Autonomie des établissements scolaires : mythe et triste réalité

Beaucoup d'observateurs du monde de l'éducation le revendiquent : il faudrait rendre plus autonomes les établissements scolaires et donner par exemple à des chefs d'établissement le pouvoir de recruter leurs enseignants. Ce serait remettre en cause le système scolaire français centralisé et proche de ceux des ex-pays communistes d'Europe de l'est : nomination des profs par l'administration (rectorats et inspections académiques) en fonction des besoins à pourvoir, directeurs d'école et principaux de collèges réduits au rôle de courroie de transmission, interdiction de sélectionner le public, syndicats enseignants "maison" et associations de parents encadrées... tout cela n'est pas reluisant. Et pourtant il n'y a pas d'autres solutions, je vais vous le démontrer...
D'abord un constat : les enseignants sont les premiers à souffrir de ce carcan. Certes le traitement tombe tous les 28 du mois (en principe), chaque prof a l'assurance d'avoir un poste... sauf que. Que beaucoup d'affectations ne sont pas choisies, en région parisienne notamment. Qu'ils sont infantilisés par leur hiérarchie planquée dans les bureaux. Que ceux qui font du zèle n'ont rien à gagner. Du coup la remise en cause du fonctionnariat aurait de bons côtés : un chef d'établissement qui peut recruter ses profs, c'est aussi la liberté de postuler pour ses derniers, mais c'est là que le bât blesse.
Car il ne peut y avoir d'adéquation entre l'offre et la demande. Concrètement, permettre à un principal de collège de Clichy-sous-Bois (93) de recruter à sa guise des enseignants pour se constituer des équipes stables c'est bien, encore faut-il qu'il trouve des candidats à l'embauche ! Et que les embauchés restent en poste au moins une année... pas simple. La plupart des profs affectés en ZEP ne choisissent pas d'y aller... les raisons tout le monde les comprend. Il est difficile de reprocher aux enseignants de chercher à préserver leur santé physique et mentale... de plus n'oublions pas que 25% des élèves français sont scolarisés dans les académies de Paris-Créteil-Versailles ; une région francilienne jeune de ses quartiers HLM à forte démographie et à forte demande scolaire, où les logements privés sont chers pour un salaire de prof, comme pour le reste des salariés.
De plus les "chefs d'établissement" sont-ils volontaires pour devenir des DRH ? Non. Devenir responsable du recrutement serait une charge supplémentaire malvenue, avec les charges juridiques qui s'ensuivraient... il est déjà difficile de trouver des volontaires pour exercer la fonction de directeur d'école et de principal de collège. Ces postes sont exposés : comptes à rendre à une hiérarchie qui les soutient peu par carrièrisme, violences et intimidations dans certains secteurs...
Le problème est délicat. La plupart des profs débutants héritent des postes dont les "anciens" ne veulent pas, c'est ainsi dans toutes les professions. Mais s'il y a des endroits où il est devenu impossible d'enseigner, il faut essayer de comprendre pourquoi... le conformisme et la soumission à l'idéologie pédagogiste ont aggravé les conditions d'enseignement. Des syndicats aux ordres qui encadrent les profs et "recadrent" les rebelles qui se droitiseraient, des associations de parents d'élèves consuméristes et souvent liées aux partis politiques officiels, des élèves dont beaucoup sont en souffrance. Le résultat peut-être d'une trop grande centralisation - tradition jacobine oblige - dès la 3ème république.
L'idée fausse de "l'autonomie" scandée surtout par la classe politique de "droite" ne changerait rien, au contraire. Chaque année 10000 enseignants démissionnent de l'éducation nationale, des milliers dépriment... les cliniques de la MGEN fonctionnent à plein régime. Signe d'un pays qui va mal. Parents immatures et sans repères à transmettre à leur progéniture, enseignants infantilisés et enfermés dans un mur de Berlin sans issue, une société soumise et conformiste qui n'arrive pas à se réformer, manque de volonté de ses citoyens-consommateurs oblige...
Alors que faire me direz-vous ? Le modèle allemand avec son système régionnalisé et ses enseignants recrutés sous contrats, ses rythmes scolaires réfléchis et son organisation toute germanique où le respect est la règle parait attrayant. A noter qu'en Allemagne les directeurs d'établissement sont aussi chargés de classe et montrent l'exemple... mais les mentalités sont différentes chez nos voisins, tout est question d'histoire culturelle et d'habitudes sociales.
A vous maintenant amis internautes de citer des exemples de systèmes scolaires consensuels. Je concluerai par la question qui fâche : ce consensus serait-il possible en France où chacun sait critiquer le voisin à défaut d'agir ? Avant de changer l'école, changeons les mentalités...
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