Autour de l’islam de France
Ainsi a été créée une Fondation de l’islam de France ayant pour Président M. Jean-Pierre Chevènement, sans doute une des plus estimables personnalités du monde politique français, mais dont on voit mal la désignation à la tête d’une institution cultuelle concernant une religion avec laquelle il ne possède aucune affinité basilaire. De toute évidence cette nomination montre que la France - du moins celle des gouvernants -, qui a vécu plus d’un siècle au contact direct de l’islam pour causes de colonisation, n’a rien compris au monde musulman. Car placer « un islam de France » sous contrôle, fût-ce celui d’une main gantée de velours, ne peut que générer des effets contraires à ceux souhaités.
Le but de cette Fondation créée dans l’urgence causée par la menace du terrorisme islamique est grosso modo, par-delà la promotion de « projets à caractère culturel, social ou éducatif", avant tout de couper l’islam en train de se répandre en France de ses racines arabes, autrement dit des pays du Maghreb d’où provient majoritairement la population musulmane établie dans le pays. Il s’agit donc de mettre d’une part un terme aux financements provenant du monde arabe, en particulier d’Arabie saoudite et du Qatar, et d’autre part de remplacer les imams de cette même provenance par des imams de « formation profane » réalisée en territoire français. Cependant, réduire la problématique de l’islam en France à ces simples questions de contingence administrative est un symptôme de la négligence ou du manque d’intérêt des pouvoirs publics au problème fondamental que pose l’immigration : l’intégration. Du reste, l’imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, qui jouit d’une réputation médiatique des plus favorables puisqu’elle le situe dans les rangs des « islamistes modérés » (sic), a balayé d’un revers de la main la question des financements arabes en objectant que ceux-ci, quand il s’agit des « clubs de football » ne créent aucun état d’âme… En vérité, en venant en France, les immigrés en provenance des autres continents ne manifestent aucun intérêt ni pour la langue, ni pour la culture ou la civilisation françaises. Tout ce qui les intéresse est de se créer une place au soleil en exploitant les possibilités que peuvent offrir les institutions d’un pays d’accueil sensible aux questions humanitaires. Quant aux immigrés musulmans, ils débarquent en Europe avec un sorte de sentiment de missionnaire chargé d’une œuvre de prosélytisme, parce que convaincus que l’islam est la seule vraie religion, qu’il est de leur devoir de propager en tentant de convertir des individus qui se trouvent à leur portée. Ce en quoi il faut porter à leur crédit les quelques milliers de jeunes Français islamisés, fanatisés et dont plusieurs centaines se trouvent en Syrie ou en Irak, où ils se sont enrôlés dans les rangs de l’Etat islamique. Il est évident qu’il s’agit là du résultat funeste d’une effrayante carence de gouvernance aux sommets de l’Etat français. Et ceci est d’autant plus regrettable que la France, mère du rationalisme par Descartes, des Droits de l’Homme par la Révolution, l’est aussi de la laïcité par une fameuse loi de 1905… Il est impensable que les acquis de celle-ci puissent être remis en question par un islam de France qui n’existe pas parce que l’islam en France n’est qu’un avatar consécutif à la colonisation, mais surtout à l’immigration massive qui a suivi la décolonisation.
En vérité le problème découle du mépris, conscient ou inconscient, des colonisateurs à l’endroit des colonisés souvent retenus êtres de race et de civilisation inférieures. Mépris qui a perduré jusqu’à nos jours et auquel nous devons le « droit d’ingérence » avec le chaos consécutif en Libye, en Syrie, en Irak…
Et le mépris a fait perdre de vue au monde politique en général et aux gouvernants en particulier que les Arabes avaient brillé par l’esprit en ces siècles obscurs que fut le Moyen Age pour les Européens. Rares sont ceux qui se souviennent que les philosophes grecs, Platon, Aristote, Epicure ou Ptolémée, etc., furent exhumés d’un millénaire d’oubli par un certain Al Farabi à peine connu dans le club restreint des philosophes européens. Et pourtant la philosophie péripatéticienne qui avait été relancée par les penseurs arabes du 10ème au 13ème siècle avait trouvé en Ibn Sinna (Avicenne) et surtout Ibn Rushd (Averroès) les esprits qui allaient imprégner la pensée des théologiens des trois religions célestes. Tant et si bien que des philosophes contemporains, Maurice-Ruben Hayoun et Alain de Libera, qui lui ont consacré un ouvrage ont suggéré que « l’on peut légitimement considérer Ibn Rushd comme un des pères spirituels de l’Europe ».
C’est qu’Averroès, édité en arabe, en hébreu et en latin, avait marqué son temps et tout le Moyen Age, du fait qu'il avait généré une pléiade de disciples, juifs tels que Maïmonide, Albalag ou Moïse de Narbonne et chrétiens, dont Albert Le Grand ou Thomas d'Aquin. Tous ces philosophes qui avaient adhéré à ses thèses qui furent enseignées à la Sorbonne jusqu'en 1270, date de l'interdiction de leur enseignement décrété par Etienne Tempier, évêque de Paris, qui avait fini par les retenir « erreurs exécrables », sans doute parce que la « double vérité », concept que le philosophe de Cordoue avait inventé pour faire avancer ses spéculations en tentant de concilier « la vérité prophétique avec la vérité philosophique » tendait à faire prendre le pas à celle-ci sur celle-là. Or aujourd'hui ce genre de discours semble exclu et les « philosophes » qui occupent les plateaux de télévision semblent n'avoir rien à démontrer - alors que les choses ont sérieusement évolué depuis le temps d'Averroès - et sont réduits au rôle de ce que celui-ci qualifiait d’ « hommes d’exhortation ». Ils sont incapables de lancer la réforme qui s'impose pour adapter la religion à leur époque.et de rejeter les dogmes surannés que le salafisme, le wahabisme et autres Frères musulmans imposent aux masses le plus souvent incultes auxquelles il est aisé d'inculquer les croyances les plus saugrenues - et hélas même les plus dangereuses. Il est aberrant, qu’en dépit des avancées de la science qui remettent en question de la manière la plus indiscutable des théories contenues dans la Bible et le Coran et qui inscrivent donc ces livres en faux, les théologiens chargés d’en préserver la sacralité continuent de jurer que ces écritures ne contiennent que la Vérité, rien que la Vérité, parce qu’elles sont la parole de Dieu…
Or nous savons aujourd’hui par exemple, grâce aux travaux des archéologues qui fouillent les sols égyptiens et palestiniens depuis plus d’un siècle, que, ainsi que l’écrit l’égyptologue Rolf Kraus dans son livre Moïse le pharaon « il ne peut plus y avoir de doute pour les historiens : il n’y a pas eu de séjour des Fils d’Israël en Égypte ; pas plus que les Israélites n’en sont sortis, qu’ils n’ont conquis par les armes les pays de Canaan, et ce que la Bible raconte à ce sujet a été inventé du début à la fin ».
Ainsi, l'islam de France se doit d'être un courant de réflexion, fondé sur les spéculations philosophiques, lesquelles ne peuvent aujourd’hui être alimentées que par les faits scientifiques irréfutables établis par des moyens dont ne disposaient ni Aristote ni Averroès ni Descartes… Les télescopes Hubble et Kepler, et les sondes spatiales lancés à la découverte de cet « univers en éternelle expansion » dont parlait déjà Averroès en ce lointain 12ème siècle, remettent en question de façon catégorique la vérité prophétique que certains théologiens exaltent en brandissant le Coran pour amener des esprits malléables à croire qu’il faille emprunter la voie du djihad pour gagner delle du Paradis.
Mokhtar Sakhri
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