Avènement annoncé du sac papier : coûteux, destructeur d’emplois et pas si vert
La loi sur la transition énergétique devait interdire l’usage de sacs plastique jetables au 1er janvier. Mais faute de décret d’application, les sacs plastique à usage unique seront toujours disponibles en caisse jusqu’à fin mars. Et après ? Ils devraient laisser peu à peu place à des sacs en papier. Un scénario aussi séduisant a priori que dangereux dans les faits, quand on connaît l’écobilan et le coût de ces derniers.
Fin des sacs plastique, un drame pour l’emploi
L'article 75 de la loi de transition énergétique, qui modifie le code de l'environnement, stipule qu'il est « mis fin à la disposition, à titre onéreux ou gratuit, à compter du 1er janvier 2016, de sacs de caisse en matières plastiques à usage unique destinés à l'emballage de marchandises au point de vente. » En d’autres termes, les sacs plastique en caisses sont désormais interdits. Les sacs « fruits et légumes », quant à eux, disposent d’un répit : ils devront également disparaître, mais uniquement à compter du 1er janvier 2017. Une exception demeure néanmoins : les sacs constitués de matières « biosourcées » resteront autorisés (la teneur minimale de matières biosourcée sera croissante, avec 30% à partir du 1er janvier 2017, 40% à partir du 1er janvier 2018, 50% à partir du 1er janvier 2020 et 60% à partir du 1er janvier 2025). En 2020, ce sera également au tour de la vaisselle plastique jetable d'être interdite. Pour l’heure, les dispositions majeures de la loi sont encore en suspens. La France doit attendre jusqu'au 28 mars l'avis de Bruxelles sur le décret d'application de cette loi très controversée.
Le report est en effet technique (le temps de mise en œuvre de la loi par les commerces) mais également juridique. Un échange a lieu avec la Commission pour « vérifier que la mesure ne comprend pas de risques juridiques, et éviter les recours », notamment du côté des fabricants de sacs, précise le ministère. Il faut par exemple bien préciser « la taille, le poids, le type de sacs concernés par l’interdiction », en lien avec la règlementation européenne. Il faudra aussi traiter toutes les objections soulevées par l’industrie plastique. Le principal reproche adressé à cette loi est l’impact sans précédent qu’elle aura sur tout le secteur. L’industrie de la sacherie plastique en France représente pas moins de 150 PME-TPE, pour 3.000 emplois. Autant d’emplois compromis, principalement au bénéfice de fabricants de sacs papier d’Europe du sud.
Cet avis est largement partagé dans le secteur : Stéphane Madelmont, qui dirige la société de production de films plastique Alprod, estime que les emplois de cette dernière sont « directement menacés. Surtout si le gouvernement ne nous donne par le contenu précis du décret pour que nous ayons un minimum de temps d’adaptation et d’écoulement des stocks. » Bref, en plus d’être mortifère sur le plan de l’emploi, on l’aura compris, cet article de loi se distingue par son caractère nébuleux, imprécis. Mais ce n’est pas tout.
Le sac en papier, écolo uniquement sur le… papier ?
Derrière le souhait de voir disparaître les sacs plastique, celui de les remplacer par des sacs en papier, puisqu’il faudra bien continuer de porter ses courses. Or c’est là que le bât blesse. L’écobilan de ces derniers est en effet loin d’être bon : ils émettent, par fermentation, du méthane, un gaz à effet de serre très nocif.
Les sacs en papier se distinguent par ailleurs par leur faible aptitude à être compactés (15 fois moins que leurs homologues en plastique en termes de volume). Leur transport nécessitera donc plus de camions et de fret (ce qui s’avère à la fois polluant et coûteux). De plus, leur utilisation est moins optimale. En effet, ils offrent des capacités moindres en termes de volume et de résistance. Le poids actuel d'un sac en plastique est de 5 grammes (il a perdu 75 % de son poids en 15 ans) et il peut transporter jusqu'à 10 kilos. La flexibilité de la matière permet également de le charger de manière optimale sans craindre de le déchirer. Le nombre plus élevé de sacs en papier nécessaires pour effectuer le même service alourdit la tendance précitée, ce qui impactera considérablement l’environnement. Sans parler de la vulnérabilité d’un sac en papier en cas de pluie, le rendant inadapté une large partie de l’année.
Les avantages d’un sac en papier sont également contestés dès la phase de production. Première observation : la principale matière première nécessaire à leur confection est le bois. Or, il parait illogique de vouloir réduire la profusion de gaz à effet de serre dans l’atmosphère en s’en prenant justement aux principaux artisans de son recyclage naturel : les arbres eux-mêmes. La surexploitation forestière est un phénomène largement documenté, et ajouter de la pression sur le patrimoine forestier mondial afin de lutter contre le réchauffement climatique relève du non-sens total. La seconde ressource principale utilisée lors de la production d’un sac est l’eau. Si pour le plastique, les chiffres sont raisonnables, avec 0,7 litre par sac, le papier explose le compteur, nécessitant environ 8 fois plus d'eau.
Un coût plus élevé
Un autre aspect non négligeable du revers de la médaille est le coût du sac papier. Les frais élevés de fabrication seront inévitablement à la charge des ménages, derniers acheteurs de la chaîne. Dans le seul domaine des sacs pour fruits et légumes, les estimations sont terrifiantes. La Fédération du commerce et de la distribution (FCD) explique : « Cette mesure, adoptée sans concertation, représente un surcoût de 300 millions d'euros et entraînera une hausse des prix, notamment des fruits et légumes. A l'heure où les Français sont inquiets pour leur pouvoir d'achat, une telle inflation sur des produits alimentaires de première nécessité est un frein supplémentaire à la consommation. » Sans appel.
30 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON