Après l’arrêt économique dû au Covid-19, quelle recette pour une reprise optimale en 2021 ?
La crise sanitaire actuelle débute en Chine puis se propage rapidement dans tous les pays de la planète. Partout l’économie est confinée et est réduite à la production des biens et services les plus indispensables. Malgré l’arrêt de l’économie, les principales bourses mondiales ont haussé en 2020 sauf les bourses françaises et anglaises.
Cette situation s’explique par le fait que dans une crise économique on a la faillite de grandes entreprises systémiques (d’où la chute de l’ensemble des bourses mondiales en 2009) alors que dans l’arrêt économique consécutif au confinement, les pertes ne sont pas assez importantes pour entraîner des faillites en cascade. Le confinement a donc une limite, à un certain moment il faudra bien commencer à produire pour vivre si l’Etat résiste c’est la guerre civile assurée. Mais je crois que ce scénario est improbable puisque le confinement est probablement passé.
Selon les différentes prévisions de croissance du PIB pour 2021, la reprise ne permet pas d’atteindre le niveau de fin 2019. Cela est dû au fait que le déconfinement n’est pas total et que des restrictions à la consommation et à la production persisteront pour longtemps. Une partie de la population ayant des revenus élevés peut se permettre d’être inactif pour longtemps alors qu’elle était active en 2019 d’où une baisse de la demande globale pour les entreprises actives d’où une phase de rattrapage plus longue.
Mais si le PIB n’atteint pas son niveau de 2019 cela signifie l’existence d’un chômage supplémentaire par rapport à 2019. Comment faire pour effacer ce chômage supplémentaire ?
C’est là que les investissements de l’Etat seront importants pour stimuler l’économie face à la limite du privée pour accélérer la reprise. Mais il faut utiliser judicieusement ces investissements. La connaissance du fonctionnement global de l’économie est importante et cela grâce à la révolution macroéconomique des schémas de reproduction élargie du PIB de Karl Marx.
Comprendre le fonctionnement global de la croissance du PIB
L’ensemble de la production sociale est divisé en deux sections : la section des biens de production (section I) et la section des biens de consommation (section II). Chaque section se subdivise en valeur en trois parties : le capital constant c (valeur des biens de production), le capital variable v (valeur des salaires bruts), la plus-value p (les profits industriels, intérêts, rentes, etc. bruts).
Le schéma de Marx peut s’écrire :
I.4000c + 1000v + 1000p = 6000 milliards d’€
II.1500c + 375v + 375p = 2250 milliards d’€
PIB = I + II = 8250 milliards d’€.
1ere année d’investissement la productivité du travail c/v=4
Dans ce schéma, nous voyons que 1000 Iv + 1000 Ip est supérieur à 1500 IIc , telle est la condition essentielle de la croissance du PIB sinon si I(v + p) est égale où inférieur à IIc alors la croissance du PIB devient impossible.
Admettons que la section I investisse 45 % de sa plus-value soit 450 Ip. Pour cela, conformément à la composition organique du capital c/v = 4 (4000c / 1000v), elle doit consacré 360 Ip à l’achat de nouveaux biens de production et 90 Ip à l’embauche de nouveaux salariés. Le schéma d’investissement est alors 450 Ip —>[360 Ic + 90 Iv ].90 Iv en salaires doit être échanger contre 90 IIc de biens de consommation. Pour cela, la section II doit investir 112,5 IIp de sa plus-value soit 90 IIc en biens de production et 22,5 IIv en salaires(c/v = 4 dans la section II).
Dans la section I, 1000 Iv en salaires doit s’échanger contre 1000IIc en biens de consommation ; l’investissement de 450 Ip implique que 550 Ip soit dépensé comme revenu. En somme, 1000Iv + 550Ip en argent doit s’échanger contre des biens de consommation de la section II autrement dit 1550 I(v + p) doit s’échanger contre IIc mais IIc n’est que de 1500.
La section II doit donc investir 62,5 IIp de sa plus-value, soit 50 IIp en biens de production et 12,5 IIp en biens de consommation, pour que 1550 I(v + p) puisse s’échanger contre 1550 IIc.
En somme on a deux schéma d’investissement dans la section II :
112,5 IIp —>[90 IIc + 22,5 IIv]
62,5 IIp —>[50 IIc + 12,5 IIv]
À la fin de l’année, le schéma du PIB devient :
I. (4000c + 360c) + (1000v + 90v) + 1090p(le taux d’exploitation p/v = 100 %)
II. (1500c + 90c + 50c) + (375v + 22,5v + 12,5v) + 410p(le taux d’exploitation p/v = 100%)
Soit
I.4360c + 1090v + 1090p = 6540 milliards d’€.
II. 1640c + 410v + 410p = 2460 milliards d’€.
La section II passe de 2250 à 2460 milliards d’euros soit une croissance de 9,33% alors que la section I passe de 6000 à 6540 milliards d’euros soit 9%.
Lors de la croissance du PIB, la production des biens de consommation s’accroît plus vite que la production des biens de production « Si les choses doivent se dérouler normalement, la croissance doit se faire plus rapidement dans la section II que dans la section I, parce que, sinon, la fraction de I(v + p), qui doit être convertie en marchandises IIc croîtrait plus rapidement que les IIc contre lesquelles seulement elle peut s’échanger » [1]
Ici, Marx veut parler de la hausse de la productivité. Dans la réalité, chaque année la productivité du travail hausse c/v devient de plus en plus grand avec un taux de profit uniforme dans les deux sections. Car dans chaque pays avec la libre circulation des capitaux, les deux sections ont la même productivité (Voir le second schéma de Marx dans son livre II) et donc aussi le même taux de profit.
2eme année d’investissement, la productivité du travail hausse de 5% (c/v= 4,2)
Supposons qu’à la deuxième année, la productivité hausse de 5%, le rapport c/v devient 4,2. Le schéma devient avant l’investissement :
I.4360c + 1038,10v + 1141,9p (p/v=110%) = 6540 milliards d’€
II.1588,1c + 378,12v + 415,93p (p/v=110%) = 2382,15 milliards d’€
La hausse de la productivité ne signifie pas la croissance du capital constant par rapport au capital variable mais la décroissance du capital variable par rapport au capital constant. C’est pourquoi la grandeur de la section I ne change pas (6540 milliards d’€) après la hausse de la productivité. Cette différence est capitale pour faire la distinction entre hausse de la productivité, qui signifie une augmentation de c/v, et hausse de la production qui signifie une augmentation des capitaux.
On voit que le capital constant de la section II passe de 1640 à 1588,1 parce que le salaire de la section I passe de 1090 à 1038,10. Et dans les deux sections le taux de profit (p/(c +v)) est le même 0,21 car la productivité est la même(c/v=4,2).
Maintenant on peut commencer l’investissement. Supposons que la section I investisse 45% de sa plus-value comme à la première année et à la fin de la deuxième année le schéma devient :
I.4775,04c + 1136,92v + 1250,61p = 7162,57 milliards d’€
II.1764,97c + 420,23v + 462,25p = 2647,45 milliards d’€
La section II s’accroît de 11,14% et la section I s’accroît de 9,52%. Donc la production des biens de consommation va toujours plus vite par rapport à la production des biens de production. Pour le constater, il faut faire la distinction entre hausse de la productivité et hausse de l’investissement(production). C’est pourquoi :
- Du fait de l’augmentation de c/v de 4 à 4,2 la section des biens de consommation est devenue plus petit que la section des biens de production. A la fin de la première année, le rapport entre les deux sections était de 6540/2460 = 2,65 et à la fin de la deuxième année 7162,57/2647,45 = 2,71.
- Du fait de l’investissement, la production des biens de consommation s’accroit de 11,14% et la production des biens de production de seulement 9,52%. Que se passerait-il si la section II s’accroit à la même vitesse que la section I (Ce que les économistes anglo-américains marxistes appellent balanced-growth model) ? Alors on aura une pénurie de biens de consommation de -8,85 dans la section II. Si la production des biens de production s’accroît plus vite que la production des biens de consommation, cette pénurie ne ferait que s’aggraver. C’est ce qui s’est passé en URSS au XXe siècle où l’Etat planifiait le développement plus rapide de la production des biens de production par rapport à la production des biens de consommation.
Nécessité d’augmenter les minimas sociaux au même niveau que le SMIC pour stimuler la demande globale
Comme on le voit une croissance optimale et harmonieuse du PIB passe par un taux d’investissement plus grand dans les biens de consommation qui stimule la croissance de la production des biens de production. Les confinements dus au Covid-19 ont créé un sur-chômage baissant sensiblement la consommation globale. Il faut donc une hausse exceptionnelle des minimas sociaux pour les élever au même niveau que le salaire minimum. Sans cela il est quasi-impossible que le niveau PIB à la fin de 2019 soit atteint au cours de l’année 2021.
On peut aussi augmenter le SMIC non seulement pour rattraper le PIB de 2019 mais pour le dépasser au cours de 2021 ! Pourquoi ? Parce que les smicards épargnent peu ou pas du tout. Ils échangent directement leur revenu contre des biens de consommation ce qui stimule rapidement la demande globale de toutes les entreprises surtout les entreprises des biens de production qui représentent la plus grande partie de l’économie.
Donc, sans aucun doute, une reprise accélérée de l’économie passe un investissement exceptionnel dans les dépenses sociales : création d'un revenu minimum exceptionnel ayant le même montant que le salaire minimum (SMIC) pour l’année 2021 pour rattraper et dépasser le PIB d'avant Covid-19.
[1] : Karl Marx Livre 2 du Capital, Éditions Sociales Paris 1977 , p 448-449.
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