Après la pub, faut-il supprimer Johnny, Pagny, Dubosc, Bigard, de la télévision publique ? Place à la Télévilisation !

Le président a décidé de supprimer la publicité sur les chaînes publiques. On ne peut pas dire que ce soit une décision très intelligente. D’autant plus que les mécanismes de compensation ne vont pas être au niveau et pour le moins arbitraires. Pourquoi un internaute ou un acquéreur de PC devrait-il être taxé pour financer un service qu’il n’utilise pas ? La fiscalité prend un tour douteux en s’individualisant. On taxe ici pour financer là-bas. C’est contraire à l’esprit de l’impôt qui taxe indistinctement pour une collecte budgétaire où tout se fond pour être ensuite distribué selon les nécessités en financement public. Verra-t-on un jour les chaussures de marche taxées pour financer les fauteuils pour handicapés ? Cette mise au point effectuée, suggérons de lancer un autre débat. Faut-il supprimer de l’écran des vedettes devenues trop envahissantes ?
Prenons le cas des Pagny, Bruel, Mae, Dion, Sardou, Bigard, Dubosc, Johnny pour n’en citer que quelques-uns parmi une longue liste. Longue ? Mes excuses, j’ai parlé un peu vite, justement, cette liste est plutôt restreinte et ce sont toujours les mêmes qu’on voit passer à la télé. A ces vedettes de la chanson, on pourrait aussi ajouter des présentateurs célèbres, PPDA par exemple, invité sur les chaînes publiques à l’occasion de quelques show, mais aussi des stars de cinéma, des comiques lourdingues. Quel serait le principe justifiant leur bannissement de l’écran ? Eh bien la suppression de la pub. Ces célébrités viennent uniquement pour faire leur promo et, le cas échéant, défendre quelque cause humanitaire en donnant soi-disant de leur temps, mais on aura quelque mal à croire cette vertu toute soudaine, surtout s’agissant des Pagny et Johnny fustigeant le fisc et pleins aux as grâce à quelques aptitudes vocales et, surtout, le relais de tout un système, notamment celui de la télé qui leur sert de fenêtre promotionnelle. La morale économique voudrait que l’on fasse payer ces gens ou, du moins, les boîtes qui les produisent, pour une promotion qui n’est autre qu’une publicité déguisée en show télévisé. Le service public n’a pas vocation à offrir la promotion de ceux qui utilisent la télé comme un self-service où l’on vient vendre son image et ses produits.
Me Fillon l’a dit, la télévision publique ne doit pas ressembler à une chaîne privée. Il est donc légitime qu’on fasse l’économie de ces célébrités pour deux raisons. La première d’ordre éthique. Ces stars n’ont rien à dire d’intéressant, elles occupent inutilement l’espace public, elles interprètent de la vulgaire chansonnette qui, si elle est prisée par les masses, n’a qu’à être consommée dans les lieux et les espaces gérés par l’argent privé. Autrement dit, TF1 ou RTL, pour ne citer que deux des plus influents. En plus, ces célébrités sont devenues des stars d’Etat. Cette profusion de vedettes amies des politiques nuit aux exigences démocratiques et ne sert qu’une soviétisation festive de l’espace public. Le communisme est mort, enterrons les artistes d’Etat qui poussent la chansonnette bien conforme au service d’un divertissement normalisé de la population. Quoique le soviétisme, sur certains côtés, s’avérait plus moral que cette turpitude décadente d’une télé qui, via l’un de ses médiarques, le dénommé Drucker, offre un plateau à Laetitia Hallyday dont la seule activité est de poser son cul devant les caméras et débiter une somme de banalités. Ce n’est pas admissible et l’on comprend pourquoi la jeunesse déprime et s’alcoolise devant ce spectacle abominable des parvenus du système ; alors que tant de talents ne sont pas récompensés faute d’un peu d’attention, y compris médiatique. L’image de cette réussite sociale truquée est détestable. L’épouse d’un chanteur n’a pas à bénéficier de tant de sollicitude de la part d’une chaîne qui se veut publique et donc avec un minimum culturel.
La critique, elle est vaine si elle n’est pas assortie d’alternative. Justement, il y a un champ immense à ouvrir, avec tellement de talents et d’artistes méconnus qu’une télévision publique pourrait rendre visible afin de rééquilibrer cette criante injustice entre la réussite et les moyens de quelques-uns qui n’ont aucune prétention artistique supérieure à d’autres compositeurs et interprètes. C’est cela le vrai libéralisme, l’équité d’antenne et non pas la confiscation des prime time par ces parvenus du show-biz qui ne flattent que les masses ; au lieu qu’on puisse mettre en scène et propulser d’authentiques créateurs pouvant satisfaire les mélomanes, les esthètes et susciter quelque élan culturel dans la société. Il est temps d’en finir avec cette cour médiatique où tous se renvoient l’image démesurée de leur ego pour trop de profit indûment pillé sur la servitude culturelle des masses. Le rôle d’une télé citoyenne est de rééquilibrer la donne ; et si intervention il y a de l’Etat, dans l’accès aux soins, au logement, à l’alimentation, c’est de corriger les effets de la jungle économique dans le domaine des biens fondamentaux. Aller contre la facilité de l’argent ! Se loger, se nourrir, soigner sont des besoins essentiels, diffuser la culture et l’art est une nécessité de civilisation. Une télé citoyenne n’a pas pour vocation de mimer le marché et de renforcer des positions déjà acquises. Si politique de civilisation il y a, elle passera par l’éviction de toutes ces célébrités de la télé citoyenne. Il ne faut pas voir un quelconque ressentiment, mais un plaidoyer pour le développement de la culture. Pour œuvrer dans le partage et permettre la diffusion d’artistes qui travaillent et le méritent. Et qui ont besoin aussi de reconnaissance. Cela dit, le système parallèle de l’underground fonctionne aussi et sait se passer des médias officiels. Alors que les esthètes savent très bien où se procurer les informations et les produits qu’ils recherchent.
Les uns verront dans ce plaidoyer quelque dessein de coupeur de tête genre Robespierre d’une terreur culturelle, les autres, plus mesurés, comprendront la parfaite légitimité de cette invitation adressée aux chaînes publiques afin qu’elles boycottent ces célébrités trop surfaites et du reste imparfaites. La pornographie est bien bannie des chaînes pour grand public, alors pourquoi ne pas bannir les stars du show-biz des chaînes financées par l’argent public pour ouvrir la place à une télévision de civilisation ? Ou une TELEVILISATION tout simplement, superbe néologisme qui, je l’espère, sera repris car il signifie énormément. Hervé Bourges disait que la télé publique devait être le miroir de la France. Alors faisons en sorte de briser ce miroir pour que la France ne se reconnaisse plus dans cette médiocrité de célébrité et accueille les phares d’une civilisation à venir.
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