Après le génocide
André Versaille, grand intellectuel belge à vocation internationale, écrivain d'immense talent, porte maintenant depuis de nombreuses années un regard sensible et réaliste sur le monde, celui marqué par les humains.
Devenu cinéaste, il a tourné "Rwanda, la vie après - Paroles de mères" et il vient de réaliser "Rwanda, un génocide en héritage". Un chef d'oeuvre de délicatesse, d'écoute pour une catharsis indispensable.
Avec son équipe, il s'est rendu sur place à la rencontre de ceux qui, alors, n'étaient pas nés, mais qui, en naissant, ont automatiquement porté l'indicible poids des horreurs commises. Depuis, comme toujours après des atrocités, ceux-là, leur famille, leurs amis vivent dans un assourdissant et douloureux silence.
André Versaille, dont les yeux attentifs invitent à la confiance, a commis l'exploit de libérer leur parole. Ils sont là, en plan rapproché, comme proches de nous.
Un père a tué. Il a purgé une longue peine. Il s'est mis, ensuite, au service des autres. Grace à André, le fils a pu confronter ses interrogations avec le père. Ils se découvrent, carrément. Le ton est calme. On est dans une nécessité d'apaisement.
Cette mère l'est devenue suite aux viols subis à seize ans de la part d'un chef militaire. Aujourd'hui, son fils a 25 ans. Il sait l'amour de sa mère. Il est hanté par l'image inconnue de son père biologique. Ils ont compris l'extraordinaire opportunité apportée par André de se parler en toute transparence pour faire exploser les non-dits, le mal être-ancré en chacun. Elle gardera, pendant la conversation, les mains croisées, les yeux fermés, la voix posée. Il maintiendra une attitude calme et il ne laissera échapper que quelques larmes.
Et nous avons été spectateurs de ces improbables dialogues, sans jamais tomber dans le voyeurisme. Le fait qu'André lui-meme en soit dénué semble interdire toute approche malsaine.
Ce reportage d'une heure est le fruit de jours entiers de rencontres, menées à pas feutrés, dans une manière d'intimité inhabituelle. Alors, le générique défile et nous restons sans voix, la gorge nouée devant cette douleur enfin libérée et la force de la réconciliation.
Françoise Beck
Crédits photos : "Rwanda, un génocide en héritage", copyright Cinétévé
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