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Accueil du site > Tribune Libre > Autopsie du sentiment amoureux

Autopsie du sentiment amoureux

Paris, capitale internationale des amoureux, même si cela se joue à une tête de gondole avec Venise et ses miasmes d’égout à ciel ouvert. Doisneau avait dû faire poser deux étudiants en théâtre pour obtenir son célèbre cliché, alors qu’il suffit de mitrailler modérément dans les rues de la ville pour fatalement capturer une preuve d’amour. Cela dit, il reste infiniment plus difficile de photographier l’amour que le sexe.

Le sexe, lui, s’étale partout, affiches de rue à connotations lourdingues et grasses, abords kiosquiers envahis d’accroches libidineuses au possible, allusions appuyées dans la presse, la télé, avec des débats de haute volée, faut-il baiser le premier soir ? ou des questions existentielles graves : Alors, Michel Rocard, est-ce que sucer, c’est tromper ? L’éducation sentimentale des ados du XXIe siècle se fait à coup de pornos, le vibro est un objet ludique et tendance qui a quitté l’intimité des boudoirs pour les vitrines de la mode chic et décomplexée et personne n’ignore que la verge européenne standard mesure 17,5 cm ou que l’Occidental moderne et sain ramone sa bourgeoise ou celle du voisin trois fois par semaine à raison de 14 à 18 minutes de coït vaillamment mené chaque fois, avec ou sans Viagra. Et tant pis pour tous ceux qui n’entrent pas dans la moyenne ! Ils feront semblant d’être comme les autres et enterreront leur honte et leurs pudeurs au fin fond de leur alcôve dérisoire et pathétique.
L’hypersexualisation de l’espace social investit notre vie privée, fait de nous des techniciens du sport en chambre et normalise nos pratiques intimes. L’orgasme se conjugue à l’impératif et l’injonction de la réussite sexuelle colonise nos imaginaires sensuels et amoureux, appauvrissant la palette des sentiments, la remplaçant par une simple mécanique des fluides, aliénante et triste. Les marchands de chair tiède font leur lit de nos pulsions canalisées et remettent le couvert quand nous nous ruons ensuite dans les centres commerciaux pour tenter de combler un vide et une frustration que nous ressentons profondément sans jamais pouvoir les nommer ou les identifier.

Le corps social contemporain est comme un ado attardé qui se focalise sur le touche-pipi et reste totalement ignare quant à la délicate question du sentiment amoureux. Il est dramatique d’être puceau à 40 ans, mais qui s’émeut de ceux qui traversent une existence humaine entière sans jamais avoir aimé ou avoir été aimés ? Qu’est-ce qu’une vie sans amour ? Qu’est-ce qu’une relation sans profondeur ?

Il n’y a ni mots ni objectif pour mettre en scène ou seulement évoquer la subtile alchimie du sentiment amoureux, celui qui lie les êtres avec plus de force et de persistance qu’aucun contrat ou qu’aucune imbrication forcenée des organes génitaux ne pourra jamais le faire. Le sentiment amoureux ne se raconte pas, il se vit, tout simplement. Parce qu’il est indicible, le sentiment amoureux ne se prête guère aux OPA médiatiques ou à la société du contrôle du comportement humain. Le sentiment amoureux est profondément subversif, il révolutionne l’existence de ceux qui le vivent, il s’affranchit des normes, des codes, des modes d’emploi, des caricatures et des réductions à l’emporte-pièce. C’est une fulgurance qui ravage tout sur son passage, qui fait crépiter les relais synaptiques comme une tempête de pop corn dans un champ de micro-ondes, c’est une évidence qui affole le rythme cardiaque, embrase les regards et embellit le monde entier. Qui pourrait décrire le cocon d’apesanteur qui isole les amoureux de la folle course du monde, le tunnel des regards qui s’accrochent dans une sublime vision sélective, la musique céleste des voix qui s’arrondissent et se fredonnent des banalités au creux d’une brume de cheveux ? L’espace intime du bien-être ensemble est la bulle d’univers en constante expansion dans laquelle les amoureux construisent d’autres possibles avec de petites briques de quotidienneté. Le sentiment amoureux se nourrit de bribes de l’autre, un souffle légèrement appuyé, un regard tendre, un rire qui soulage, un sourire immense qui envahit le monde et le rend subitement plus beau, des mots qui coulent et qui apaisent, des rires qui débordent et de l’incroyable certitude d’être enfin arrivé quelque part, d’être exactement où l’on doit être, d’être arrivé, là, chez soi, partout, et de pouvoir enfin poser ses valises.

Si le paroxysme du sentiment amoureux ajoute la fusion des chairs à celle des esprits, il n’y a pas dans la découverte sensuelle d’alter ego une part de cette course vaine à la jouissance à tout prix, à la performance brute et autosatisfaite. La rencontre des corps n’est alors que la matérialisation heureuse et partagée du plaisir intense de s’être enfin trouvés et reconnus. Il n’y a plus de maladresse dans l’exploration de l’autre, plus aucune valeur esthétique dans les gestes, les postures et les corps soudés, plus que l’ultime et intense danse de la vie, celle qui sublime le monde et les êtres et qui n’a d’autre dimension qu’un éternel présent.

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32 réactions à cet article    


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 24 août 2009 10:39

    j’ ai un sexe de 14 à 18 minutes de centimètres mesurant 17,4 secondes suis-je normal ?


    • tonton 24 août 2009 11:28

      un mec de 2m30 se bronze sur la plage

      son fiston lui demande : dis papa, je peux jouer avec ton sexe ?
      oui, mais ne t’éloigne pas ...

    • Senatus populusque (Courouve) Courouve 24 août 2009 10:46

      « Aimer sans foutre, c’est peu de chose,
      Foutre sans aimer, ce n’est rien. » LA FONTAINE


      • rocla (haddock) rocla (haddock) 24 août 2009 11:07

        Faut pas s’ en foutre quand on aime ,

        Faut aimer s’ en foutre oui , sans foutre non ...


        • Sandro Ferretti SANDRO 24 août 2009 11:12

          Je préfère le fameux « joint de culasse » de Noir Désir, qui me semble exprimer plus nettement ce qu’il faut penser de la « question ». :

          « J’t’ecris toujours
          Quand la menace
          Du fond de la cour
          Grimpe et me glace

          Regarde la-bas
          Du bout de mon doigt
          Si rien ne bouge
          Le ciel devient rouge

          Est-ce que je t’ai dis
          L’histoire de cet homme
          Qui voulut tout
          Des femmes, de l’opium

          Moralite
          Il est mort alite
          Tout passe, tout casse
          Le joint, le cul lasse

          J’te dis encore
          Que l’hiver est mort
          Rallonge tes tresses
          Planque tes fesses

          Quand les amoureux
          S’ramassent a la pelle
          Toutes les feuilles mortes
          Se marrent entre elles

          Et
          Il y’a des chances que rien n’bouge
          Il y’a des chances que rien n’bouge

          Ou elle va cet ombre ?
          Se perdre au loin
          Sur qu’un grand nombre
          N’y verra rien

          Mon petit feu
          J’t’embrasse sur les yeux
          Je quitte l’enveloppe
          J’t’aime plus qu’un peu

          Et il y’a des chances que rien n’bouge
          Il y’a des chances que rien n’bouge
          Des chances que rien n’bouge
           »


          • tonton 24 août 2009 11:21

            sentiment et sexe

            ben oui, on peut avoir l’un sans l’autre, l’autre sans l’un et puis aussi les 2 ensemble
            les 2, c’est le mieux, mais aucun n’est à jeter séparément
            pourquoi donc ?


            • Yannick Harrel Yannick Harrel 24 août 2009 14:23

              Bonjour,

              « Le sentiment amoureux ne se raconte pas, il se vit, tout simplement. »

              Je dirais surtout qu’il ne se quantifie pas, car c’est l’une des tares de notre société contemporaine comme le relatait avec sa vision sociale très acide Michel Houellebecq dans les Particules Elémentaires (à moins que ce ne soit Extension du domaine de la lutte ?). Depuis quand le bonheur est-il une affaire de calibrage quantitatif ? Est-ce que les performances sexuelles mesurées et chronométrées répondent-ils positivement à la satisfaction d’une plénitude atteinte ? Ne dit-on pas que lorsque l’on aime, on ne compte pas ? ^^

              Je sais qu’il existe même des sociétés de conseil en relations sentimentales avec des plans d’affaires ad hoc pour conquérir le coeur de son/sa bien-aimé(e) : ainsi de nos jours les sentiments n’échappent même plus au paradigme économique libéral !

              Merci à l’auteur pour son très beau et juste texte smiley

              Cordialement


              • Monolecte Monolecte 24 août 2009 14:46

                Merci d’avoir compris mon propos qui n’était pas de savoir si l’on peut baiser sans amour (ou aimer sans baiser), mais si la ringardisation de la sphère sentimentale n’était une surinvestisation marchande de la sexualité.

                La sexualité disséquée, chiffrée, analysée est normative et non pas libératrice, sorte d’achoppement de la société de consommation qui a justement besoin d’une grosse dose de frustration pour tourner à plein régime !

                Par contre, les gens qui vivent d’amour et d’eau fraîche, ça ne va pas participer à la Grance Relance Nationale... sauf peut-être pour Évian et Frigidaire


              • Monolecte Monolecte 24 août 2009 14:47

                Bon, fuyons les absolus et admettons le sentiment amoureux comme une forme de confiance et de bien-être partagé, avec des graduations diverses et variées. Le sexe n’est-il pas meilleur dans une relation de confiance que dans une étreinte dictée essentiellement par le rut et la nécessité ? Je n’affirme rien, je m’interroge. Parce que bon, du sexe sans un minimum d’intimité relationnelle, de chaleur humaine, est-ce que ça ne revient pas un peu à se masturber avec le corps de l’autre ?


                • tonton 24 août 2009 15:02

                  mais même la masturbation n’a rien de négatif, sauf que c’est mieux à 2 naturlich

                  y aurait pas un résidu d’éduc christo-machin subliminal derrière toutes ces questions ?
                  pour moi, t’es un peu compliquée, monolecte

                • Monolecte Monolecte 24 août 2009 15:16

                  Je n’ai rien contre la masturbation, c’est même la voie naturelle de l’exploration des corps, le sien pour commencer, les autres ensuite. Non, la tromperie ici réside dans le fait d’avoir l’air de partager un moment avec quelqu’un alors qu’en fait on utilise juste un sex toy vivant. C’est le côté manque de respect de l’autre qui me chiffonne un chouia.

                  Après, la pratique masturbatoire fait partie de l’acte sexuel, qu’elle soit réciproque ou autocentrée.


                • tonton 24 août 2009 16:00

                  ah, pour le respect, là je suis dac, c’est important

                  une façon de respecter, c’est de ne pas tricher ...
                  ne pas raconter des histoires à l’autre pour arriver à ses fins
                  si l’autre sait à quoi s’en tenir et y trouve son compte, c’est du win-win

                  à propos, tu me trouves comment ?


                • Monolecte Monolecte 24 août 2009 16:59

                  Je ne te connais pas, c’est difficile d’émettre une opinion... smiley


                • tonton 24 août 2009 18:13

                  je plaisantais


                  a +

                • Monolecte Monolecte 24 août 2009 20:05

                  À Léon : j’écris sous licence creative commons, ce qui signifie que vous êtes libre de reprendre mes textes à condition de ne pas déformer mes textes, de sourcer correctement le texte d’origine et de me prévenir si vous compter faire de l’argent avec.
                  C’est tout smiley


                • Monolecte Monolecte 24 août 2009 21:03

                  monolecte [at] gmail [point] com


                • rocla (haddock) rocla (haddock) 24 août 2009 19:42

                  Vaut mieux des toys pas trop secs smiley


                  • rocla (haddock) rocla (haddock) 24 août 2009 19:43

                    smiley au bout 


                    • herbe herbe 24 août 2009 20:06

                      J’extrais cette phrase de votre article qui convient très bien à mon approche perso du sujet.

                      Je propose cet autre article qui m’avait marqué également pour la justesse de ses propos :

                      http://www.peripheries.net/article228.html


                      • herbe herbe 24 août 2009 20:14

                        avec l’extrait c’est mieux :
                        "L’orgasme se conjugue à l’impératif et l’injonction de la réussite sexuelle colonise nos imaginaires sensuels et amoureux, appauvrissant la palette des sentiments, la remplaçant par une simple mécanique des fluides, aliénante et triste"


                      • Cosmic Dancer Cosmic Dancer 24 août 2009 20:44

                        Monolecte,

                        Vous êtes ma gauchiste préférée ;)
                        J’aime ce beau texte, j’y reviendrai peut-être.


                        • Monolecte Monolecte 24 août 2009 21:07

                          Je crois que le sentiment amoureux n’est ni de gauche, ni de droite, il transcende les partis (et les parties, aussi, un peu smiley )


                        • Cosmic Dancer Cosmic Dancer 24 août 2009 21:14

                           :)
                          Bien vu, Monolecte. Pour tout dire, il arrive que de tels sujets, traités avec autant de perspicacité et d’authenticité, me laissent bêtement coite et maladroitement admirative.


                        • Darius 25 août 2009 10:42

                          Bonjour, je cite un passage d’une de vos réponses :
                          « Parce que bon, du sexe sans un minimum d’intimité relationnelle, de chaleur humaine, est-ce que ça ne revient pas un peu à se masturber avec le corps de l’autre ? »

                          et ensuite Tonton reprend
                          « mais même la masturbation n’a rien de négatif, sauf que c’est mieux à 2 naturlich »

                          Justement même si on n’ose pas trop le dire par crainte d’être mal vu, il me semble que le plus souvent « faire l’amour » c’est se masturber par personne interposée, cela n’a rien à voir avec un manque de respect, un manque de tendresse, ni le fait de ne pas « faire les choses bien » au contraire !
                          Mais quand on fait l’amour, on « pense » forcément, on a en tête quelque chose, un désir, un souvenir, qu’on ose l’avouer ou non, le carburant psychologique des fantasmes est indispensable pour que le corps puisse finir par exulter et c’est justement cela qui fait l’humain, c’est qu’il est sophistiqué ... là où l’animal effectue juste quelques va et vient de rut grossier, et bien l’homme c’est compliqué, cela procède par fantasmes grâce auxquels il se masturbe, parfois assez longuement, même très longuement et le tout peut très bien s’effectuer dans l’harmonie, la tendresse, le désir et le plaisir partagé !
                          merci de votre attention

                          • Malaurie 25 août 2009 20:08

                            @ l’auteur

                            « Le sentiment amoureux ne se raconte pas, il se vit, tout simplement »
                            très beau texte
                            et en accord avec Yannick Harrel
                            « Je dirais surtout qu’il ne se quantifie pas »


                            • A. Nonyme A. Nonyme (Trash Titi) 25 août 2009 22:41

                              Je vais être d’une banalité mortelle, mais bravo pour cette belle analyse et ce joli texte. Je vais finir par jalouser vos qualités de rédaction.


                              • Gül 25 août 2009 22:56

                                Bah ! Oui ! Evidemment Bravo !

                                Les textes de Monolecte sont quasiment tous superbes ! De style, d honnêteté, de simplicité criante de verité. Il est temps de reconnaître ton (notre) impuissance face au talent peu égalé ! :- )

                                L amour n a pas de regles, il n est qu un ressenti plus ou moins intense, en general, TRES, intense...

                                Il n y a aucune maniere, ni aucune raison de le quantifier ou d en juger la qualite. Il EST, et c est tout, pour celui ou celle qui le ressent, le donne ou le recoit.

                                Envoyons donc paître vers de tres lointains pres, ceux qui voudraient (sous quel pretexte stupide oser une telle chose !?!) lui donner un aspect rationnel !

                                Ce serait briser le formidable mystere qu il est....

                                Monolecte, avec tout mon respect.


                              • Gazi BORAT 26 août 2009 09:32

                                @ L’AUTEUR

                                A propos du baiser, par lequel vous illustrez votre texte.

                                Une réflexion m’était venue, il y a quelques temps, sur une sorte de disparition du baiser passionné dans l’espace public. En gros, il me semblait apercevoir moins coramment qu’autrefois des couples, tels celui immortalisé par Doisneau, affichant avec ostentation leur passion dans la rue par cette pratique sexuelle.

                                Je me suis souvenu alors qu’adolescent, la censure cinématographique longtemps limita au baiser la représentation d’actes sexuels. Ainsi, ce moment, dans les films, était accompagné de force violons, de flous artistique parfois.. enfin bref, ces séquences se détachaient nettement du déroulement du film..

                                Durant mon adolescence, le baiser me sembla longtemps représenter l’acte le plus important de la relation amoureuse, parce que premier des préliminaires, et en raison de toutes les représentations cinématographiques qui magnifiaent cette pratique.

                                Sur le mode

                                « L’art imite la vie puis la vie imite l’art »..

                                .. Il me semble aujourd’hui que mes pratiques amoureuses étaient influencées par le septième art..

                                Aujourd’hui, ces scènes de « baiser holywoodiens » s’étant largement raréfiées dans les productions actuelles.. il me semble que la représentation de l’amour et de ses premiers gestes, par les débutants en la matière, a du suivre cette tendance..

                                Qu’en pensez-vous ?

                                gAZi bORAt


                                • Monolecte Monolecte 26 août 2009 11:17

                                  La disparition du baiser de cinéma va dans le sens de la ringardisation du sentiment amoureux, la ringardisation de la gentillesse (trop bon, trop con, dit-on !), la ringardisation de toutes ces valeurs dites féminines mais qui, selon moi, rendent l’ensemble de la condition humaine supportable. On revient effectivement à la vieille dycothomie des sexes, comme référence morale : le sexe fort, viril, porteur des valeurs agressives du vainqueur et le sexe faible, doux et perdant. Personnellement, je suis accro à la gentillesse, à la sincérité, à la loyauté, au respect de l’autre, à la confiance, toutes ces choses qui glissent en toi comme un baume et rendent l’existence plus douce. Un homme gentil n’est pas moins viril que le gros beauf suffisant qui claque les fesses à Ginette tout en reluquant celles de Simone. À mes yeux, il l’est probablement 100 fois plus, 100 plus attachant, 100 fois plus beau, 100 fois plus homme.

                                  Vive la ringardise : elle devient aujourd’hui la bannière de ralliement des résistants à la merdasserie généralisée !


                                • Gazi BORAT 27 août 2009 07:35

                                  @ MONOLECTE (tardivement)

                                  D’accord avec vous sur la « ringardisation » de la sexualité « non agressive ».

                                  J’aurais tendance à penser que cela est du au culte de la performance, à l’exaltation à la concurrence et à la généralisation du « tout, tout de suite », à la « culture des résultats ».

                                  Tout cela évoque Nicolas Sarkozy ?

                                  Non, je ne pense pas qu’un tel individu possède un charisme tel qu’il influencerait jusqu’aux pratiques amoureuses et sur leurs représentations cinématographiques et médiatiques. Il n’a pas installé ces « valeurs » mais était l’homme politique qui correspondait le mieux au « zeitgeist ».

                                  Tout cela me rappelle un voyage en Egypte de Flaubert. Il consommait énormément de prostituées locales.

                                  Un amoureux des Femmes ?

                                  Absolument pas ! Il ne faisait que s’étendre sur ses performances personnelles.. La description de ses partenaires était inexistante. J’ai lu des écrits intimes de Maupassant du même niveau. Il se répandait sur ses exploits de bordel..

                                  Quant au « sentiment amoureux » : je ne me suis jamais questionné sur celui-ci..

                                  Longtemps, pour moi, un tel concept m’évoquait immédiatement « l’amour-passion », spectaculaire mais destructeur et ces sortes de fusion que l’on peut observer chez certains couples ou cet état à la limite psychotique ressenti à l’adolescence lorsqu’une fille pouvait occuper mes pensées jusqu’à l’obsession.

                                  En un mot : le « sentiment amoureux » rimait pour moi avec « aliénation ».

                                  Puis, un jour, une installation en couple, qui s’est mis à durer.. avec au début, bien évidemment, des tentations extérieures çà et là. Pas de réflexion de part et d’autre sur la situation ou sa probable évolution, pas d’extrapolation sur l’avenir, aucun contrat mis en place, légal ou autre mis en place..
                                   
                                  Pas de progéniture pour cimenter cette union et pas de pression social pour le maintien de ce « statu quo ».

                                  Pas de « passion » .. mais aucun ennui ressenti, une libido qui se maintient, et ceci depuis plus de vingt cinq ans.

                                  Un sentiment amoureux entre deux êtres ? Une sorte d’association non formalisée ? Un bonheur tranquille ? Je n’en sais rien.

                                  La seule chose dont je sois sûr, c’est que je ne souhaiterais pas être adolescent en 2009..

                                  GB


                                • Monolecte Monolecte 26 août 2009 11:20

                                  La principale grande difficulté de l’amour, c’est la réciprocité. Tomber amoureux, c’est bien beau, mais rien ne garantit que l’objet du sentiment amoureux appréciera cette attention particulière et la ressentira à son tour. Le sentiment amoureux est difficile à vivre à cause de la grande insécurité affective dont il s’accompagne. On peut être foudroyé par quelqu’un que l’on laisse de marbre, mais, un peu comme le chat de Schrödinger (qui, en plus, bien échaudé, craint l’eau froide !), tant qu’on n’a pas déclaré sa flamme, on vit dans l’incertitude la plus complète, à collectionner les signes et les vides et à se demander s’ils sont significatifs ou seulement la projection de nos désirs dans une réalité qui nous échappe.

                                  Donc, oui, bien sûr, il faudrait toujours annoncer la couleur pour être fixé, mais ça revient un peu à se jeter du haut d’une falaise à poil et sans élastique : absolue ivresse de l’envol au départ et claquement mat de ta tronche qui explose sur les caillasses à l’arrivée. Faut du bide pour se jeter dans le vide et nous n’avons pas tous des vocations à ouvrir des annexes de Jardiland avec notre collection de râteaux. Car le râteau fait aussi partie de la vie amoureuse et un sale râteau dans la gueule nous enseigne qu’on devrait apprendre à tomber amoureux de gens plus intelligents et sensibles, capables d’éconduire gentiment celui ou celle qui n’a pourtant pas choisi de se fourrer dans un tel traquenard.

                                  Alors du coup, oui, pour éviter de se faire écorcher vif à chaque mauvaise connexion, on préfère ne choisir que des partenaires auxquels on ne risque pas de s’attacher, que des gens dont on n’en a rien cirer de savoir s’ils vous apprécient au non, des petites saillies faciles et sans lendemain, sans surprises, sans souffrances et sans promesses non plus. On vit alors un peu à l’économie, on blinde notre épiderme de bébé derrière une armure de porc épic, on est un peu comme ce voyageur qui traverse tous les pays en ne bouffant qu’au Mac-Do : la bouffe est standard, on n’est jamais surpris, ni en bien, ni en mal, on sait ce qu’on bouffera, on évite de penser aux expériences gustatives que l’on rate forcément et qui, bonnes ou mauvaise, auraient mis du relief à notre parcours et puis, tout doucement, on oublie qu’on avait un palais et qu’on savait apprécier les bonnes choses...


                                  • Proudhon Proudhon 31 août 2009 20:26

                                    @Monolect

                                    Je voulais justement aborder cet aspect de l’amour qui est me semble-t-il le plus triste. Vous dites :
                                    "La principale grande difficulté de l’amour, c’est la réciprocité. Tomber amoureux, c’est bien beau, mais rien ne garantit que l’objet du sentiment amoureux appréciera cette attention particulière et la ressentira à son tour. Le sentiment amoureux est difficile à vivre à cause de la grande insécurité affective dont il s’accompagne."

                                    Et oui, la réciprocité amoureuse. Quelle tristesse d’aimer quelqu’un très fort et s’apercevoir ensuite que le sentiment n’est pas partagé. On donnerait sa vie pour cette entité et elle ne nous calcule pas, on est transparent ... Quelle tristesse, quel désespoir.

                                    Quand à l’aspect sexuel du sentiment amoureux. Je reconnais sincèrement (même si j’aime faire l’amour) que cela fausse les rapports. Quel plus bel amour que celui que nous avons enfant pour l’entité qui retient toute notre attention, toutes nos pensées. Le Pur Amour, platonique mais vrai, réel venant du coeur, de l’âme, de l’esprit pas du sexe.

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