Baisers forcés à la télé : Ménès, et les autres
Le journaliste vedette de Canal+ est la cible d’une dénonciation publique par la journalistes Marie Portolano. Pierre Ménès est un personnage que l’on aime ou non. Mais pourquoi lui, et pas les autres ?
Les baisers volés ou forcés sont devenus presque une tradition à la télé. Ménès avait entre autres embrassé de force Francesca Antoniotti. À l’époque tout le monde a ri, femmes comprises. Personnellement je n’apprécie pas du tout ces séquences à connotation sexuelle en direct. Le porno est moins hypocrite.
La question ici est de deux ordres à mon point de vue :
- l’exhibition pour se faire valoir, se montrer libre, in the mood, pour faire autant ou mieux que d’autres, etc,
- le consentement.
Le gag de potache qui sous-tend souvent ces comportements (et non une hypothétique volonté de domination, de possession, de prédation ou d’agression) a d’autant plus d’intérêt qu’il est imprévu et transgressif. La transgression et la provocation sont valorisées depuis au moins 50 ans et ont toujours fait les beaux jours de la télé.
Mais aujourd’hui, ce qui pouvait être qualifié à choix (selon son rang social ou son humeur) de drôle, déplacé, inconvenant, irrespectueux devient une affaire d’État. Ou pire : une agression sexuelle.
Je ne juge pas le cas Ménès que je ne connais pas assez. Une vidéo de 3’ résume le style du personnage, et reproduit en particulier l’échange avec la journaliste Marie Portolano, son accusatrice (dès 1’40’’, voir également ci-dessous).
Montrer du nu, du cul, des baisers illégitimes, fait partie de la télé. Dans ce sens Ménès n’a pas inventé la poudre. Il joue au sale gamin emmerdeur (soulever la jupe d’une fille, raaahhh !…) pour faire le spectacle. D’autres aussi ont compris que rouler des pelles c’est du show auquel se livrent des objets humains complaisants. Sans la pression du groupe, qui est un forme de contrainte, ils et elles ne l’auraient pas fait.
Il y a 18 mois Cyril Hanouna, patron de TPMP, insistait lourdement pour voir deux chroniqueuses, Kelly Vedovelli et Agathe Auproux, s’embrasser – hum, se rouler une pelle. Elle l’ont fait (ici dès 1’). Elles étaient consentantes bien sûr. Mais quand on sait qu’elles se détestent, c’est assez pervers. Cela montre la tendance à la télé et la pression du groupe. Tout le monde veut voir, on applaudit, Hanouna est aux anges. La direction et les annonceurs aussi.
Une autre fois Kelly embrasse une autre chroniqueuse, Géraldine Maillet, sans lui demander son avis. Celle-ci ne refuse pas, mais la demande n’a pas eu lieu. Cela se passe comme si c’était dû. Comme c’était dans une séquence volontairement provoc, c’était peut-être moins choquant.
Je rappelle cette séquence où Enora Malagré touche le sexe de Matthieu Delormeaux pour voir s’il bande. C’est du bien lourd, ça, mais ça passe sans faire de bruit. Elle-même, j’en suis sûr, tomberait des nues si vous l’accusiez d’agression sexuelle.
Ou Danielle Moreau qui donne un baiser imprévu et un peu forcé à son partenaire de danse. Il ne la refuse cependant pas. Ou ici, embrassée par surprise par Bernard Montiel, et qui se montre ravie (à 40'')
Il y a le baiser de Clémentine Célarié à un homme séropositif.
Il y a Evelyne Thomas qui, en pleine émission, embrasse un jeune homme de 18 ans par défi. Le public en veut, applaudit et crie. C’est fun.
Je ne suis pas contre les plaisanteries sur les femmes et les hommes. Par contre l’exhibition et l’euphorie sur commande me gonflent. La télé, et le cinéma, nous proposent de vivre dans une sorte fête permanente en toute liberté. Rien n’est plus faux ou illusoire.
Dans cette fête la provocation et la transgression, ainsi qu’une certaine permissivité, ont leur place. Ou avaient leur place, car elles semblent aujourd’hui contestées dès qu’une femme en est l’objet.
Si le temps de la provocation à deux balles, y compris celles de feu Gainsbourg, est fini, ce n’est pas une grosse perte. Je ne regretterai pas ces gens qui se draguent et se baisouillent publiquement pendant que peut-être quelqu’un les attend à la maison.
Il faut ajouter que Pierre Ménès s’était excusé auprès de madame Antoniotti, qui dit :
« … en sortant de l’émission, il m’a pris dans ses bras et s’est excusé. J’ai vu dans ses yeux qu’il était profondément ému et je sais que c’était sincère. C’est tout ce que j’attendais ! J’ai l’impression qu’il a pris conscience que nos actes peuvent avoir des conséquences. Je pense sincèrement que ce n’est pas un agresseur sexuel. »
Ce comportement transgressif est davantage le fait des hommes que des femmes, semble-t-il. C’est pour cela qu’il est dénoncé. Mais au-delà du cas de Ménès, il apparaît que c’est tout ce qui ressemble à une certaine liberté qui est visé.
Aujourd’hui on valorise fortement le fait de briser les codes et de s’affranchir des règles. L’imprévu qui sort du cadre est forcément intéressant. L’intérêt est justement dans le caractère surprenant. On cherche à choquer. La transgression et la provocation ne peuvent pas se faire en demandant la permission.
Pierre Ménès assume d’aimer chambrer les femmes. On peut y voir un provocateur classique, en rire, ou en être horripilé et y voir un crime d’agression sexuelle.
Le faire en direct à la télé est déplacé et d’autant plus intense. Des animateurs d’émissions populaires encouragent le dérapage, le public aussi. C’est donc un système d’ensemble. La provocation par le sexe fait partie de l’outillage promotionnel de nombre d’émissions et de l’excitation du public.
Mais sous l’influence des Gorgones féministes les plateaux télé pourraient prochainement retrouver une ambiance de fête paroissiale calviniste !…
La question ici est : a-t-on le droit, encore, de penser comme on a envie ? Pierre Ménès ne mérite-t-il pas le même droit à son existence propre, telle qu’il l’entend, sans qu’on le juge et l’exclue du ban, même si certains le considèrent comme un gros beauf ? Ce que l’on accorde aujourd’hui sans limite aux groupes minorisés ne devrait-il plus être un droit pour les autres ?
La dictature des minorités, qui veulent lister par exemple ce que les humoristes ont le droit de dire (voir Infrarouge d’hier soir), est une voie dangereuse pour l’ensemble de l’humanité. Il faut résister à dictature du clean, cette fascisation lente.
Je comprends que des femmes détestent ça. Je ne trouve pas drôle, je n’aimerais pas qu’on me le fasse. Mais je pense que cela n’est pas un crime ni une agression sexuelle telle que l’imagerie moderne la suggère, ou que la loi un peu abusive à mon sens la définit.
Par contre je lie ces comportements (de femmes ou d’hommes) à une permissivité générale, à une surenchère de buzz autour du sexe, à un discours de libération des mœurs, à un moyen pour certains et certaines de se faire un nom médiatique. On a la télé qu’on mérite.
Si l’on veut changer cela il faut recontracter une société qui s’est fortement relâchée et dilatée. Recontracter ? Je laisse chacun et chacune imaginer ce que cela peut vouloir dire.
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