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Accueil du site > Tribune Libre > Armes sous-marines : la torpille
#12 des Tendances

Armes sous-marines : la torpille

Samedi 14 décembre 2024 un sous-marin nucléaire d'attaque torpille le patrouilleur Premier-Maître L’Her, un bâtiment de 80 mètres jaugeant 1.000 tonnes. L'ancien aviso type A69 retiré du service actif au mois de juillet et dépollué pour servir de cible et ainsi valider la torpille lourde F21 (programme Artemis) repose par 4.000 mètres au large du golfe de Gascogne. Cette nouvelle torpille équipera les SNA des classes Rubis, Barracuda et les SNLE en remplacement de la F17 mod.2 (longueur 5,38 m, poids 1.410 kg, propulsion électrique, vitesse 55 nœuds, portée 20 km, immersion 600 m) en service depuis 1988. La F21 filoguidée est un cylindre de 6 mètres de long, 533 mm de diamètre, 1550 kilogrammes, vitesse 27 nœuds se déplaçant par une profondeur comprise entre 10 (zone littorale) et 600 mètres a une portée de 31 nautiques (57 Km). La torpille pourvue d'un autoguidage acoustique de proximité a suivi de sillage de chez Thales Underwater System a fait l'objet d'une muratisation renforcée.

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Le groupe propulseur électrique sous-traité par Atlas Elektronik alimenté par des blocs PB-61 à l'oxyde d’argent et aluminium activés à la sortie du tube (fabrication Saft) entraine deux hélices contrarotatives à pales multiples. La capacité des blocs lui assure une autonomie d'une soixantaine de minutes. La charge de combat d'environ 130 kg d'explosif PBX B2211 (poudre polymérisée) d'Eurenco contenue dans son cône de 200 kg brise le bâtiment en lieu et place d'une charge creuse qui ouvre une voie d'eau. La F21 a bénéficié des avancées technologiques obtenues sur la MU90, notamment au niveau de la tête acoustique, de l’électronique embarquée et d'une sécurité renforcée.

Fulton fut le premier en 1800 à employer le mot torpille par analogie avec la raie torpille pour désigner les mines de son sous-marin. En 1860 l'Autrichien Giovanni Biagio-Luppis présente la salvacoste devant l’empereur François-Joseph. L’engin fuselé de 6 m de long propulsé par la détente d'un ressort comprimé est dirigé depuis la terre par des câbles ! En 1864 Biagio-Luppis passe un accord avec l’ingénieur Robert Whitehead chargé de concevoir une torpille dotée d’un guidage automatique en direction et en profondeur. La première « torpille automobile » propulsée par un moteur à air comprimé mesure 3,35 mètres pour un diamètre de 355 mm, pèse 136 kg et emporte une charge de 8 kg d’explosif. La propulsion est assurée par une chaudière délivrant une pression de 25 atmosphères qui permet à la torpille d'atteindre la vitesse de six nœuds sur une courte distance. La torpille ne maintient pas son immersion avec précision et risque de passer sous les oeuvres vives du navire. Une nouvelle torpille modifiée selon les recommandations de Robert Whitehead est présentée aux autorités austro-hongroises à Fiume le 21 décembre 1866. La Commission valide la torpille au mois de mai 1868. La nouvelle chaudière délivre une pression de 80 kilos permettant à la torpille d'atteindre la vitesse de 11 nœuds sur 610 mètres. Whitehead propose la vente de son invention à toutes les puissances maritimes... Une torpille Whitehead est utilisée pour la première fois le 29 mai 1877 lors de la bataille de Pacocha dans l'océan Pacifique.

En 1889 Le Peral tire trois « torpilles automobiles » de conception Issac Peral. Deux années plus tard, l’Américain Howell remplace la propulsion à air comprimé par l’énergie cinétique accumulée avant le lancement par un volant tournant à 10 000 tours/minute. La nouvelle torpille assure 95 % de tirs au but contre 36 % pour le modèle Whitehead. Un seul tir au but suffit à envoyer un navire par le fond. Le gyroscope mis au point par Dumoulin Froment en 1878 installé sur le S-M Gymnote en 1884 permet une navigation précise ! En 1895 l'Autrichien Ludwig Obry stabilise et contrôle la profondeur d'immersion de la torpille en utilisant un gyroscope et un pendule. En 1904 Schick dépose un brevet portant sur la stabilisation gyroscopique capable d'atténuer le roulis des navires.

Le 6 avril 1917 l'U-20 coule le paquebot Lusitania tuant 1 198 passagers et marque l'entrée en guerre des États-Unis. Au cours de la Première Guerre mondiale, la Whitehead (Mk 5) a une portée de 4000 mètres et atteint une vitesse 27 nœuds. La torpille étant alimentée par de la vapeur, ces paramètres peuvent varier selon la quantité de chaleur délivrée. En 1939, les torpilles sont propulsées à 30 nœuds et emportent 300 kg d'explosifs. La Seconde Guerre mondiale voit l'arrivée de la torpille à influence magnétique, invention allemande découverte par les alliés lors de la capture de l'U-570 par la Royal Navy.

La cible repérée, le commandant du sous-marin à l'immersion périscopique (une douzaine de mètres de profondeur) passe sur le périscope d'attaque (champ de vision étroit). Le Pacha relève la distance télémétrique le séparant de la cible et son azimut (angle). Les relevés sont renouvelés quinze minutes plus tard. Il suffit de tracer une droite passant par les deux points pour connaître le cap et la vitesse de la cible. Connaissant la vitesse de la torpille, l'officier peut définir le rapport vitesse cible / vitesse torpille et calculer le point d'interception qui correspond à la rencontre du navire avec la torpille. La torpille passive ne peut être leurrée par des bruiteurs, mais le moindre changement de cap, d'allure ou dérive peut par contre fausser la prévision et justifier une gerbe de tirs.

Les torpilleurs, après avoir réglé le calculateur mécanique, procèdent au lancement. Le gyroscope alimenté par la vapeur du groupe propulsion tourne à plusieurs milliers de tours/minute et contrôle la trajectoire de la torpille par un système de tringlerie. Le moment cinétique et l'axe de rotation conservent leur direction tant qu'aucune force extérieure n'agit sur le gyroscope maintenu par deux cardans. Si le gyroscope détecte que l'anneau et l'axe commandant les deux gouvernails ne sont plus alignés, il apporte la correction nécessaire au redressement. Le maintien à une profondeur donnée est assuré par une membrane extérieure transmettant la pression hydrostatique à un pendule relié aux deux gouvernails de profondeur. Ce pendule, contrairement à celui d'une horloge qui oscille, est prévu pour rester stationnaire. Si la torpille pointe du nez (assiette), le pendule impose aux gouvernails une correction vers le haut, si elle pointe vers le haut, le pendule bascule vers l'arrière la correction porte vers le bas (gyroscope et le pendule sont placés au centre de gravité de la torpille). Le lancement est assuré par un tube à air comprimé pour les sous-marins et par un tube à poudre pour les bâtiments de surface.

L'été 1943 marque l'apparition de la torpille acoustique allemande qui se dirige automatiquement sur sa cible ; les Américains testent l'usage du sonar sur la torpille. Le faisceau de l'onde ultrasonore réfléchie sur la coque ou sillage du navire en commande le gyroscope. La torpille japonaise de Type 93 est peu connue en Europe : longueur 9 mètres, diamètre 60 cm, poids 2,7 tonnes transportait une charge explosive de 1450 kg à 49 nœuds dont la propulsion était assurée par un mélange d’oxygène et de kérosène hautement explosible. Cette arme sera transformée en torpille suicide (Kaiten) en 1944.

La portée maximum d'une torpille ne saurait être le seul argument. Durant la Seconde Guerre mondiale la distance moyenne de lancement est inférieure à un nautique. La Mk 37 conçue pour attaquer les sous-marins diesel-électriques ce déplaçant à une douzaine de nœuds et en immersion périscopique est obsolète à l'arrivée des sous-marins soviétiques filant 30 nœuds. Lors de l'affaire de Cuba (1962) Khrouchtchev aurait donné l'ordre à sept sous-marins chargés de torpilles à charge nucléaire de prendre position dans les environs du port de Mariel (opération Anadyr). L'USN va riposter avec la torpille Mk 48 à charge nucléaire propulsée à 40 nœuds grâce à un mono-ergol, une invention d'Otto Reitlinger ; portée de 24 nautiques.

Les années soixante-dix voient la généralisation des torpilles filoguidées qui permettent de corriger le trajet suivi par de la torpille (piste) dans le plan horizontal. Le dévidoir est dans la torpille et non à bord du S-M. L'idée avait été entrevue par Siemens en 1916 avec sa torpille guidée par fil mono-conducteur. L'opérateur peut corriger la trajectoire de la torpille vers tribord ou bâbord de + ou - 60 °. La rupture du fil active le mode pré-programmé (autoguidage, arrêt, destruction). En mode programmé, la torpille lancée s'amorce après environ un demi-nautique et suit le cap enregistré avant de décrire une légère courbe destinée à repérer et à localiser la source sonore émise par la cible (hélices ou sillage). La cible acquise, la torpille se dirige vers celle-ci.

L'URSS dispose en 1972 du sous-marin K-222 à propulsion nucléaire (réacteurs à eau sous pression) doté d'une double coque en alliage de titane et armé de dix missiles de croisière. L'US Navy met au point la torpille Mk 50 avec chaudière au lithium capable d'atteindre les 70 nœuds, et de fonctionner à grande profondeur. Le premier missile sous-marin (Trident) sort la même année. En 1982 un sous-marin britannique coule le croiseur argentin Belgrano tuant 368 marins. En 1988 la MN dispose de la torpille F17 mod.2 : poids 1.410 kg, vitesse 55 nœuds, portée 20 000 m, immersion 600 m.

Le 12 août 2000, une torpille à super-cavitation en cours d'essai explose à bord du Koursk tuant les 118 sous-mariniers. La torpille Shkval VA-111 filo-guidée propulsée par une fusée peut être tirée en surface et jusqu'à 100 mètres de profondeur : longueur 8,2 m, diamètre 533,4 mm, poids 2.700 kg au lancement, poids de l'ogive 175 kg, vitesse de 194-325 kt (360-600 km/h), portée 4 à 7 nautiques. La Chine qui fabrique ce modèle de torpilles sous licence en aurait vendu à l'Iran !

Le renouvellement de la flotte sous-marine russe - l'activité de sous-marins chinois et coréens dans la zone Indo-Pacifique - le torpillage de la corvette sud-coréenne Cheonan le 3 mars 2010 - les différents territoriaux entre le Japon et la Chine sont sources d'inquiétudes pour les pays riverains et les compagnies maritimes. Le marché des sous-marins et celui des armes sous-marines ne cesse de se développer et de s'étendre à de nombreux États. Les Australiens qui se sont dédits pour les sous-marins français cogitent sur leur capacités opérationnelles dans la zone Indo-Pacifique.

Après une première livraison de 90 torpilles F 21, la MN devrait en recevoir deux cents supplémentaires et équiper ensuite les quatre sous-marins brésiliens du type Scorpène (les Chiliens et les Malaisiens ont acquis la Black Shark). Pour mémoire, le Brésil est membre de l'Alliance Mercosur (Argentine, Uruguay, Paraguay et Bolivie) et du BRICS Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud... Une correction, une précision, une remarque ?

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6 réactions à cet article    


  • Decouz 2 janvier 11:08

    Dans « l’Italien », récit romancé reposant sur des faits réels, Perez Reverte raconte les attaques menées par des torpilles humaines, des torpilles instables appelées « maiales » cochons, dont la poupe avait tendance à plonger. L’histoire concerne la base anglaise de Gibraltar, mais il y a eu des attaques dans d’autres ports.

    Les militaires étaient basés à Algésiras, dans un bateau d’apparence anodine, par équipes de deux, ils chevauchaient la torpille, traversaient la baie puis plongeaient pour installer des charges explosives sous les navires, principalement des navires de guerre, sinon des pétroliers ou autres si la cible principale n’était pas atteinte, il y avait plusieurs dangers, en plus de ceux inhérents à l’appareil lui-même, et aux équipements de plongée rudimentaires, , ils devaient franchir les filets et échapper aux bombes sous marines larguées par les Anglais :

    http://x-pression.media/italie-les-torpilles-humaines-de-la-xe-flotttiglia-mas-durant-la-seconde-guerre-mondiale


    • Decouz 2 janvier 11:11

      @Decouz

      La proue et non la poupe, avait tendance à plonger, entrainant un déséquilibre.


    • anaphore anaphore 2 janvier 18:45

      @Decouz

      La proue et non la poupe.... ni le poulpe *
      Effectivement une pieuvre de 500 tonnes pouvaient déséquilibrer un baleinier *


    • rhea 1481971 2 janvier 16:15

      En 1969 / 70 j’étais embarqué sur l’escorteur côtier l’intrépide qui servait 

      à testé les torpilles dans la baie de Saint Tropez ( pas en été ) 


      • anaphore anaphore 2 janvier 18:47

        @rhea 148197
        euh, l’exercice était dangereux pour la marine française qui venait à peine de se remettre du sabordage de Toulon .... piano piano !


      • LeMerou 3 janvier 05:53

        Le Mercosur.

        Je t’achète de la viande et je te la paie en torpille 

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