Au coeur des 200 maires de Catalogne à Bruxelles : Au seul mais beau nom de la liberté démocratique !
AU CŒUR DES 200 MAIRES DE CATALOGNE A BRUXELLES
AU SEUL MAIS BEAU NOM DE LA LIBERTE DEMOCRATIQUE
Bruxelles, 7 novembre 2017, 13h50, devant le siège de l’Union Européenne, entre ses deux principales institutions : la Commission Européenne, présidée par Jean-Claude Juncker, et le Conseil Européen, présidé par Donald Tusk. Il y a là, venus directement d’Espagne, 200 maires catalans, hommes et femmes réunis, tous élus démocratiquement. Je suis au milieu d’eux, face à une nuée de journalistes accourus du monde entier. Certes ne suis-je pas espagnol, ni catalan. Il ne m’appartient donc pas de me prononcer sur l’indépendance, ou non, de la Catalogne. Je ne connais pas non plus personnellement, ni ne l’ai-je même jamais rencontré, son président, Carles Puigdemont, qui s’est réfugié tout récemment dans cette capitale de l’Europe afin d’échapper, après sa déclaration d’indépendance suite au référendum populaire du 1er octobre dernier, à un procès qu’il juge inéquitable, voire à un emprisonnement, au triple motif de « sédition », de « rébellion » et de « malversation », réputé tout aussi arbitraire. Attaché à ce principe universel que sont les droits de l’homme, je ne suis donc uniquement là, devant les institutions européennes, que pour entendre plus en profondeur, de manière neutre et objective, ces 200 maires : écouter, au seul nom de la liberté démocratique, de la tolérance des idées et de la fraternité entre les peuples, leurs revendications. Ils sont là, devant moi, à la fois fiers et émus, résolus mais souriants, afin de m’expliquer très humblement, comme ils souhaitent le faire également à l’adresse des représentants européens, pourquoi ils veulent faire entendre ainsi leurs voix : 760 maires, sur les 948 que compte la Catalogne, sont, me disent-ils, pour l’indépendance de leur région. Ils s’indignent également de la manière dont le pouvoir central de Madrid, le Premier Ministre espagnol en tête, Mariano Rajoy, ne cesse de les brimer, de les empêcher de s’exprimer par le vote, de museler leur presse et de destituer leurs dirigeants avant, finalement, de les mettre, autoritairement, en prison. Il y a là, insistent-ils, des relents de dictature fasciste : celle, de sinistre mémoire, du tristement célèbre Franco !
DE LORCA A PICASSO, EN PASSANT PAR MALRAUX
Républicains convaincus, ils me parlent ensuite, les larmes aux yeux, de cet immense poète, assassiné par les milices franquistes précisément, que fut Federico Garcia Lorca, mais aussi de ce tableau mondialement connu qu’est le « Guernica », nom du village basque bombardé par l’aviation fasciste (italo-allemande), de Pablo Picasso. Non, ces tragédies, les Républicains de Catalogne, qui connaissent l’histoire sur le bout des doigts, ne les ont pas oubliées ! Enfin, voyant que je leur parle en français et que, mieux encore, je leur cite, dans le texte, des extraits de « L’Espoir » du grand André Malraux, qui combattit précisément, durant la terrible guerre civile d’Espagne, aux côtés des républicains contre les franquistes, ils osent, tout en gardant certes le sens des comparaisons en même temps que la mesure des proportions, cette confidence : « Ce qu’il nous faudrait aujourd’hui, pour nous faire entendre au cœur de cette Europe qui nous oublie, c’est, justement, un nouveau Malraux, avec le même courage d’idées, la même liberté d’esprit et le même respect des personnes » !
LIBERTE !
Il est maintenant 14h15. Cette manifestation, à Bruxelles, de ces 200 maires de Catalogne va bientôt se terminer, de la manière la plus pacifique qui soit. Elle aura duré un peu plus de vingt minutes, à peine. Mais des minutes qui semblent immortelles, lourdes de sens : de ces minutes qui, par leur importance, ont la portée des événements historiques ! Avant de repartir, de s’en retourner vers leur pays, dont on ne sait bien sûr encore si c’est l’Espagne ou la Catalogne, ils entonnent alors, tous en chœur, au cri de ce magnifique mot de « liberté », leur chant patriotique, véritable hymne de résistance : il résonne, haut dans le ciel bleu, parmi le bruit ininterrompu des applaudissements, au cœur même de l’Europe. Le symbole est fort ! Le moment est intense ! J’en ai, moi qui suis pourtant un philosophe résolument sceptique, habitué à l’esprit critique et rompu aux slogans révolutionnaires, la chair de poule.
ENTENDRE LA VOIX D’UN PEUPLE : NO PASARAN !
Et là, en cet instant solennel, aussi simple dans son action que grandiose dans son esprit, et où je crois entendre la voix de Lorca ou de Goya, comme celle de tous ces martyrs du totalitarisme politico-idéologique, il ne me vient en tête qu’une seule pensée, qu’une unique mais souveraine interrogation : comment, pour peu que l’on soit attaché aux valeurs de l’humanisme, ne pas entendre ce peuple - le beau peuple catalan - qui se lève ainsi, droit comme les droits de l’homme, au seul nom de la liberté, principe universel sans lequel il n’est point, en effet, de démocratie qui vaille ?
« No pasaran » : éternel chant des partisans, républicains espagnols, contre toute dictature !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur, notamment, de « La Philosophie d’Emmanuel Levinas » (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (Gallimard – Folio Biographies), « Critique de la déraison pure – La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (François Bourin Editeur), « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher). A paraître : « Traité de la mort sublime – L’art de mourir, de Socrate à David Bowie » (Alma Editeur).
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