Attentisme au Moyen-Orient pour la paix ou la paix qui s’y fait attendre ?
Après avoir attendu le départ des forces syriennes du Liban.
Après avoir attendu les différents rapports (Mehlis, Brammertz) des enquêteurs internationaux sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre. Ces rapports n’ont pas permis, jusqu’à aujourd’hui, d’arriver à une conclusion.
Après avoir attendu la Résolution des Nations unies 1757 pour la création du Tribunal international, nous voici en attente des élections présidentielles libanaises.
Comme si ces élections allaient modifier fondamentalement la donne. Comme si le président, une fois élu, sera en mesure d’imposer l’ordre et la sécurité intérieure, comme s’il avait un quelconque pouvoir décisionnel.
Sachons qu’aussitôt cette échéance passée nous aurons à en attendre d’autres, tels des relais sur une route escarpée et rocailleuse, celle de la déstabilisation et du non-droit.
Attendre pour faire la paix ou la paix qui se fait attendre.
Voici un dilemme basé sur un facteur essentiel représenté par le temps.
Le temps qui passe semble être l’ennemi n° 1 de la vie.
Et pourtant, attendre semble être ce que nous savons faire le mieux, après celui de permettre l’application sur le terrain devenu la « scène libanaise », de la politique étrangère de pays étrangers au nôtre, étrangers à notre système et à nos intérêts fondamentaux.
En attendant les élections présidentielles libanaises, le sang des Libanais continue de couler, en faisant toujours plus de victimes, comme si le nom des suspects devait être inlassablement matraqué, encore et toujours, pour ceux qui auraient encore tendance à l’oublier, - nous rappelons que Damas reste fortement et exclusivement suspectée.
Comme si les juges de ce Tribunal international avaient besoin, pour étayer leur plaidoirie à l’encontre des suspects, de davantage de griefs pour que ces derniers deviennent, à la longue, « logiquement » des coupables.
Les coupables sont ceux qui ont précipité, sans scrupules, le Liban dans la violence.
Les coupables sont ceux dont l’intérêt est que le Liban ne finisse pas d’en découdre avec la violence et avec l’insécurité.
Les coupables sont ceux qui arrivent à justifier de telles actions, que ce soit pour accuser son ennemi du moment ou pour se disculper.
Les coupables sont ceux qui s’accommodent de la situation en continuant de commettre des crimes odieux, tout en sachant qu’ils ne seront jamais inquiétés.
Les coupables sont les ennemis du Liban, de l’entente intercommunautaire et de la paix.
Les coupables sont ceux qui instrumentalisent les fondamentalismes de toutes les religions à des fins politiques et pour des considérations profanes, géopoliticiennes et sectaires. Sur ce plan-là, personne ni aucun Etat, aussi puissant soit-il, aussi amical soit-il, ne peut décemment rester à l’écart du cercle des suspects potentiels.
Dans ces conditions, que se trame-t-il au Liban, qu’est-il en train de se passer en Palestine ou plus exactement dans les territoires occupés et en Irak où en est-on de l’invasion américaine et de ses conséquences ?
L’extrémisme religieux sunnite, dans ces trois pays, occupe tous les jours un peu plus, le devant de la scène, en usant de la violence contre la légalité ; puisse-t-elle s’appeler, « armée régulière libanaise » concernant le Liban, Fatah contre lequel le président Abbas dénonce le putsch ou gouvernement irakien désigné.
Et si le problème n’était pas l’extrémisme, mais ce qui a donné naissance à l’extrémisme.
Et si le problème n’était pas le Hamas, mais ce qui a donné naissance au Hamas.
Et si le problème n’était pas le Hezbollah, mais ce qui a donné naissance au Hezbollah.
Et si le problème n’était pas le message transmis à travers les textes sacrés, mais l’expression du malaise politique et social de ces populations annihilées et vivant en-dessous du seuil de la pauvreté.
La faillite de la démocratie et de son pouvoir à rendre la justice à tous ceux qui souffrent de l’injustice.
La faillite de cette ouverture à l’Occident, qui se soldait déjà par un interventionnisme économique et politique intense, se trouve renforcée par une invasion militaire.
Il n’en faut pas plus pour les leaders politiques pour se sentir dépossédés et pour ouvrir la voie au « recours » que représente le fondamentalisme religieux, comme le démontre si bien G. Corm dans son livre La Question religieuse du XXIe siècle (La découverte).
Dans les pays du Moyen-Orient, le fondamentalisme est très souvent amené par le processus électoral démocratique qui permet au plus grand nombre de s’exprimer (FIS en Algérie et l’avortement du processus).
Le plus grand nombre signifie très souvent dans cette région, les pauvres et les délaissés par le pouvoir en place, mais qui, quand il s’exprime sur un mode électoral, menace très souvent la légitimité même de ce dernier.
Il y a donc le choix entre d’un côté la dictature du parti unique et de l’autre le fondamentalisme religieux.
Il n’y a assurément pas de place pour la gouvernance du peuple par le peuple, excepté en théorie, mais en théorie seulement.
Autrement dit, la démocratie ne s’improvisant pas, le discours qui prétend l’amener en la décrétant ou en l’imposant est un discours pour le moins démagogique, manipulateur et mensonger.
La pacification et la mise en œuvre d’un tel processus ne peuvent voir le jour sans des préalables indispensables découlant d’un bon sens critique.
Il faut, pour cela, revenir à la définition originelle du sens de l’Etat nation, dont la mise en place a débuté principalement entre les deux guerres mondiales au moment de la décolonisation.
Un Etat sans délimitation exacte de ses frontières n’est pas un pays souverain.
Un Etat qui ne peut pas compter sur son armée ne peut pas être indépendant.
Un Etat sans programme politique ambitieux qui vise à la création et l’entretien de l’infrastructure du pays en entier ne pourra pas être un pays viable.
Un Etat corrompu n’est pas un pays légitime puisqu’il est mis aux enchères.
Un Etat aussi endetté n’est pas un pays stable.
Un Etat boudant ses voisins immédiats est un pays potentiellement mort.
Réhabiliter l’Etat républicain avec sa gestion publique laïque adaptée paraît être la plate-forme, solide et primordiale, sur laquelle se construira cet Etat.
La gestion laïque de l’ensemble des Etats interlocuteurs représente le langage commun à travers lequel les vrais problèmes vitaux et spécifiques des populations de la région seront discutés, débattus et résolus.
Les croyances et la foi religieuses de chacun individuellement ou communautairement doivent rester du domaine privé.
Le général Michel Aoun nous paraît être celui dont il a le plus conscience au niveau du Liban.
C’est en tout cas le discours qu’il tient quand il parle de réformes profondes indispensables à la survie de notre pays. Nous ne pouvons qu’appuyer de telles initiatives.
La paix, si elle devait s’installer dans la région, devrait s’affranchir de certains préalables indispensables à toute logique politique pacificatrice, en plus de la reconnaissance de l’ensemble des Etats avec leurs particularismes :
- la paix coûte cher surtout pour ceux qui la parraineront ;
- la paix est fragile surtout pour ceux qui en dépendront ;
- la paix n’a pas de frontière pour ceux qui voudront la cantonner ;
- la paix est juste pour ceux qui chercheront à faire la guerre soit-disant « juste ».
Au fait, qui voudrait prendre l’initiative de faire la paix dans ce Moyen-Orient rendu intentionnellement si compliqué ?
Dr Riad Jreige
France
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