Azerbaïdjan et Turquie : « Nous avons la capacité d’effacer l’Arménie de l’Histoire et de la géographie »
Le 13 septembre 2022, vers minuit heure locale, la République d’Arménie a été bombardée par des tirs d’artillerie de l’Azerbaïdjan voisin, un adversaire historique dont les actions violentes menacent l’existence du peuple arménien et de sa patrie.
Le titre de cet article est caractéristique du comportement génocidaire de l’Azerbaïdjan et de la Turquie (soutien actif de l’Azerbaïdjan) à l’égard du peuple arménien. Il s’agit en effet de la déclaration d’un député du parti islamo-conservateur AKP du président turc Erdogan.
Après la guerre des 44 jours, menée par l’Azerbaïdjan avec la participation active et déterminante de la Turquie contre l’Arménie et l’Artsakh à l’automne 2020, soldée par la défaite douloureuse de l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Turquie attendaient l’opportunité pour parfaire leurs méfaits. Comme nous l’écrivions dans le livre La Pensée Stratégique Arménienne[1], la Turquie a fait main basse sur l’Azerbaïdjan et poursuit son rêve de grande puissance et de reconstitution de l’Empire ottoman. L’Azerbaïdjan est en réalité une marionnette entre les mains de la Turquie. Cette dernière, a installé des troupes en Azerbaïdjan ainsi que ses affidés (djihadistes syriens, turkmènes, etc.) dans les régions d’Artsakh prises par l’Azerbaïdjan lors de cette guerre asymétrique.
Même si en novembre 2020 la Russie paraissait contrôler la situation, la Turquie avait pris pied dans le Caucase-sud. En effet, l’accord du 9 novembre 2020, rédigé par la Russie, était très clair quant au contrôle et la présence militaire russe dans cette partie du Caucase, en Arménie et en Azerbaïdjan. Cependant, le corridor qui était prévu au sud de la République d’Arménie (entre l’Azerbaïdjan oriental et le Nakhitchevan) risquait de devenir encore un point de discorde.
En fait, la présence des Russes en Artsakh a gelé la situation pendant un moment cependant les azéro-turcs n’ont jamais cessé de harceler les Arméniens afin de réaliser leur projet d’unification physique du territoire turc et azéri. La région arménienne frontalière de l’Iran, le Syunik, a fait l’objet d’attaques incessantes. La dernière attaque entamée dans la nuit du 13 au 14 septembre rappelle l’attaque-test des azéro-turcs de juillet 2020 contre l’Artsakh ; de cette manière ils ont testé les défenses arméniennes et ont lancé leur attaque de l’automne de la même année avec les résultats que l’on connait... Si le corridor offre à la Turquie une liaison directe vers la partie orientale de l’Azerbaïdjan. Cela signifie que la Turquie disposera d’un espace allant de la Thrace orientale à la mer Caspienne ; le rêve ottoman d’Erdogan est en train de se réaliser sous nos yeux et le monde occidental, Union européenne en tête, ferme les yeux.
La situation ne présage donc rien de bon pour les Arméniens, sacrifiés par la « communauté internationale » notamment l’Union européenne à la table des négociations avec l’Azerbaïdjan pour la fourniture de gaz naturel, vu les relations Occident-Russie actuelles.
Par ailleurs, la Russie de Poutine semble malheureusement avoir choisi son camp : la Turquie (comme Lénine il y a 100 ans).
Déjà, le gouvernement arménien du Premier ministre Nikol Pachinian arrivé au pouvoir grâce à un fort mouvement démocratique au printemps 2018, n’est jamais paru capable de redresser la situation du pays. Il était par ailleurs incompréhensible que connaissant l’emprise russe sur son pays, le Premier ministre arménien ait pris des positions en faveur d’un rapprochement avec l’Union européenne et même l’OTAN. On peut légitimement se poser la question si cette prise de position de Pachinian était due à son amateurisme politique ou elle était prise consciemment. Toujours est-il que l’Arménie, toute jeune république, sans réellement de profondeur politique et d’expérience étatique, a voulu jouer aux plus fins avec le grand voisin du nord, fort de son expérience de l’Empire tsariste et de l’époque soviétique. L’amateurisme de Pachinian était d’autant plus incompréhensible qu’il n’avait pas su instaurer un État de droit et surtout, il n’a pas fait mieux que ses prédécesseurs dans le domaine de la corruption. Il n’a pas non plus préparé l’armée arménienne et artsakhiote à la guerre de l’automne 2020. Car glorifier le passé et se croire invulnérable était une chose, ne pas se préparer, connaissant les efforts de l’Azerbaïdjan dans l’acquisition d’armes modernes et sophistiquées auprès de la Turquie et d’Israël notamment, devenait suicidaire et criminel…
Ainsi, la république d’Arménie sortait-elle de cette guerre de 2020 affaiblie, humiliée, et encore plus dépendante de la Russie. Depuis cette cuisante défaite, le gouvernement Pachinian n’a rien fait pour rattraper son retard et le Premier ministre ne perd pas une occasion de parler de « paix à tout prix ». Sauf que ceux qui croient à une paix négociée entre l'Arménie et son agresseur l'Azerbaïdjan se trompent. L'Arménie persiste à dire qu'elle veut la paix (dans une position de faiblesse diplomatique et militaire) et l'Azerbaïdjan (appuyé par la Turquie) ne veut que la destruction de l’Arménie.
L’objectif azéro-turc d’opérer la jonction entre le Nakhitchevan et le reste de l’Azerbaïdjan, opérant ainsi la jonction entre le territoire turc et la mer Caspienne, est plus que jamais clair. Cette jonction permettrait à la Turquie de se projeter directement vers l’Asie centrale, vers le monde turcophone et le Xinjiang chinois musulman et turcophone…Le seul obstacle devant cet objectif est le territoire arménien.
Le ciel au-dessus de l’Arménie s’est encore assombri : une Arménie seule et exsangue est face aux azéro-turcs surarmés et prêts à en découdre terminant ainsi le génocide du début du XXe siècle. Bref, les azéro-turcs veulent effacer l’Arménie de la carte…Et pendant ce temps, l’Occident (États-Unis et Union européenne en tête) si prompt à défendre le « droit » (quand cela correspond à ses intérêts) passe des contrats d’achat de gaz naturel à l’Azerbaïdjan et ferme les yeux devant les violations turques en Syrie, Lybie et Méditerranée orientale…
[1] Éditions SIGEST.
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