Asseyons-nous les uns sur les autres
Il est des campagnes de promotion désopilantes. Si elles n’existaient pas nous perdrions une occasion de nous amuser. A bien y regarder il y a tant de faits ludiques : si personne ne les met en évidence nous passons à côté, on the grey side of the street.
Mais grâce par exemple au Laboratoire de l’Egalité, nous pouvons nous amuser et jouer tous ensembles, sourire aux lèvres, les yeux émerveillés, tendus de cette tendre compétition dont les enfants font parfois preuve entre eux. Nous sommes on the sunny side of the street.
L’image ci-contre qui illustre la récente campagne de ce Laboratoire est digne de savants fous d'humour et rigolote à souhait (cliquer pour l’agrandir) ! N’est-ce pas craquant, ce monsieur un peu enveloppé assis sur les genoux d’une dame si menue, dont on voit à peine un bout de sa tête et une épaule ? On dirait qu’elle est écrasée sous le monsieur. A croire que c'est ce que l'affiche veut dire... D’ailleurs elle a tout pour être écrasée : un visage mince, un nez étroit, de longues cernes de tristesse. Mettez-la sur un ring, elle ne fera que sonner la cloche. La maquilleuse à bien travaillé et le casting est excellent. A côté, enfin dessus, le monsieur est rond, expansif, épanoui, insouciant, presque heureux de vivre.
Notons bien cela car c’est essentiel à la réussite de l’image. Imaginons un instant l’inverse : un monsieur petit, maigre, au visage pâle et cerné, assis sur les genoux d’une dame forte, large, grande, épanouie ? Le slogan ne marcherait pas. Allons plus loin : imaginons la même femme mince sur les genoux du monsieur enveloppé et épanoui. Dirait-on qu’elle s’assied sur lui au sens du slogan : pour l’écraser ? Naaaannnnnn !!!!! Ce serait un droit de cuissage, le gros patron homme (forcément gros) se faisant la mince jeune femme apeurée (forcément mince).
Et si c’était une femme enveloppée et épanouie qui était assise sur un monsieur petit, étroit, mince et cerné ? On éclaterait de rire, évidemment ! Comme ici.
Revenons à la photo. Ce n’est donc pas tant le fait que ce soit un homme qui montre l’écrasement : c’est le poids. Malgré le stéréotype primaire cette affiche ne signifie rien de particulier. Rien en rapport avec l’égalité. Ou alors elle signifie qu’il faut obliger tous les humains à avoir la même taille et la même corpulence.
C’est vraiment amusant ces affiches. Ah, un pays où l’on peut rire d’un rien ne connaît pas son bonheur. Les français sont moroses ? Qu’ils regardent cette affiche ! Le concepteur, un quelconque savant fou du Laboratoire, a dû se dire dans sa barbe :
« Je leur fais une bonne blague : il croient que c’est pour l’égalité, en réalité c’est contre l’excès de poids ! »
Mais il y a un deuxième jeu : le jeu des 6 erreurs. Voyons le texte sous l’image :
« Responsabilités limitées, CDD à répétition, temps partiel subi, stéréotypes et autres blagues sexistes. Encore aujourd’hui, une femme gagne 17% de moins qu’un homme à compétence égale. »
Tout cela est supposé concerner exclusivement les femmes. Et bien c’est faux.
1. Première erreur :
Responsabilités limitées. La majorité des hommes, comme la majorité des femmes sont dans cette situation. La plupart ont une responsabilité limitée.
2. Deuxième erreur :
CDD à répétition. Beaucoup d’hommes aussi sont dans cette situation. Et beaucoup d’hommes n’ont même pas de CDD.
3. Troisième erreur relative :
Temps partiel subi. Dans un certain nombre de cas, en effet. Et pour les hommes qui font moins de temps partiel, c’est le chômage subi. Le chômage doit être sexiste.
4. Quatrième erreur :
Stéréotypes. Les hommes aussi, comme l’image elle-même le montre. L’hôpital se fout de la charité. Rien de spécifique aux dames, donc.
5. Cinquième erreur :
Blagues sexistes. Et les blagues sur le petit kiki de monsieur, entre autres, c’est pas sexiste ? Rien de spécifique.
6. Sixième erreur partielle :
Une femme gagne 17% de moins qu’un homme à compétence égale (en équivalent plein-temps). Inexact. En tenant compte du genre de travail en particulier, l’Insee en France a montré qu’il n’y a que 5% à 10% de différence réellement incompressibles. Qui s’expliquent en particulier par la maternité qui fait sauter des annuités d’augmentation pour les femmes. De plus on n’a que des chiffres généraux. Il serait intéressant de publier les salaires comparés dans 10’000 entreprises, tenant compte du genre de travail, des compétences, de l’ancienneté, de la productivité, etc. Les femmes étant statistiquement meilleures en lecture que les hommes, elles vont vers postes moins rémunérés alors que les hommes, statistiquement meilleurs en maths, auront des professions mieux payées.
Et bien voilà. C’est si simple d’être heureux et souriant. Il suffit de regarder l’affiche du pacte pour l'égalité.
Douce France...
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