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Accueil du site > Tribune Libre > Auto entreprise : la nuit du 4 août ou la nuit des longs couteaux (...)

Auto entreprise : la nuit du 4 août ou la nuit des longs couteaux ?

La mascotte de l’auto entreprise en forme de spermatozoïde commence à défrayer la chronique et se mordre la queue. Son créateur ne devait pas penser que le concept serait si vite désigné du doigt. Un long chemin de croix commence.
 
La virulence avec laquelle l’auto entreprise apparaît dans l’actualité n’a d’égale que les louanges qu’elle a déroulé dans les plans communication. A sa naissance, quelques fous ont crié casse cou, mais dans l’indifférence générale.
 
Ce qu’on entendit dans la presse officielle se résume ainsi :
« Grâce à l’auto entreprise, l’esprit d’entreprise, qui est aussi l’esprit d’aventure, souffle de nouveau en France. Malgré la crise. Chômeurs, étudiants, salariés, retraités, hommes et femmes, jeunes ou moins jeunes, une nouvelle génération est née : la " génération auto entrepreneurs … Un phénomène de société ", comme l’a dit Nicolas Sarkozy ».
« La création du « régime de l’auto entrepreneur a révélé un fort engouement pour l’entrepreneuriat en France. Dans le sillage de sa création, un espace vierge a vu le jour. Cet espace se caractérise par une ébullition de besoins nouveaux, d’interactions et d’interrogations inédites, une multitude d’acteurs audacieux lancés dans des aventures souvent passionnantes ».
 
Ainsi, dans la France d’après 2007 après Jésus Christ, par la grâce du Président qui fait naître une nouvelle génération, l’esprit d’aventure peut s’épanouir dans un espace vierge, bouillonnant d’acteurs audacieux et de bonnes intentions. On se pique au tableau : une grande chevauchée dans des étendues sans fin, la liberté qui nait avec le libéralisme. Le soleil se lève au loin. Sur son cheval, John Ford prête sa pipe à Sarkozy. Matisse regarde le film.
 
Aujourd’hui, un peu plus d’un an après sa création (1er janvier 2009) 400 000 personnes ont fait le geste de l’inscription. Un tiers des créations d’entreprises nous dit-on. Encore faudrait-il déjà s’entendre sur le mot « entreprise ». 
Alors que le ministre créateur se félicite toujours et encore de son bébé, les premières alertes sérieuses sont mises au jour, qui mettent en avant les effets destructeurs de la formule.
 
On viendrait de s’apercevoir que sous la plage étaient les pavés.
Les critiques pleuvent :
 
> « sous ce statut avantageux, certains auto entrepreneurs dissimulent leur chiffre d’affaires », comme si l’on n’avait pas vu dès le départ que l’auto entrepreneur serait du travail au noir blanchi dont s’accommoderait le libéralisme pour faire accepter la dérèglementation !
 
> l’UPA, Union Professionnelle Artisanale, pour qui le régime est « profondément injuste...concurrence déloyale ... et solutions aventureuses » et se demande si elle ne va pas demander la suppression de ce statut.
 
> les URSSAF se plaignent,
 
> la caisse de retraite des professions libérales se plaint de l’arrivée massive des auto entrepreneurs qui viennent "plomber » son équilibre financier... ce à quoi Hervé Novelli répond que "le gouvernement n’exclut pas un ajustement du régime de compensation démographique", ce qui veut dire que par ce "mécanisme national de redistribution qui a pour vocation de réduire le poids de l’inégalité démographique », ce sont les caisses des salariés qui vont venir aider les auto-entrepreneurs ! Ubuesque !
 
> certaines PME proposent désormais à leurs nouveaux collaborateurs de travailler sous le statut d’auto-entrepreneur plutôt que de les embaucher. Ce salariat déguisé leur permet de ne pas payer de charges, de primes de précarité ou de congés.
 
On découvre enfin l’un des effets voulu par les concepteurs, qui revient à faire accepter cette formule : vous cherchez un travail ? Inscrivez vous auto entrepreneur et faites moi une facture... Il suffit d’aller sur l’internet pour s’en convaincre.
 
Les chiffres avancés par le gouvernement sur l’auto entreprise font aussi partie de la trousse à maquillage : en premier lieu mélanger les chiffres d’auto entreprises avec les « vraies » créations d’entreprise, c’est cacher le chiffre vrai des destructions et des faillites, qui n’a jamais été aussi important ; c’est aussi maquiller les chiffres du chômage réel.
 
Tout commence à être dit sur ce dispositif qui n’en finira pas d’être la forme honteuse, pensée et organisée de la précarité comme nouvelle donne morale et politique : licencier et sous traiter, avec en cadeau un code du travail qui n’existera plus. Cette accélération de la dégradation du salariat est une autre arme de contrôle sur lui, organisé en chaos pour enrichir les forts. C’est encore la démocratie en danger.
 
Pour se persuader du danger, il n’est qu’à prendre au mot le livre que notre secrétaire d’Etat NOVELLI va dédicacer, servi en promotion par le site du ministère, dont la Fédération des Auto-Entrepreneurs assure la publicité. C’est bien naturel, d’ailleurs, puisque c’est le secrétaire d’État qui lui mis le pied à l’étrier.
 
Vous avez lu les commentaires. Ils sont dignes d’intérêt : Hervé Novelli a crée le statut d’auto entrepreneur parce qu’il s’est aperçu que dans cette « société française fortement imprégnée de culture étatique, lorsque l’on offre de nouveaux espaces de liberté aux Français, ils s’en saisissent immédiatement, y compris dans le domaine économique.". Et d’ajouter : "Véritable manifeste libéral, "l’auto entrepreneur, la clé du succès" nous apprend beaucoup sur la personnalité du ministre. Que ce soit ses engagements de jeunesse pour la liberté, son parcours de chef d’entreprise ou sa critique de l’idéologie étatiste. ». On parle bien d’un ministre de la République, non ?
 
On y apprend la dernière nouvelle du jour, qui fait l’objet d’un chapitre : c’est la « Fin de la lutte des classes ». La négation de la lutte des classes ? Tiens, voilà qui rappelle quelque chose.
Cerise sur le gâteau, qui risque de donner d’autres aigreurs aux lecteurs s’ils ne sont pas préparés : un chapitre est intitulé « Une nouvelle nuit du 4 août ». Vous avez bien lu : toute honte bue, ce bon apôtre du libéralisme dur récupère la nuit du 4 août 1789  qui avait débouché sur une révolution fiscale fondée sur le principe de l’universalité de l’impôt. L’exigence d’égalité et de justice !
Il fallait le faire. Il l’a fait.
 
Étonnez-vous que sur de telles bases, le sérieux du concept d’auto entreprise n’en finira pas son chemin de croix, jusqu’à sa suppression.
Nuit du 4 août ou  nuit des longs couteaux ?
 

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15 réactions à cet article    


  • Raymond SAMUEL paconform 29 mars 2010 11:37

    Bonjour Monsieur JORNET,

    Vous êtes conseiller du salarié. A mon avis vous devriez lui conseiller de ne plus être salarié.
    Sauf erreur de ma part, le salariat est une forme d’esclavage.
    C’est la dépendance totale envers un employeur c’est à dire maintenant envers l’absence d’employeur. Passe encore en période de plein emploi où c’est l’employeur qui doit faire des ronds de jambe, mais nous ne sommes plus du tout dans ce cas de figure.
    Il y a de moins en moins d’emplois salariés et ça va continuer dans la France mondialisée.
    Sauve qui peut !


    • Raphael JORNET Raphael JORNET 29 mars 2010 14:25

      salut,paconform, !

      vous avez raison, point par point... malheureusement...
      merci à vous

    • finael finael 29 mars 2010 13:00

      @ paconform

      Je confirme que je connais des entreprises qui licencient leurs salariés pour les utiliser ensuite comme « auto-entrepreneurs », avec comme résultat des auto-entrepreneurs n’ayant qu’un seul client, un travail précaire et une baisse substantielle de leurs revenus. Sans compter la disparition des congés payés, de la protection sociale (à moins de s’adresser à des organismes privés fort coûteux.

      Même la revue l’entreprise met en garde contre ces dérives et la quasi-absence de revenus pour 60% des auto entrepreneurs.

      Avec un revenu mensuel net moyen de 775 €uros - au dessous du seuil de pauvreté, cela ressemble plus à un miroir aux alouettes et une opération de com.

      Et autre erreur : l’effectif des travailleurs salariés n’a cessé d’augmenter en France depuis 50 ans (avec, entre-autres - la disparition de la petite paysannerie et de l’artisanat.


      • 65beve 65beve 29 mars 2010 16:40


        Bonsoir,

        Novelli, c’est pas le ministre qui a pris une branlée aux dernière élections régionales ?

        cdlt
        bv


        • titi titi 29 mars 2010 17:00

          « comme si l’on n’avait pas vu dès le départ que l’auto entrepreneur serait du travail au noir blanchi »
          Turlututu.
          Le travail soit il n’est pas déclaré et il est noir, soit il est déclaré et il est blanc.
          En l’occurence si le statut auto entrepreneur a permis la déclaration de ne serait ce qu’un euro au noir alors c’est une bonne nouvelle puisque c’est autant de plus qui sera imposé.

          « Ce salariat déguisé leur permet de ne pas payer de charges, de primes de précarité ou de congés. »
          C’est que vous ignorez totalement le « délit de marchandage ». Les entreprises elles savent de quoi il s’agit. Aucune n’est prête à prendre le risque, qui les conduiraient à payer les factures puis à payer l’Ursaaf. Cessez de fantasmer.

          « chiffres d’auto entreprises avec les « vraies » créations d’entreprise »
          Vous m’interessez : c’est quoi une « vraie » entreprise ?

          ’cacher le chiffre vrai des destructions et des faillites’
          Quoi ?? Que vois je ? On reprends les arguments du MEDEF sur ce site ?
          Mais enfin. Vous savez bien qu’il n’y a pas de faillite : seulement des délocalisations de patrons-voyous-qui-ont-profité-des-aides-de-l-etat.


          • Eusèbe 29 mars 2010 21:38

            @titi..
            Aucune prête à prendre le risque, comme vous y allez...Hé bien les entreprises dans mon coin doivent passer du fantasme à la réalisation. Dans la boutique de ma compagne, une partie des salariés a été « passée » en auto entrepreneurs, sous la menace « c’est ça ou on ferme boutique ».
            Plus de congés payés, plus de d’heures sup, plus de 35h, bref plus vraiment de droit du travail.


          • PtitLudo PtitLudo 29 mars 2010 17:09

            Excepté pour les salariés voulant démarrer une autre activité en parallèle de leur travail (ce qui doit être loin d’être la majorité), ce statut est un leurre, une escroquerie, et sert principalement à manipuler les chiffres.


            • titi titi 29 mars 2010 17:44

              Je suis d’accord sur l’analyse, mais pas sur la conclusion.

              Aujourd’hui les salariés d’artisans BTP font tous du black.
              Les wébdézigneurs ont tous, au moins une fois, fait un projet le soir pour un pote une assoce ou je sais pas quoi.

              Ce n’est donc pas une escroquerie puisqu’elle comple un besoin.
              Par contre ce n’est pas le statut auto entrepreneur qui va créer de la demande dans les secteurs où il n’y en a pas. Ce statut ne peut apporter qq chose qu’au niveau d’une adéquation de l’offre : petits projets qui n’interessent pas les « vraies entreprises » (comme dirait l’auteur). Mais aussi services divers : paysagistes, aide à la personne etc...
              Or jusqu’à présent pour ce genre d’activité c’était recours au black obligatoire...

              Qui plus est ce statut n’a pas grand chose de nouveau dans la mesure ou existait déjà le régime « micro ». Il a simplifier les démarches et a rendu le statut plus lisible.
              C’est tout.
              Il ne révolutionne rien ni dans le sens affirmé par le gvt, ni dans le sens affirmé par l’auteur.


            • 65beve 65beve 29 mars 2010 19:19

              Bonsoir,

              Hier, je suis tombé par hasard sur la chaine LCP où ça débattait dur au sujet du statut de l’auto-entrepreneur.
              C’était assez surréaliste ; le président de la fédération des auto-entrepreneurs demandait au ministre Novelli de faire effectuer des controles sur les auto-entrepreneurs en donnant l’exemple des gens qui allaient nombreux (les licenciements aidant) se mettre à leur compte pour vendre sur les marchés et venir concurrencer les forains présents !
              Tous les artisans installés depuis longtemps vont souffrir de cette concurrence légale. Avant, la peur du controle freinait un peu le travail au noir.
               Ensuite, comme vous le dites dans votre article, la question des cotisations retraite a été posée et la réponse est venue ; pas de cotisation = pas de retraite ! A moins que la solidarité nationale.....

              Avec la défiscalisation des heures sup, le gouvernement avait déjà fait un grand pas vers la légalisation du travail au noir. La deuxième phase est en cours avec le statut de l’AE.
              Ensuite viendra le rabotage complet du droit du travail.
               Pas belle la vie ?

              cdlt
              bv


              • douce france 29 mars 2010 21:43

                ..quel rapport avec la nuit des long couteaux. ??????


                • bestof32 bestof32 29 mars 2010 21:47

                  je maintien et je reposte ici mon commentaire rédigé suite à l’article de février 2009 : ’L’auto-entrepreneur facteur de concurrence déloyal, privilège fiscal, gadget entrepreneurial’, commentaire qui m’a valu le prix citron (!) décerné par le dénommé Yohan...

                  Le rêve le plus fou de nos patrons en train de se réaliser : l’entreprise sans salarié.
                  Dans 20 ans il y aura 30 millions d’Auto-Entrepreneurs, Plus de charge, plus de congé, plus d’arrêt maladie, plus de grève, juste trente millions de sous-traitants qui se battront pour décrocher un contrat,
                  le travail allant au moins disant.
                  Le tiers monde est à nos portes.

                  Yohan ou es-tu ??




                  • Cap2006 30 mars 2010 07:57

                    Bonjour,

                    Il y a en fait deux réalités derrière ce statut...
                     1- l’autoentrepreneur, qui exerce une activité annexe, en le déclarant. Les cotisations sont équivalentes au statut micro entreprise, et n’ouvre droit à aucun droit à la retraite.
                     2- l’autoemployeur... qui cumul des petites activités pour survivre... et dans quelques cas probablement cède au chantage de la réalité économique.

                    Ce statut ouvre des droits sociaux... d’ou le grand succès avec aucun CA

                    Quant aux syndicats des artisans et des auto entrepreneurs... leurs positions tiennent de l’incohérence la plus ridicule... On ne peut vanter la libre entreprise et demander sans cesse une protection de leurs positions acquises à l’état... 


                    • PtitLudo PtitLudo 30 mars 2010 09:53

                      C’est souvent ainsi, de la même façon que les agriculteurs crachent sur les fonctionnaires mais sont sous perfusion permanentes de subventions publiques depuis des décennies ...


                    • Vilain petit canard Vilain petit canard 30 mars 2010 09:42

                      1. Ce statut sert avant tout à légaliser des revenus complémentaires à un revenu régulier qui auparavant passaient à l’as, en faisant sauter le verrou « tu gagnes rien, tu paies quand même ». Là, si tu gagnes rien, tu paies rien. C’est le seul avantage, et on a allégé le régime dans tous les sens du terme, il n’y a pas de cotisation chômage au menu.

                      2. les crétins de comunniquants du gouvernement se sont jeté là-dessus : la France des entrepreneurs relève la tête face aux pesanteurs de cette société vermoulue, vous allez tous devenir des capitaines d’industrie, l’enrichissement va couler à flots, puisque entreprise = liberté = fric qui dégouline partout, etc. A les entendre, le seul statut intéressant pour l« être humain, c’est l’auto-entreprise, ben voyons.

                      3. Un an après, seulement une petite moitié des AE déclare un revenu, et ceux qui déclarent, déclarent des cacahouètes, c’est normal, ce sont des revenus complémentaires : on est loin des dithyrambes ministériels. Mais c’est pas grave, on continue à bavasser sur la France qui gagne.

                      4. des patrons, connus pour leurs philanthropie, virent leurs salariés et leur proposent (imposent ?) de devenir auto-entrepreneurs, puisque »c’est mieux« , d’ailleurs le ministre le dit. Et puis »entrepreneur« , c’est »mieux« que salarié, comme »patron« , c’est »mieux« que »feignasse salariée syndiquée".

                      Ne riez pas, je l’ai entendu, et quand je cherche une activité complémentaire, même si en face on a la possibilité de me salarier, on me répond que naturellement, vous vous allez vous mettre auto-entrepeneur, çà nous coûtera moins cher.

                      Résultat : à partir d’une idée pas mal, une bande de crétins du gouvernement a objectivement fait la promo d’une méthode frauduleuse, qui fragilise les employés, vide les caisses de la Sécu, et en même temps, on a lessivé les équipes chargées de vérifier qu’on entube pas les salariés.

                      Victoire de l’idéologie et de l’incompétence sur toute la ligne.

                      Lire la suite ▼

                      • rocla (haddock) rocla (haddock) 31 mars 2010 16:38

                        Auto-entrepreneur c ’est bien , on peut entreprendre en auto ;

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