait pas par destruction pure, mais par une taxe exceptionnelle. On récupérait d'un coup 50% du total des épargnes de tous les français. Je n'ai plus les chiffres sous les yeux, je crois que ça permettrait de rembourser les 3/4 de la dette actuelle de l'état. Pas mal pour une mesure relativement indolore, non ? [6]
Il y aurait même un effet annexe : doper notre balance commerciale : les importations seraient certes pénalisées, mais les exportations seraient grandement facilitées.
Il y aurait même un 2eme effet annexe : faire revenir l'industrie qui est partie en 90-2000 en Roumanie, en Inde ou en Chine.
- Une réelle polique de logement : interdire purement et simplement les loyers supérieurs à 20€/m² (10 si le point précédent est adopté), ça devrait pousser les investisseurs à financer les entreprises plutôt qu'augmenter le prix de l'immobilier.
- La constitution d'un catalogue universel de contenus numériques : Internet permet de dupliquer et transporter toute information pour un coût nul (ou presque). Aucun modèle économique commercial n'y résiste, du coup la musique enregistrée, le cinéma, la presse en crève lentement. Autant appliquer le modèle actuel de la recherche pure (domaine qui possède les mêmes caractéristiques) : créations par l'argent public et appartenant au domaine public (sans période de droit d'un siècle ou plus).
Je ne détaille pas plus chacune de ces propositions, ce n'est pas le sujet de cette missive. Je veux juste dire que de telle propositions pourraient être examinées et non pas rejetées d'offices, parce que trop "farfelues" (ie pas présentable par un mec-en-costard-cravate).
Et puis au pire, si tout ça t'ennuies, tu pourras toujours consituer un gouvernement fantôme, les Belges nous prouvent qu'on peut vivre sans tête de l'état.
Voilà. J'espère t'avoir convaincue, ça me permettrai d'être motivé pour me lever un certain dimanche d'avril...
PS : j'ai omis déliberemment un point essentiel : "pourquoi toi ?" . Je n'ai pas la réponse. Je pourrais dire : parce que tu es populaire, que tu ne traines pas derrière toi nombre de casserole, parce que Coluche s'est désisté avant de gagner il y a 30 ans, et qu'à autre époque, autre idole... Mais au final cette décision ne peut être que tienne.
Notes :
[1] Pourquoi cette chasse aux parrainnages est anticonstitutionnelle ? L'article 1 de la constitution stipule "La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales.". Cette chasse aux parrainnages est clairement une restriction totalement arbiraire. D'ailleurs, le seul argument jamais utilisé pour la justifier est d'empêcher les candidatures fantaisistes, et c'est justement cet objectif qui est anticonstitutionnel.
Pour se faire une idée :
la constitution : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006071194
la loi 62-1292 qui précise les modalités de l'élection présidentielle : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006068219&dateTexte=vig
[2] Et non, je ne fais pas une fixation sur l'UMP, je respecte le choix de celui qui dit "-je gagne 6000€ par mois, je sais où est mon camp" (dans le même train, par le même genre de schtroumpf, je te jure, on dirait qu'ils sont clonés)
[3] C'est hors-sujet, mais Fillon aurait pu faire gagner l'UMP en lui plantant un couteau dans le dos lors du dernier remaniement (fin 2010 ?), quand toute la presse le voyais éjecté et que Sarko l'a confirmé premier ministre. Il lui suffisait de refuser, de l'envoyer paître en disant un truc du genre "le problème de la France n'est pas le gouvernement, c'est son président", et de se présenter contre lui en 2012. Il ne l'a pas fait, il a raté le coche pour 2012. Et je te remercie de ta maladresse François...
[4] Pour rappel, dans les promesses de campagne de Mitterand en 81, il y avait la suppression de l'héritage. Ca a quand même une autre gueule que "ah non, je ne reviendrai pas sur l'allongement de la durées des cotisations retraites".
[5] Le bon moment aurait été quand Jospin a dit OK aux licenciements de masse de Michelin en 1999, licenciements couplés à des bénéfices records, alors qu'à peine 2 ans avant, il manifestait en revendiquant l'interdiction de licenciement de masse pour les entreprises bénéficiaires. Mais c'est vrai qu'à l'époque il était dans l'opposition et pas premier ministre... Visiblement, cette "anecdote" n'empêcha pas Mélenchon d'être ministre de Jospin un an plus tard.
[6] En fait, ce serait l'équivalent d'une bonne décennie de récession/déflation, réalisée en 1 jour, donc sans la douleur qui va avec. Le problème de la déflation, c'est l'immobilisme qui l'accompagne à cause de cette tendance à la baisse des prix : pourquoi acheter aujourd'hui si demain ce sera moins cher ? En divisant tout par deux, on joue sur la quantité totale de capitaux, mais sans toucher à sa dérivée. On n'a peut-être plus la possibilité de dévaluer la monnaie depuis l'euro, mais on peut toujours truquer le système...
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