« Vous détestez... les administrations, les étudiants, les débats d’opinion »
Si tout se passe bien octobre devrait marquer la reprise des manifestations et des blocages au sein des universités. Faisons leur confiance et gageons que comme chaque année ces parasites trouveront le moyen de ne pas étudier. Quelle que soit la raison elle sera bonne à prendre. Ces dangereux mouvements noyautés par l’extrême gauche sont prêt à tout pour fainéanter une année de plus.
Mais comment peuvent-ils empêcher d’autres étudiants de faire leurs études, d’obtenir leurs diplômes, de préparer leurs avenirs. Tout cela est accordé au pluriel. Mais c’est un pluriel singulier. Ces étudiants révoltés face à la révolte sont préoccupés par un seul et unique petit monde. Le leur. Ils ne veulent plus devenir astronautes, ils veulent devenir riche. L’argent n’est plus un moyen, c’est une fin en soi. Ils ne recherchent ni qualité de vie, ni confort, juste de l’argent. ...
Et ces mouvements étudiants sont un frein à cette réussite splendide qui les attends, eux et leurs petits "moi". Mais peut-on leur en vouloir ?
Reste que ces étudiants modèles, motivés par un idéal fait de strass et de paillettes, sont vantés chaque jour par notre société. Tandis que les acteurs des mouvements étudiants sont quant à eux constamment vilipendés. Eux qui ne rêvent pas d’argent mais d’une vie. Eux qui ont conscience que ces exemple de réussite vantés par les médias ne sont que des exceptions et ne constituent aucunement une norme. Motivés par l’intérêt collectif ils entendent agir et se regrouper derrière des idéaux. Ces guignols rêvent un monde un peu plus juste, un monde dans lequel chacun peut trouver sa place et vivre dignement. L’éloge du "moi" a disparu et fait place à une logique du "nous". Une logique plus en rapport avec le concept de société.
Leur tort est de répéter chaque année et inlassablement le même scénario. Saisissant le moindre prétexte pour défiler et protester ils ne parviennent pas à trouver la moindre crédibilité aux yeux de la société. Une société qui par conséquent fait la sourde oreilles à leurs revendications. Pensant régler ainsi la situation ils ne font que l’exacerber. Car ces cris sont ceux du désespoir. Désespoir face à un monde sans queue ni tête, qui marche sur la tête depuis bien trop longtemps. Désespoir face à un monde qui se déshumanise chaque jour un peu plus.
Désespoir face à un monde qui refuse de les entendre. Et même si au fond tout le monde à bien conscience de la situation on préfère pratiquer la politique de l’autruche. Bien qu’elle ne soit pas la plus efficace, elle a le mérite d’être plus simple.
Outre les mouvements étudiants, cette rentrée comme tant d’autres, devraient être marqués de mouvements de grève au sein du secteur publique. Là encore une belle brochette de fainéants. Sans oublier ces salauds de pauvres qui ne trouvent rien de mieux à faire que de prendre en otage leurs patrons.
Une nouvelle insulte à la face de tous ces travailleurs qui chaque jour se lèvent et travaillent durement pour gagner de quoi vivre à peu près correctement, quand il ne s’agit pas de tout simplement survivre. Eux méritent leurs salaires. Eux ne perturbent pas le bon fonctionnement du monde. Eux sont exemplaires. D’ailleurs ils sont souvent bien plus exemplaires que leurs collègues. C’est pourquoi en cas de plan social ils ne risquent rien. Au besoin ils en font un peu plus, pour être bien vu, démontrer leur grande valeur. Avec un peu de chance, en courbant l’échine ça tombera sur le collègue. Et c’est tant pis pour eux.
C’est tant pis pour eux jusqu’au jour ou après des années de bons et loyaux services tout le monde se retrouve à la porte. Il fallait faire plaisir aux actionnaires. Augmenter un peu leurs dividendes. Booster un peu le cours de l’action. C’est injuste. C’est insupportable. Mais on ne les entendra généralement pas se plaindre. De toute façon à quoi bon ? Il est déjà trop tard. Résigné ce joli petit monde part rejoindre le banc des chômeurs. Certains ne retrouveront pas de travail et iront rejoindre les rangs des parasites. Réalisant que vivre aux crochets de l’état n’est pas vraiment un choix, réalisant que les parasites ne sont pas ces milliers d’individus qui bénéficient d’aides de la part de l’état mais bel et bien ces gens qui pour quelques dollars de plus sont prêt à sacrifier des vies humaines. Le rêve est fini et ils réalisent un peu tard que dans ce système on ne partage pas. On exploite ou se fait exploiter.
Heureusement il reste les fonctionnaires. On peut toujours leur taper dessus. Ca ne règle rien mais ça soulage. Eux qui passent leurs vies à battre le pavé, à défendre scrupuleusement leurs avantages eux qui ne soucient de rien si ce n’est de leur intérêt. Eux qui bénéficient par exemple de régimes de retraites outrageux aux regards des actifs du privé. Des cons en somme. Pourtant un peu de réflexion devrait pousser à s’interroger.
Et si ?
Et si les fonctionnaires étaient mieux parvenus à résister aux attaques que les travailleurs du secteur privé parce qu’ils étaient conscients de la puissance de l’action collective et par conséquent s’organisaient pour se défendre et se protéger ? Et si l’écart béant qui existaient entre les avantages de la fonction publique et les avantages du privé tenaient à leur capacité à défendre leurs intérêts ?
D’ailleurs comment douter de la puissance de l’action collective à la vue de leurs résultats ?
Et que dire de ces ouvriers qui montent au créneau lorsque leurs emplois sont menacés ? Ils n’obtiennent certes que rarement gain de cause mais s’en sortent toujours mieux que s’ils avaient décider d’opter pour la résignation. Trouvant ainsi une meilleure reconnaissance, préservant ainsi un peu de dignité. Leur action pousse la société à agir un peu plus humainement.
Ces salauds de pauvres qui oeuvrent ou oeuvraient dans des usines ont encore un sens de l’action collective. Une conscience de la force qu’ils représentent. Et à ce titre peuvent encore parvenir à limiter la casse. Plutôt que d’agir individuellement pour protéger leurs intérêts ils agissent collectivement pour protéger ces mêmes intérêts. Seuls ils ne peuvent rien, ensemble ils parviennent à exister.
Alors certes, à l’heure actuelle ces bras de fer se soldent par des actions plus ou moins violentes. Et personne ne peut s’en féliciter. Mais il faut comprendre que cette violence n’est qu’une réaction. Une réaction à la violence de notre société. Une violence sociale et économique qui détruit des vies au profit d’un peu de rentabilité.
Les véritables héros de notre époque ne sont pas ces inconnus superficiels s’exhibant sur nos écrans en l’échange d’un peu d’argent et d’un pseudo statut de célébrité mais bel et bien ces travailleurs qui agissent pour un peu de dignité en prenant en otage leur patron ou leur outil productif. Ces étudiants qui chaque année tentent d’éviter l’inévitable en bloquant leurs universités afin d’attirer l’attention sur leur situation. Ainsi que tout ces fonctionnaires qui descendent en masse pour protester contre des réformes qui leurs paraissent insupportable.
Tout ces gens qui tentent d’agir et de réagir face à l’évolution de ce monde qui exclut un peu plus.
Et il serait temps que l’ensemble des travailleurs leur emboîtent le pas. Tant qu’ils prennent conscience de leur condition. Et par travailleurs je n’entends pas les ouvriers, ou le prolétariat, mais l’ensemble des travailleurs. De l’ouvrier au cadre, en passant par le patron de PME. Et par condition j’entends notre statut de bien de consommation. Corvéable, malléable, remplaçable.
Temps de comprendre que nous recherchons tous la même chose. Une vie un peu plus agréable, un monde un peu plus juste et surtout de nouveau humain. Ronchonner dans son coin face au journal télévisé ne changera rien. Taper sur ceux qui ont le courage de défendre des idées, des idéaux et des envies n’est pas plus productif. Se réunir et agir ensemble pour rétablir la balance est la seule solution.
Temps de prendre conscience que nous sommes entièrement responsable de la situation qui est la nôtre aujourd’hui. Car en préférant le silence à l’expression de notre opinion nous laissons le champ libre à d’autres acteurs qui ne se gênent pas pour influer les décisions à leurs avantages.
Rien ne semble présager un avenir meilleur. L’ascenseur social est en panne, les inégalités se creusent les acquis sociaux reculent.
Dans ces conditions la naïveté ne serait pas de croire que l’action collective puissent changer les choses mais de s’imaginer qu’une place nous attend du bon côté de la barrière.