Avec l’espoir d’en finir avec le Sarkozo-lepénisme !
Voilà plus de six ans que j’ai quitté la France pour échapper aux voyous de la finance et aux pièges du surendettement. Depuis la parution de mon petit livre “Insolvables !” l’an dernier, certains de mes amis me conseillent de ne pas prendre position aujourd’hui dans ce qui se passe dans la vie politique française, et de poursuivre plutôt mes réflexions sur le capitalisme mondial et sur ses méfaits planétaires, ses crimes contre les populations les plus pauvres, d’en témoigner avec ce que je vis chaque jour au fil du Mékong, dans cette Asie du Sud-est écrasée par la Mondialisation, et qui sera ma dernière “Patrie”.
Bien sûr. Mais comment parler de l’Humain, de l’argent, de l’aveuglement des sociétés occidentales et de leur surconsommation, de leur fuite en avant dans la dominance, une dominance artificielle au demeurant, en faisant semblant d’ignorer la tragédie historique qui se joue aujourd’hui en France ?
Bien sûr, je ne suis pas “expert” en politique, je n’ai pas les mains chaque jour dans ce cambouis-là, mais j’ai la faiblesse de penser que nous sommes tous des experts de notre propre vie, des experts de nos rêves et de nos utopies, et que notre expertise citoyenne vaut bien celle de ceux qui en font un métier. Je pense aussi aux mots du poète René Char, qui n’avait rien d’un politologue patenté : « Nous devons surmonter notre rage et notre dégoût. Nous devons les faire partager, afin d’élever et d’élargir notre action, comme notre morale. » Alors, voilà ce qu’il m’importe de dire aujourd’hui, voilà où “ma main tremble”, comme aurait sans doute réécrit, en ces heures dangereuses, le philosophe Jacques Derrida, qui condamna les “états voyous”.
L’avocat d’affaires de Neuilly, qui a réussi le douloureux exploit, en moins d’un quinquennat, de transformer la France en soubrette oui-oui des USA et de l’OTAN au service des sociétés pétrolières et des banques, de créer 1 million de chômeurs de plus, de multiplier par deux le nombre d’insolvables et de citoyens vivant sous le seuil de la pauvreté, de laminer le tissu social et économique, le monde de l’entreprise, de ruiner l’éducation, la culture, la santé, l’économie entière de la Nation en augmentant sa dette extérieure de 600 milliards d’euros, Nicolas Sarkozy, donc, s’est rallié ouvertement aux thèses abjectes du Front National, future “Alliance pour le Rassemblement national” qui regroupera bientôt en son sein toutes les forces réactionnaires et xénophobes de la France, celles du FN et de ses satellites – Nouvelle Droite Populaire ou Parti de l’In-nocence, entre autres – et celles de la Droite Populaire classique venue d’une UMP explosée, triomphe de la famille Le Pen.
Il ne lui aura donc pas suffi de s’entourer de Brice Hortefeux, de Claude Guéant et de sa sinistre “plume” Yves Roucaute, rédacteur nationaliste de la querelle sur “les civilisations inférieures”, un lobbyste du pire dont le fantasme est de voir un jour son encre se transformer en sang, celui des “infidèles”. Il ne lui aura donc pas suffi d’humilier le Centre et la droite ordinaire et d’aller patauger dans la tranchée de Mr Patrick Buisson, le fantassin de Minute, de flatter pendant cinq années les racistes “en souffrance”, de les caresser de mots et d’effets d’annonce sous l’oeil des médias complaisants. Non, apparemment, ça n’aura pas suffi.
En croyant vacciner la France contre Marine Le Pen, Sarkozy a répandu le virus du lepénisme, de la xénophobie, dans un ancien pays occupé par les Nazis, par les constructeurs et pourvoyeurs des camps de la mort. 17,9%, un score terrible, un score historique !
Pour conserver une chance, même infime, de rester à la tête de l’État le 6 mai 2012, le président sortant avait besoin d’aller plus loin encore dans cette course folle, dans cette cavalerie, il avait besoin de faire les poubelles du Front National, et il n’en fut en rien incommodé, bien au contraire. Remettre en cause l’espace Schengen, expulser un immigré sur deux, multiplier les lois répressives, encourager les contrôles au faciès, accuser les chômeurs (et bientôt les malades, comme en Grèce) d’être des “assistés”, ressusciter Pétain et Poujade, claironner qu’il veut sauver cette France qu’il a lui-même ruinée et plongée dans le désespoir. Tel est son seul programme, avec l’enrichissement des riches !
À la faveur d’un triste fait divers, le voici, s’il était réélu contre toute attente, sur le point d’accorder un permis de tuer, un permis de chasse aux policiers qui s’estimeront, sur parole, en état de “légitime défense”… Tout citoyen s’opposant à l’arbitraire des forces de police en mettant une main dans sa poche sera dès lors susceptible de recevoir une balle dans la tête, même par derrière. Français, de souche ou non, travailleurs immigrés et touristes étrangers, vous voici prévenus ! L’État policier français dicté par la valseuse de Vienne et son géniteur nostalgique de Vichy est en marche, au pas de l’oie… Et la peine de mort, en version abrégée, sans procès, sans défense, risque d’être rétablie prochainement en France sous les diktats d’un populisme bafouant les Droits de l’Homme. Dans sa course effrénée, désespérée, pour conserver le pouvoir, Nicolas Sarkozy a fini par lâcher la phrase qui le déshonore à jamais sur son strapontin et le disqualifie aux yeux de l’Histoire : « Le FN est compatible avec la République » !
Non, le racisme et la haine ne sont pas, ne seront jamais compatibles avec la République. Le racisme et la haine, ce n’est pas une souffrance, c’est le mal qu’il nous faut combattre ! Avec courage, avec obstination ! Il nous faut combattre le Sarkozo-lepénisme chronique par tous les moyens légaux et pacifiques dont nous disposons encore ! Dans les urnes, bien sûr, comme partout ailleurs ! Car si la haine l’emporte, sur fond de crise économique mondiale sans précédent fomentée par les banques internationales – nous n’en sommes qu’au début – et de montée des fascismes européens sous l’effet de la misère, la guerre sera inévitable…
Ce combat-là ne s’arrêtera pas le 6 mai au soir, avec l’élection probable et salutaire de François Hollande. Ce combat-là doit se poursuivre à l’heure des Législatives. Il doit continuer ensuite chaque jour de notre vie, où que l’on se trouve sur la terre, car la haine de l’autre, de l’étranger – l’Histoire nous l’a montré –, n’a jamais engendré que le pire, l’anéantissement de nous-même, l’infamie et la barbarie.
Voilà, c’est ce que le citoyen exilé, non-expert que je suis, avait encore à dire aujourd’hui, avec modération, mais avec conviction. Et à ceux qui pensent que la victoire de la Gauche est désormais inéluctable, qu’il est vain de tirer sur les ambulances, je répondrai seulement : “Ça dépend où elles vont et de qui est derrière le volant ! Ça dépend aussi du volume de blindés conduits par des racistes décomplexés auxquels elles ouvrent la route… un boulevard”.
Pour conclure ce billet d’espérance par la voix d’un poète, c’est celle de Paul Éluard qui me vient en mémoire : Entre tous mes tourments entre la mort et moi / Entre mon désespoir et la raison de vivre / Il y a l’injustice et le maheur des hommes / Que je ne peux admettre il y a ma colère / Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce / Le pain le sang le ciel et le droit à l’espoir / Pour tous les innocents qui haïssent le mal / […] / Tu ne supportais pas l’oppression ni l’injure / Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre / Tu rêvais d’être libre et je te continue. (“Dit de la force de l’amour” )
Christophe Leclaire
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