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Aux confins des sexualités normales et pathologiques

Article en lien avec la "théorie du genre à l'école", proposé dans les manuels scolaires par le Ministre de l'Éducation Nationale (disponible au format pdf ici).

Comment définir les limites entre une sexualité normale et les pathologies sexuelles ?

Peut-t-on réduire les perversions sexuelles aux seules considérations morales ou culturelles ?

Les connaissances scientifiques actuelles permettent-elles d’affirmer où se trouve la frontière entre la normalité et la pathologie ?

Freud tente d'apporter des réponses à ces questions dans ses « trois essais sur la théorie de la sexualité », écrit une première fois en 1905. Au fur et à mesure de ses découvertes, il fut conduit à apporter des modifications importantes à son texte original, remanié en 1910, 1915, 1920, 22 et 24.

Dans les 20 premières pages de son livre, Freud pose l'hypothèse de la pulsion sexuelle et son caractère endo­gène, sans dénier toutefois les pressions que peuvent exercer sur cette pulsion les facteurs exogènes (les objets sexuels et l'attrait qu'ils exercent sur les individus).

La culture, la morale, l’étique, et la loi.

Le discours médiatique actuel cherche à développer (depuis les années 70) des arguments qui pourraient définir, d'une autre façon que l'a proposé Freud, une sexualité "normale". Les considérations morales ou cultu­relles avancées par ces argumentations ne me semblent pas très satisfaisantes pour définir les frontières entre les sexualités normales et pathologiques. Le postulat de la valeur "universelle" (scientifique ?) d'une morale au dessus de toutes les autres ne pouvant pas, à mon humble avis, être posé, il convient de chercher des réponses ailleurs...

Chez les philosophes on parlera d’étique, tandis que du point de vue de la loi les pratiques sexuelles définies comme étant « déviantes » seront qualifiées en délits ou crimes. Le législateur étant élu par le peuple, on peut dire que les « déviances » sexuelles ainsi définies sont le reflet du consensus social… vox populi … donc culturelles et morales. Ceci étant, les tribunaux appliqueront les sanc­tions prévues au code pénal.

Pour éviter toute ambigüité, il convient de préciser que ces considérations morales et juridiques n’apportent aucune réponse à la question des limites entre les sexualités normales et pathologique. Vox populi n’a jamais eu de valeur scientifique, pas plus que vox Dei ! Quand le peuple affirmait que la terre était le centre du monde, plate de surcroit, et que le soleil tournait autour, cela ne changea en rien la forme sphérique de la terre, ni sa trajectoire autour du soleil.

Facteurs psychiques, pulsionnels, et névrotiques.

Freud définit la nature de la sexualité selon un objet (hom­me, femme, ...) et un but (pulsion de vie).

Après une étude sur les « déviations se rapportant à l’objet sexuel », Freud évoque les « déviations se rappor­tant au but sexuel ». Il serait plus judi­cieux de parler du but de la pulsion sexuelle, plutôt que du but sexuel. En effet, pour le commun des mortels le but sexuel n'est pas la procréation, et il se réduit à la seule obtention du plaisir et de la jouissance. La définition des perversions ne pour­rait alors dans ce cas qu'être réduite à des considérations morales ou culturelles, qui fixeraient arbitrairement (ou par décret) les bonnes et mauvaises façons d'obtenir ce plaisir et cette jouissance.

Ce n’est qu’au chapitre 3 que Freud aborde véritablement les « perversions » : facteurs psychiques, pulsionnels, né­vrotiques, prédominance de la sexualité perverse dans les psychonévroses, et introduction du caractère infantile de la sexualité.

La sexualité infantile est ensuite développée dans la seconde partie de son livre, fondement de sa théorie psychanalytique des névroses. C’est en cela que cet ouvrage de Freud est incontournable. Les courants psychanalytiques post-freudiens qui voudraient dénier ce point sont dans une impasse, voir une imposture.

Ce qui est sûr, c'est qu'en relisant ce livre de Freud on ne peut avoir aucun doute sur ce qui définit aujourd'hui encore, du point de vue pathologique, le caractère socio­pathe des pédophiles. Et c’est à juste titre que la loi considère que cette pathologie est "criminelle". La con­naissance approfondie de cette pathologie nous apprend, malheureusement, qu'elle échappe à toutes possibilités de traitements autres que la castration (chimique ou physique). Celle-ci est d'ailleurs demandée par certains pédophiles, conscients de leur addiction et torturés par des sentiments de culpabilité.

Cela dit, la sexualité ne se réduit certainement pas au modèle binaire du bien et du mal, dans lequel il y aurait deux types de pratique, l'une bonne (normale), et l'autre mauvaise (perverse).

Peut-on conclure sur une normalité sexuelle ?

Sans tomber dans le piège d'une classification qui se pré­tendrait formelle et exhaustive, en considérant par ailleurs deux autres facteurs ̶ l’addiction et l’exclusivité ̶ on peut proposer 4 types de pratiques sexuelles :

1. Sexualité normale (qui reste à préciser : buts, objets, autres...)

2. sexualité déviante, mais non perverse (non addictive ni exclusive)

3. sexualité perverse (pathologique, addictive, exclusive, mais non criminelle)

4. sexualité criminelle (pédophilie, inceste, viol, ...)

Ainsi, l’addiction à des pratiques déviantes marquerait la limite qui indique l’entrée dans une sexualité pathologique, à la condition supplémentaire que cette pratique soit exclusive (perversion et pathos).

Concernant la sexualité criminelle (4), nul doute que les frontières seront définies par les considérations morales et culturelles (étiques pour les philosophes, juridiques et pénales du point de vue de la loi).

En revanche, on est en droit de rechercher des arguments "scientifiques" (psychiques et/ou biologiques) pour pré­ciser les frontières entre les types 1, 2, et 3. (Concernant l’homosexualité, Lacan considérait l’aversion totale pour le sexe opposé comme symptomatique et pathologique).

Il est à noter que la sexualité du type "criminelle" (4) appartient géné­ralement à l'un ou l'autre des types 2 ou 3. Par exemple, une mère et son fils qui auraient des rela­tions sexuelles incestueuses relève du type 2, tandis que la morale et la justice les placent dans le registre criminel  : la loi pose l'interdit de l'inceste. Autre exemple : Un ecclé­siastique pédophile récidiviste (sexualité criminelle) relève du type 3 (exclusivité et addiction).

L'un des avantages de cette façon de différencier les types de sexualités, est justement de permettre une distinction entre les comportements criminels pathologiques (type 3) et non pathologiques (type 2). Ainsi, ce clivage est un moyen d’évaluer les criminels sexuels en vue d'adapter la manière de les traiter : Condamnation, emprisonnement, nature et type de soins s'il y a lieu.


Texte original de Freud (les 20 premières pages seulement) :

« Trois essais sur la théorie de la sexualité »


Moyenne des avis sur cet article :  4.43/5   (7 votes)




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10 réactions à cet article    


  • Francis, agnotologue JL 3 septembre 2011 10:10

    Bonjour Loup Rebel,

    c’est intéressant, et j’aimerais faire quelques observations.

    Tout d’abord, il me semble qu’on ne doit pas séparer les pratiques sexuelles de la personnalité. En effet, deux personnes peuvent avoir les mêmes pratiques sexuelles et ne pas les assumer de la même façon : le meilleur exemple en est, je pense l’homosexualité.

    L’autre remarque, au sujet de la pédophilie : ce n’est pas parce que c’est une pathologie qu’elle est criminelle, c’est parce qu’elle est criminelle qu’elle est rejetée par la société. La pédophilie est criminelle pour les dégâts qu’elle provoque chez les victimes ; comme un viol aggravé par le fait de la personnalité de l’enfant. Et la personne qui s’y livre est, ou criminelle ou malade. Le pb avec les pervers c’est qu’ils réfutent et la prison et l’HP : « ni coupables ni malades ».

    Le troisième point : vous citez l’inceste dans la sexualité criminelle : de fait, il y a inceste et inceste (cf. Œdipe). L’inceste sur enfant n’est en réalité qu’un crime pédophile aggravé : un viol aggravé au carré !.



    • Kookaburra Kookaburra 3 septembre 2011 15:49

      « Peut-t-on réduire les perversions sexuelles aux seules considérations morales ou culturelles ? » 
       J’aimerais retourner la question : peut on exclure des considérations morales et culturelles ? J’apprécie votre article, mais il me semble que vous tournez autour de la question de l’homosexualité sans l’aborder. Ce qui est compréhesible ! Peut-on, aujourd’hui, parler de l’homosexualité sans être aussitôt accusé d’homophobie ? C’est un sujet tabou. La notion de « normale » devrait être discuter. Diriez-vous que l’homosexualité est « normale » ?. Est-ce que « normale » ici veut dire « naturel » ? Prenons un autre exemple : la calvité, est-elle « normale » ? Naturelle certes, mais la normalité serait d’avoir des cheveux.


      • Loup Rebel Loup Rebel 3 septembre 2011 16:24

        Merci pour votre intervention, et vos questions.
        C’est votre tribune libre « La théorie du genre » qui m’a décidé à proposer mon article.
        Je n’affirme rien, j’ai juste cherché à ouvrir une réflexion publique sur ce sujet qui semble animer les médias en ce moment (affaire DSK, propos de Luc Chatel, ... ??).
        Je dirais que l’iceberg se retourne constamment, au grès de ce qui agite l’actualité. La partie visible change donc en permanence.
        Définir le « normal » par rapport au « naturel » abouti le plus souvent sur une planche savonneuse : La nature n’est ni « normale », ni autre chose. La nature « EST », ni plus ni moins.
        Cordialement


      • Kookaburra Kookaburra 3 septembre 2011 15:59

        « Calvitie » bien sûr, excusez-moi


        • Kookaburra Kookaburra 3 septembre 2011 16:12

          Je vais oser encore une remarque sur ce sujet périlleux :
          Quant à acceptation politique de homosexualité, elle a vu une évolution étonnante : A la pénalisation ancienne, confirmée par de Gaulle en 1960, soppose lémancipation des années 70, confirmée par Mitterand en 1981, et lactuelle revendication de sa totale normalité, reniant ainsi la normalité biologique de la différenciation sexuée. Cette quête désespérée de normalité se traduit désormais par la stigmatisation de «  homophobe  », mot utilisé comme arme redoutable contre toute mise en question. La situation s’est en effet complètement retournée : ce ne sont plus les homos qui sont malades mais les hétéros qui persistent a avoir quelques réserves sur la « normalité d’homosexualité. Mais cette quête de normalité est compréhensible, car la validité de toutes leurs revendications en dépend : si lhomosexualité est aussi normale que lhétérosexualité, la revendication dune totale indifférenciation serait justifiée. Mais il faudrait bien définir ce que l’on comprend pas »normale« , puisque toute mise en question entraine aussitôt la condamnation d’homophobie. On pourrait commencer par se poser la question si l’on considère aussi souaitable que ses propres enfants soit homosexuels que hétérosexuels. Aujourd’hui il est généralement admis que les homos aient les mêmes droits que les hétéros. Toutefois, en ce qui concerne le mariage et l’adoption d’autres considérations entrent en jeu. D’aucuns pensent que le mot »mariage" devrait être réservé à l’union entre homme et femme. L’union identique entre homos pourrait porter un autre nom.


          • Loup Rebel Loup Rebel 3 septembre 2011 17:13

            Si le sujet de l’homosexualité est abordé, je propose de parler plutôt DES homosexualités. Mieux encore, parlons des « pratiques sexuelles », parmi lesquelles existent des pratiques réputées homosexuelles, d’autres hétérosexuelles, zoophiles, pédophiles, etc... Ce qui revient à associer la pratique sexuelle à l’objet sexuel. C’est la vision Freudienne, d’une sexualité qui se définit par rapport à un objet (et un but).
            Ensuite, il faut aborder la question des « aversions » : aversion pour le sexe opposé, pour le sexe du même genre que celui auquel on appartient, etc...
            Oui, il y a des hétérosexuels homophobes, tout comme il y a des homosexuels hétérophobes.
            Le piège ici, est de considérer ces phobies comme des transgressions morales (racisme, sexisme), alors que la phobie doit s’envisager comme une pathologie : une angoisse irrationnelle, névrotique, reflet d’un épisode non résolu de la vie du phobique.
            C’est ce qui a conduit Lacan a dire que la phobie du sexe opposé constitue le « symptôme » qui marque la limite entre le normal et le pathologique chez un(e) homosexuel(le).
            Dans ses « fondements de la métaphysique des mœurs », Kant voit les choses sous un angle différents. On peut en discuter.


          • Kalki Kalki 3 septembre 2011 20:02

            Non, l’humain est liquidé, la sexualité également

            alors là tout vos livres, votre verbiage ne vous sert plus à rien


          • Kookaburra Kookaburra 4 septembre 2011 11:14

            Je suis tout à fait d’accord avec vous, mais c’est l’apect socio-politco-philosophique qui m’intéresse le plus. J’ajoute seulement que le mot « homophobe » dans l’usage courant aujourd’hui, n’a rien à faire avec la peur (la phobie). C’est un abus, bien entendu, mais c’est ainsi. « Homophobe » veut dire desormais « haine des homos », tout comme « islamophobe », mot inventé par Khomeni, veut dire « haine des musulmans ». Ces mots sont devenus des armes idéologiques. Malheureusement, le sujet ne semble intéresser personne. Ou serait-ils la peur de se mouiller ? La phobie ? Dommage que des articles intéressants comme le vôtre passent sans réactions. C’est qu’il y a trop d’articles chaque jour. Je trouve aussi inadmissible que tant d’articles d’autres publications sont acceptés pour publication dans Agoravox. Mais je divague.

            Cordialement


            • Loup Rebel Loup Rebel 4 septembre 2011 12:16

              Oui, c’est malheureusement un des effets pervers de l’AGORA... mais si l’agora disparait, la parole devient une « langue morte ». N’est-ce pas ce qui est arrivé dans la Grèce antique ?
              Dès l’instant où l’on permet (et favorise) la liberté d’expression, on s’expose à des détournements du sens des mots (Lacan aurait dit : détournement du signifiant).
              Humour : on pourrait écrire un article sur l’agoraphobie...
              Mais si on y réfléchi bien, dans l’amalgame islam-terrorisme, la peur de l’islam est incluse = islam(o)phobie.
              Khomeni a sciemment détourné le sens de ce mot, tout comme le fond les défenseurs de la « cause » homosexuelle (avec tout l’appui des médias, experts en détournement de sens et en mauvaise foi !!).
              Cordialement

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