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Accueil du site > Tribune Libre > Après Caracas... Mondialisation / démondialisation ?

Après Caracas... Mondialisation / démondialisation ?

Mondialisation, globalisation, des termes bien connus. Ils font peur, ils énervent, certains prétendraient qu’ils sont de faux problèmes ! Les altermondialistes (après avoir été « anti ») se retrouvent, s’interrogent, parce qu’ils savent que ce monde devient une cocotte unique, mais une cocotte sous pression. Comment la dépressuriser ?

La mondialisation ne serait-elle pas l’expression d’une société-monde singulière ? J’y vois là cette notion d’individus atomisés et éclatés dans leur rapport à l’étendue que forme la mondialité, cet espace mondial. Evidemment, c’est plus ou moins présent selon les civilisations du monde, mais il me semble que la mondialité ( terme que je préfère à mondialisation) a touché toutes les nations, toutes les cultures. Cette mondialité existe en puissance depuis longtemps ; grâce à nos moyens technologiques et de communication, elle peut maintenant s’exprimer, me semble-t-il.

Quelle articulation peut-il y avoir entre ces deux processus de mondialisation et de démondialisation portés sur l’individu ? Ne pourrions-nous pas les comparer à un phénomène physique de la matière et de son correspondant, l’antimatière ? Evidemment, toute métaphore a en elle ses propres limites (par exemple, nous savons qu’une matière et une antimatière en contact provoquent leur annihilation brutale et une explosion d’énergie extraordinaire. On ne peut parler d’annihilation quand les deux processus mondialisation/démondialisation se font face). Faut-il voir ce double effet de la mondialisation/démondialisation comme étant l’issue d’une cause propre à la constitution de l’individu, l’individu ne pouvant être que par l’existence d’un ensemble d’individus ?

Ce qui fait l’individu, en tant que tel, c’est le résultat d’agencements complexes entre sa propre énergie ( ses propres pensées et ses propres actes) et celle d’un ensemble d’individus qui sont l’association des énergies mais dont la production serait ce qui est retenu, relevé, approuvé et gardé par cet ensemble. L’individu relié est le "vrai"individu, celui qui pourra se développer. Je retrace ici certainement la socialisation des individus. Je citerai ce que Georg Gadamer disait :" Ce qui emplit notre conscience historique, c’est toujours une multitude de voix où résonne l’écho du passé" (1). Si nous cassons la liaison, nous atomisons l’individu. Nous l’éclatons, il devient comme un radeau disloqué par la fureur de la tempête, pour reprendre l’image de Philippe Zarifian (2).

Un atome constituant un objet n’est pas seul, il est relié à d’autres par des forces électromagnétiques. Certains atomes ont un lien très fort avec d’autres, et constituent la molécule. Ces ensembles forment l’objet. Vient une énergie d’un autre ordre ou plus puissante, et voilà qu’elle déstabilise les liaisons et l’objet se transforme, change. J’y vois bien là la métaphore de l’objet mondialisation qui génère, par le fait qu’elle possède en elle toute une gamme d’énergies, d’intensités variables, une oeuvre productive de forces opposées au sein d’une même entité. C’est pour cela que je mentionnais cette métaphore de matière et d’anti-matière. Il y a un effet de résistance entre ces deux processus.

Je prendrai un exemple, simple, à la limite enfantin, pour me permettre de souligner cette proposition en la concrétisant. La conseillère de ma banque, travaillant depuis assez longtemps, m’a fait cette remarque, que je trouve bien représentative de cette résistance aux deux processus. Grâce à la mondialisation, une plus grande possibilité d’échanges s’offre à l’ensemble des acteurs et donc des entreprises, des banques. Ils se voient placés sur un terrain dont les marchés deviennent de plus en plus concurrentiels. Cela exige des participants à ce marché un travail de qualité, d’efficacité qui doit aller croissant ( jusqu’où ?). Donc, ma conseillère me disait qu’à cause de cela, la politique de sa banque demandait un travail plus conséquent à ses employés. La banque leur fournit des moyens matériels plus efficaces ( une informatique en évolution constante) mais, par contre, pas de moyens humains supplémentaires - qui sont à mon sens les moyens les plus puissants.

Ainsi, le réseau informatique devient plus sophistiqué, mais son employeur marque sa négligence par l’absence de formation qui permet d’’exploiter efficacement cet outil, ce qui va conduire les employés à prendre plus de temps pour comprendre et pour faire fonctionner le moyen censé rendre le travail plus efficace ( plus rentable). La banque demande aussi à ses conseillers une plus grande mobilité géographique. Ils deviennent des pions sur l’échiquier du plan du travail. Cette mobilité est difficile pour les familles, et aussi pour ceux qui désirent faire un travail sérieux ( gérer et faire fructifier leur portefeuille). La pression psychologique sur ces employés devient forte, à la limite du supportable. Nous savons qu’il n’y a pas là une volonté de détruire l’employé, mais cette volonté de mieux produire, d’avoir une qualité plus grande du service, crée en même temps une usure des forces vives qui ne se sentent plus concernées par l’esprit d’entreprise, celui d’un individu qui se forme, s’épanouit au sein d’une collectivité ( en tout cas, au même niveau qu’il pouvait atteindre dans le passé). Il y a un morcellement qui se crée. C’est la survie, ou la volonté de vivre mieux en dehors du travail, qui animent le travail de ces employés.

J’y vois là un effet de résistance, à un niveau local, particulier, du processus de mondialisation et de démondialisation. Il est subtil, car les effets se croisent, en cachent parfois d’autres. La résistance est la conséquence de la confrontation de l’événement, du désir, et cela de toutes les parties en cause.

Nous discernons ces forces qui influencent le panorama exposé. Et pourtant, nous avons du mal à comprendre pourquoi les rapports de force en jeu, leurs synergies, leurs distributions, voire leurs effets d’annulation, dessinent ce complexe. Nous serions chinois, et taoïste, nous parlerions du yin-yang de ce processus de mondialisation. Voilà où en est ma réflexion. Elle porte évidemment la marque de mes connaissances et de mes ignorances.
(1) Hans-Georg GADAMER, Vérité et méthode - Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, Paris, Seuil, 1996, p123
(2) Philippe ZARIFIAN, L’échelle du monde : Globalisation, altermondialisme, mondialité, La dispute, Paris, 2004, 190p

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1 réactions à cet article    


  • Rocla (---.---.251.61) 5 mars 2007 20:58

    Comment se fait-il qu’il n’y ait aucun commentaire là ?

    Rocla

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