Arrêter de fumer : et si cela pouvait être facile ?
Dix fois, vingt fois, j’avais tenté d’arrêter de fumer. Sans succès : au prix d’indicibles souffrances, je tenais quelques heures ─ au mieux huit à dix ─ avant de replonger lamentablement, victime d’un manque de volonté rédhibitoire et malheureusement récurrent. Victime de ce que je croyais être ma dépendance. Jusqu’au jour où…

Jusqu’à ce jour de semaine où, m’étant levé pour aller travailler, je me souvins que j’avais fini mon paquet la veille en fumant ma dernière cigarette de la soirée. Pas de problème, je disposais toujours d’au moins un paquet d’avance dans ma réserve. C’est alors que je m’aperçus avec horreur que la cartouche était vide et qu’un individu négligent (moi en l’occurrence) avait omis de la jeter et de la remplacer. Contraint par la force des choses de me passer de ma clope matinale, je pris rapidement mon petit déjeuner avant de partir vers mon bureau, douché, rasé, habillé, mais curieusement pas plus gêné que ça de n’avoir pu griller ma première cigarette du matin, pourtant l’une des meilleures de la journée.
Trente minutes plus tard, je débarquai du métro à la station Bercy. Devant moi, la pyramide verte du POPB offrait aux premiers rayons du soleil ses pelouses vertes à 45° d’inclinaison. Sur ma gauche, le bar-tabac salvateur m’appelait de sa carotte tentatrice. J’avais tenu jusque là sans difficulté, je décidai donc de différer mon achat pour offrir quelques minutes de répit à mes poumons ; après tout, mon bureau était proche de la gare de Lyon et de ses buralistes. Tournant le dos au bar-tabac, je m’engageai résolument dans la rue de Bercy.
Parvenu aux abords de mon bureau, je fus confronté à un nouveau dilemme : devais-je aller me réapprovisionner immédiatement ou essayer d’atteindre la pause café. Bizarrement, je ne ressentais toujours aucune de ces horribles sensations de manque qui avaient marqué toutes mes tentatives de sevrage. Je résolus de poursuivre ma tentative jusqu’à la coupure du déjeuner, quitte à foncer entretemps au tabac de la Tour Gamma voisine si le manque ressurgissait et se faisait trop pressant.
Mais de manque, il n’y eut quasiment pas. Pas plus à midi qu’à 18 heures ou à 23 heures. Ou si peu. Je m’endormis sans problème. Le lendemain matin, je pris conscience que pour la première fois de ma vie, j’avais réussi, sans la moindre assistance extérieure, à tenir sans fumer durant 24 heures. Et surtout sans ressentir véritablement de gêne ni de frustration, excepté celle de ne pouvoir manipuler après chaque repas ma nocive et habituelle compagne.
Décider de poursuivre l’expérience s’imposa dès lors comme une évidence. Le 2e jour puis le 3e s’écoulèrent un peu plus difficilement mais sans que je sois à la torture comme par le passé. Et dès le 4e jour les difficultés s’estompèrent pour disparaître totalement au bout d’une semaine. Aussi surprenant que cela puisse paraître, j’avais arrêté de fumer !
Des années se sont écoulées, et je n’ai jamais recommencé, ni même eu la tentation de le faire, moi qui avais pourtant éprouvé les pires difficultés lors de mes nombreuses et pathétiques tentatives passées. Incroyable ! Et cela d’autant plus que ma consommation tabagique (un paquet par jour en temps normal et nettement plus les jours de ripaille) me valait un score de 7 sur l’échelle de Fagerström, synonyme de « forte dépendance » !
Il va de soi que ce sevrage aussi spectaculaire qu’inespéré m’a énormément questionné. Pourquoi avais-je réussi cette fois-là alors que toutes les autres tentatives s’étaient soldées par de cuisants échecs ? La réponse s’est imposée d’elle-même : parce que j’avais été pris par surprise, sans être passé par la phase de conditionnement qui avait précédé toutes mes tentatives antérieures, genre « cette fois, c’est dit, demain j’arrête » ou bien encore « je grille ma dernière samedi soir au resto et basta ! » Une phase de conditionnement qui, heure après heure, jour après jour, me mettait un peu plus la pression pour atteindre, sans que j’en prenne conscience, un paroxysme au moment crucial. A tel point que la souffrance du manque et la nervosité croissante qui le caractérisait commençaient en général dans l’heure qui suivait l’arrêt !
La grande révélation a bien entendu été que, contrairement à ce que je croyais dur comme fer et qui m’était confirmé par cet espiègle Fagerström, je n’étais pas accro à la cigarette. Pas plus que je n’étais accro au café, un breuvage dont je faisais pourtant une assez grande consommation et dont il m’était impossible de me passer lorsque j’étais en ville : café du p’tit dej’, de la pause matinale, du déjeuner, de l’après-midi, du dîner, du soir. Un café que j’éprouvais le besoin physique de consommer, jour après jour, au moins en toutes ces circonstances.
Un besoin de café qui, comme par enchantement, disparaissait totalement lorsque nous randonnions, mon épouse et moi, sur les immensités désertiques du Larzac ou des hauts plateaux du Vercors, lieux désespérément dépourvus de bistrots ! Ni dépendant du café, ni de la cigarette, mais uniquement d’habitudes, de rites, de routines plus ou moins compulsives, voila ce qui me caractérisait, rien d’autre !
Je terminerai ce papier en précisant que si mon titre est un peu provocateur, il ne reflète pas le fond de ma pensée, et je ne crois pas un instant que la dépendance soit une vue de l’esprit. Je crois au contraire que nombre de gens ─ la majorité des fumeurs sans doute ─ sont réellement accros et, pour la plupart, ont besoin d’une assistance pour réussir leur sevrage. En écrivant cet article, je voulais simplement leur montrer que le pire n’est jamais sûr et qu’ils doivent tout faire pour diminuer la pression psychologique à laquelle ils seront soumis lorsqu’ils décideront d’arrêter. Cela peut, entre autres, passer (comme dans mon cas) par l’effet de surprise, ou plus probablement par une décision prise ex abrupto et à effet immédiat, pour éviter toute pression en amont…
Quoi qu’il en soit, je leur souhaite sincèrement bonne chance !
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