• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Aux sources de la Constitution de 1958 : Jacques Bardoux

Aux sources de la Constitution de 1958 : Jacques Bardoux

Comme nous l’avons vu, en 1933 - et alors que son petit-fils, Valéry Giscard d’Estaing, n’avait encore que sept ans -, Jacques Bardoux était prêt à utiliser la manière forte pour bouleverser le schéma institutionnel de la France. Il lui aura manqué - et cela se trouve au cœur de l’échec des émeutes du 6 février 1934 - la complicité active d’André Tardieu.

Mais si cet activisme a très vite rencontré ses limites, Jacques Bardoux n’en a pas moins été, sur le plan historique, la véritable cheville ouvrière, au sein de la grande bourgeoisie française, de ce processus de longue haleine qui devait conduire, un quart de siècle plus tard, à l’adoption de la Constitution de la Cinquième République. Que son petit-fils ait pu en devenir président est, en quelque sorte, un juste retour des choses… Rendons à la grande bourgeoisie ce qui est à la grande bourgeoisie…

Et si, aujourd’hui, sa branche française tend à s’européaniser et même à se mondialiser au détriment du peuple français, ce n’est certes pas un hasard… Refusé en 2005 par le suffrage universel, le traité constitutionnel européen mis au point par le petit-fils de Jacques Bardoux n’a pas longtemps fait défaut aux grands intérêts… Ainsi les temps ont-ils bien changé : non seulement la Constitution de 1958 a fini par être mise en place, mais c’est effectivement la tendance internationaliste déployée par V.G.E. qui a triomphé des faux-semblants nationalistes gaulliens, etc…

De fait, désormais, et par rapport aux années trente du siècle précédent, le système politique a basculé cul par-dessus tête. Tardieu aurait voulu disposer du référendum pour surmonter l’opposition parlementaire. Le V.G.E. de l’Europe, lui, s’est un peu brisé les ailes sur le référendum de 2005, et n’a dû de sauver l’essentiel de ses plumes qu’au vote complice des parlementaires français… Tout le contraire.

Mais si V.G.E. aura plutôt été un dilettante, Jacques Bardoux, son grand-père, était un rassembleur de véritables compétences, et sans doute un gros travailleur. C’est ce que démontre l’initiative qu’il a prise de constituer un "Comité technique pour la réforme de l’État" qui se ferait très vite connaître sous l’intitulé : "Comité Bardoux". Sa composition, telle que nous la livre François Monnet, permet de constater que la grande bourgeoisie française - loin de se réduire à n’être que la droite la plus bête du monde - a pu ne pas reculer devant la mise à contribution de véritables sommités :
« Les membres de ce comité, Bardoux, Alibert, Joseph-Barthélemy, Gidel, Laferrière, Lavergne, Mirkine-Guetzévitch, Mercier, Lambert-Ribot, Valensi et Pichon, professeurs de droit ou membres du Conseil d’État pour la plupart, faisaient figure de techniciens qualifiés du changement institutionnel. » (pages 312-313)

On le pressent : certains d’entre eux, et Jacques Bardoux lui-même, se retrouveront cinq ou six ans plus tard dans l’entourage immédiat du maréchal Pétain, dont on se souvient qu’il recevrait, des mains de cette même grande bourgeoisie - et en attendant que le même rôle revienne à Charles de Gaulle en 1958 -, les pleins pouvoirs pour redresser le pays, et mettre au point une nouvelle constitution…, dont le schéma serait livré, et la boîte à outils avec, à l’un comme à l’autre… par ses hyper-spécialistes et leurs successeurs.

Qu’il s’agisse de Vichy 1940 ou de Paris 1958, la même feuille de route aura en effet été fournie. C’est celle que François Monnet nous rappelle pour les années 30 :
« Le salut national passait par un rééquilibrage des fonctions entre la masse et l’élite, et donc par une meilleure prise en considération dans l’organisation étatique de la loi de compétence. Telle était la philosophie à la base des réformes proposées par le "Comité Bardoux". » (page 314)

Plutôt que d’entrer immédiatement dans les détails du schéma institutionnel à mettre en œuvre, voyons comment, cinq jours avant le grand coup d’épée dans l’eau du 6 février 1934, le "Comité Bardoux" définissait, dans la Revue de Paris, ce résultat dont nous voyons à quel point - via 1940 et 1958 - il est maintenant écrit dans le marbre de notre vie politique :
« L’élite gouverne et le nombre en profite. La République dure. » (page 314)

Et le chômage de masse avec elle : c’est que tous les capteurs ont été coupés.

Pour combien de temps encore ?...

Tant que la Constitution de la Cinquième République pliera ledit Nombre : le suffrage universel. C’est ce que Charles Benoist nous a appris… Et Michel Debré l’a fait.


Moyenne des avis sur cet article :  2.33/5   (6 votes)




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité




Palmarès



Publicité