Bagages, flash et monuments
Partir en voyage.. Et pour pas cher de préférence... En voici un truc qui en fait rêver plus
d’un.
Avez-vous remarqué le nombre astronomique d’agences de voyage et de
sites internet qui nous proposent des départs à prix réduit, à prix
cassé, déchiré, atomisé et même à tarif "discount" car cela sonne mieux
en anglais ? Même si mon accroche pourrait être celle d’un reportage
pour Zone Interdite un dimanche soir, je vous invite à y réfléchir
sérieusement cinq minutes sans penser à Melissa Theuriaux.
Objectivement, difficile d’imaginer que vous n’ayez jamais aperçu au coin
d’une rue, des affiches publicitaires proposant des destinations
décorées d’expressions rassurantes telles que "pension complète"
ou "formule tout compris". Il y a toujours une jolie photo genre
carte postale, un gros prix baveux avec un astérisque, le nombre de
nuits, de jours, le petit déj inclus, les navettes d’aéroport incluses
et les précieuses excursions. Bref, les petits plus promotionnels qui
forment un vrai jargon familier. Voyageons confortablement ! C’est la
devise.
Tout ce remue ménage promotionnel, ce boxon médiatique nous est destiné. Cool hein ?
Non sans rire, la cible est simple. Le gars du coin en a marre de
toujours voir la gueule de courge de la boulangère et la mobylette
jaune du facteur. C’est normal, il a envie de s’ouvrir au monde,
d’atteindre au plus près les divers peuples de notre terre, de monter
dans un Airbus et de goutter aux bureaux de change... C’est
compréhensible. Mais sa fougue redescend lorsqu’il tâte son porte-monnaie, trop maigre, trop peu fourni, sans parler de son angoisse de
se retrouver perdu dans le métro d’une ville lointaine... Terrifiant
rien que d’y penser.
Heureusement, son hésitation n’a plus lieu d’être aujourd’hui, l’offre
s’est adaptée, des mecs planchent sur le problème depuis quelques
années et la mondialisation a bien tissé sa toile. Grâce au système, le
nouveau millenaire est définitivement celui des touristes.
Il y a quelque chose de beau là-dedans, ces vols réguliers, ces
réservations, ces services... Le temps de Lindberg est si lointain.
Pouvoir partir à Londres ou à Prague pour le prix d’un rasoir électrique à Auchan est une avancée formidable. Se faire Cuba dans un
hôtel surpassant 100 fois l’Ibis de Dijon pour seulement le prix de
quatre pleins d’essence et trois paquets de clopes est un progrès
incontestable, sans nul doute. Mais il reste à savoir ce que l’on va
bien pouvoir faire là-bas, arrivé à destination...
C’est vrai quoi, on n’y pense pas assez souvent. Bon ok, le logement est
sympa et les draps sont propres mais que peut-on bien foutre dans ces
pays une fois franchie l’enceinte de l’hôtel ?
VISITER pardi ! N’oublions pas que l’on parle d’un voyage et non d’une
thalasso à Balaruc-les-Bains, il va bien falloir raconter son périple
aux amis et à la famille. On est pas là pour glander mais pour bouffer
du paysage.
Ainsi, deux catégories bien distinctes de personnes vont se former à
l’arrivée sur le tarmac. Dans la première, les routards (ils sont peu)
et dans la seconde.. heu... le reste.
Inutile de définir un routard et ce qu’il aime faire à l’étranger, cela
paraît évident et si vous n’êtes pas contents, allez chercher sur Google
ou demandez à Philippe Gloaguen (le gars avec un sac à dos en forme de
globe qui fait des couvertures de livre). Non, moi j’ai envie de
m’intéresser aux autres, à ceux qui font vivre les "tour operator" et
qui kiffent les visites guidées. Ils sont sûrement les plus nombreux et
les plus visibles. Appelons-les "touristes", c’est plus simple.
Quelques lignes plus haut, je vous faisais partager les rêves du gars
du coin et ses envies profondes de voyager. Eh bien là, je vais vous
causer de sa mutation en parfait globe-trotter des temps modernes.
Petit descriptif de son allure. Il se définit d’abord par un appareil
photo ou un camescope (parfois les deux quand il est en forme). On
connaissait la kippa chez les juifs, le sabre chez les samouraïs et le
collier à barbe pour les profs d’histoire, ici c’est la panoplie Nikon
ou Sony qui est le signe de reconnaissance. L’appareil va remplacer les
yeux durant le séjour, il se promènera partout avec lui et chaque
souvenir sera systématiquement enregistré sur carte memoire ou bande
vidéo.
Sa passion ? filmer les clochers. La moindre église, la moindre
cathédrale doit être sur le film, c’est une obligation, un principe de
base. La vieille pierre est toujours aussi vieille, cela fait 300 ans
qu’elle n’a pas bougé mais ce sera certainement très intéressant à
regarder sur l’écran plasma de retour à la maison.
Notre cher ami veille aussi sur sa batterie lithium comme sur sa
bouteille d’eau, ce serait con de flancher devant un monument pour
cause de pile à plat. En plus, il ne décolle jamais les petits
autollants de sa caméra numérique pour bien montrer les performances
exceptionnelles de celle-ci...
A chaque coin du monde, il se reconnaît à sa sacoche et lorsqu’il ne
marche pas en baské, il n’est pas rare de l’apercevoir assis dans un
bus avec un casque audio sur la tête en train de regarder dans la même
direction que ses camarades. Rien de plus tranquillisant que de se faire
expliquer le pourquoi du comment de l’insurrection de Budapest en étant
confortablement installé dans son bus climatisé. Instructif et agréable.
Ainsi déambule notre ami.. D’ailleurs il n’est jamais seul, il vit en
troupeau et a la chance d’avoir un berger "guide" qui commente les
jolis coins dans la langue du pays de provenance tout en sachant
parler celle des autochtones, chose rassurante afin d’éviter tout
malentendu avec la faune locale.
Et les activités, les excursions dans tout ça ? Y’en a aussi ! Un tour
de bus rouge à Londres, une promenade en chameau en Tunisie et une
balade en gondole à Venise, de quoi le combler en souvenirs.
Deux semaines plus tard, des images plein le camescope, mister travel
et des millions d’autres comme lui rentrent chez eux... Heureux.
Vivement les prochaines vacances et comme disait Bernard Arcand :
"Heureux le touriste qui a tout vu avant l’arrivée des touristes."
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