Balkanisation des consciences
C’est un satrape de la Sarkozie triomphante, un repris de justice promu baron des Hauts de Seine, un homme politique qui a traversé la Vème république à coups de frasques et de scandales. C’est un ploutocrate apprécié de ces concitoyens, un récidiviste en col blanc, un grognard dévoué au souverain qui a désormais la chance de vivre en toute impunité. Il se nomme Patrick Balkany et je vais vous conter ses faits d’armes…
Lorsque l’on s’attaque à retracer la bio d’un tel personnage, il faut s’avoir s’armer de patience tant l’animal a défrayé la chronique. De l’encre, il en a fait couler en torrents, des casseroles il en traine plus qu’il n’en pend à la quincaillerie du coin. J’imagine dès lors la tache du futur hagiographe qui s’attaquera à l’ouvrage. Qu’il entame dès le berceau une cure de Guronsan, qu’on lui injecte au plus tôt de la guarana en intraveineuse. Sans cela, il ne tiendra vraisemblablement pas le choc tant les rumeurs d’arnaques et d’escroqueries de tout ordre et de tous horizons virent à l’encyclopédique. Saupoudrez le tout de déclarations tapageuses et de quelques affaires de mœurs, pour obtenir un cocktail détonnant. A coté Tapie, passerait presque pour un parangon de vertu, c’est dire…
Une enfance dorée…
Mais revenons à ce qui nous intéresse. Patrick Balkany est né le 16 août 1948 en Sarkozie (Neuilly sur Seine), ce sémillant sexagénaire partage avec le souverain des origines hongroises mais pas seulement. L’amitié entre les Balkany et les Sarkozy se transmet de père en fils puisque les deux Papas sont amis depuis bien longtemps. D’une famille d’ailleurs relativement huppée, il fait ses premières classes dans l’institution très chic de Jouy-en-Josas en compagnie de Michel Sardou. Malheureusement Pat’ n’aura guère le temps de pousser plus loin ses vocalises ; rapatrié dans un collège de Genève, il poursuit timidement son cursus scolaire mais terminera non-bachelier. Les études ce n’était pas vraiment son dada et sachant pertinemment qu’avec Papa derrière, il pouvait s’en passer, il choisit de s’atteler à des besognes moins éreintantes…
En effet avec sa gouaille lancinante et sa bonhommie légendaire, il se voyait plutôt sur les planches. On aurait d’ailleurs aimé qu’il reste à jouer les tragédiens d’opérette. Malheureusement sur scène, il n’a comme qui dirait, pas le succès escompté. On lui reconnaît des talents pour l’esbroufe et l’hâblerie mais pas de quoi pousser plus loin la sérénade. Conscient de ses carences, il rejoint finalement une société de prêt-à-porter familial dont il devient très vite le PDG. Les relations professionnelles de Papa permettent même au jeune histrion d’effectuer son service militaire à l’Elysée. Il y côtoie du beau linge et s’y fait des relations.
Il en profite pour se mettre à la politique et rejoint le RPR dès sa fondation en 1976. Il intègre le comité central presque aussitôt, c’est ce qui s’appelle griller les étapes. L’historien Jacques Frémontier ironise : « Il appartient à cette mince élite où les relations et l’argent paternels facilitent beaucoup l’entrée dans la carrière. Trois magasins aux Champs-Elysées et faubourg Saint-honoré, voila qui aide à supporter, sans se ruiner, les frais de timbre poste et autres menues babioles d’une campagne ». En 1978, Chirac lui donne sa chance en tant que candidat RPR aux élections législatives à Auxerre. Il échoue mais découvre sa vocation…
“Un Pasqua’s boy à l’assaut des Hauts de Seine” 1983-1995
Il fit partit de cette génération dorée de Pasqua’s boy qui fit main basse sur les Hauts-de-Seine à partir des élections municipales de 1983. Devedjian à Antony, Sarkozy à Neuilly, et lui-même à Levallois. Dès sa prise de fonction, Balkany entreprit de « déstaliniser » cette commune estampillé PC depuis plus de 18 ans. Tout cela, en utilisant des méthodes qui n’auraient sans doute pas déplu au petit père des peuples. En effet, il commença par supprimer les subventions aux associations procommunistes, il changea tous les noms de rues à consonances bolcheviques et enfin expulsa une pelletée de syndicats de la ville. Mieux que cela, en tant que président des offices HLM, il mit tout en œuvre pour éloigner les familles modestes vers Sarcelles, Nanterre, Aubervilliers…
Il faut savoir que le but avoué de Balkany a toujours été de faire de sa ville, « un second Neuilly ». Avec en prime, une population d’aristos qui lui serait dévouée et qui lui servirait de socle solide pour les futures élections. Pour cela, il favorisa grandement la construction de bureaux et de logements de luxe. Devedjian l’accusera d’ailleurs un jour de « purification ethnique », excusez du peu. Pour parfaire le tout, il choisit de nommer Didier Gandossi à la tête de la police municipale. Il faut bien reconnaître que dans cet ancien secrétaire général de la FFIP (Fédération Professionnelle Indépendante de la Police – d’extrême droite), il avait trouvé un fossoyeur de Mosquito de premier plan. Au final la tactique de Balkany s’avère payante, il est élu maire sans discontinuité de 1983 à 1995 et député des Hauts-de-Seine (Levallois-Perret-Clichy), de 1998 à 1997.
“La traversée du désert ” 1995 -2001
En 1995, c’est le début de la traversée du désert. Tout comme Sarko, il mise sur Balladur, Chirac ne lui pardonnera pas. Surtout qu’en 1993, il avait déjà accusé le corrézien de « manquer de couilles » en refusant le poste de premier ministre. Chirac pour le coup, va mettre un point d’honneur à défendre sa virilité et déploie une terrible vendetta. Il place un de ses proches amis, Olivier de Chazeaux pour le court-circuiter aux élections municipales de Levallois. Ce dernier réussit à lui prendre la mairie et en 1997 lui ravira également, son siège de député. C’est la banqueroute…
Bouté du terrain de jeu politique, il est maintenant poursuivi par la Justice. D’abord pour diffamation contre Anne Mandois par le Juge Halphen, ensuite pour prise illégale d’intérêt en tant que président de l’office départemental d’HLM et enfin pour avoir fait travailler des employés municipaux à son domicile privé, tout cela aux frais de la princesse. Il écope de 15 mois de prison avec sursis, deux ans d’inéligibilité et enfin il est condamné à verser 200 000 francs d’amende. Son calvaire ne s’arrête pas là mais il faut dire que Patrick a l’art de donner le gourdin pour se faire battre.
D’ailleurs en parlant de cela, il se fait prendre entre guillemets, la main dans le falzar. Crime de lèse majesté, il est accusé par sa maitresse, d’avoir réclamé une turlute, magnum 357 à la main. Police Python clame son innocence : « J’ai eu une passion amoureuse comme cela arrive à beaucoup d’hommes. C’est une dispute très banale. Il se trouve que j’avais à l’époque, un permis d’arme… ». La suite on la connaît….
Le terme de banalité se discute, la banalité du mal aussi, Hannah Arendt en a fait un bouquin, Balkany lui, y a consacré sa vie. Mais lorsque l’on connaît l’admiration qu’il porte à Audiard, on comprend mieux qu’il ait voulu jouer aux tontons flingueurs. Sa femme Isabelle n’aura néanmoins pas le même degré de compréhension et le quitte provisoirement.
Chaos debout, il choisit finalement l’exil aux Antilles à Saint Martin, « pour se faire oublier et pour y trouver la paix » ajoute-t-il. Tant qu’à s’emmerder, autant y trouver le soleil, c’est compréhensible. Mais l’insulaire n’est pas du genre à rester en cage, il se met très vite à diriger la principale radio de l’ile, RCI 2 et tente vainement de truster les principaux organes de presse, tout cela mis au service de sa propre régie publicitaire…bien entendu. On va pas se refaire à cet âge là, ça serait dommage ! Malheureusement en 1998, le CSA le somme d’y mettre un terme. Décidément rien ne va plus. Amateur de bonne bouffe et de plaisanteries graveleuses, il se rattrape en passant du bon temps avec ses amis Collaro et Carlos, qui fréquentent le même paradis fiscal.
“Le retour triomphal” 2001-2007
De son Ile d’Elbe, Balkany sait qu’Olivier de Chazeaux ne fait pas l’unanimité à Levallois. Plus technocratique, moins chaleureux sans doute, il n’a pas fait oublier son prédécesseur. Un bateleur qui n’avait pas son pareil pour soigner les seniors à grands coups de distributions de cadeaux, un joyeux drille qui savait rentrer dans les bistrots la gueule enfarinée pour annoncer qu’il payait sa tournée. D’une famille de commerçant, Patrick Balkany a su cultiver son intelligence sociale et en tirer parti. Dès lors cet admirateur de Napoléon, se met à rêver d’un retour triomphal. Et pour le coup, ça sera certes plus chaotique que les “Cent-Jours” mais ça y ressemble…
En 2001, il choisit donc de revenir en France et de reprendre Levallois à l’occasion des municipales. Sans étiquettes, il fait campagne seul contre tous mais réconcilié avec sa femme. Ragaillardi, il brave les injures et les quolibets. Au second tour, il affronte son rival De Chazeaux soutenu par tous les partis rassemblés de droite comme de gauche et finit par triompher. En juin 2002 lors des législatives, il récupère également son fauteuil de député. Mais tout aurait pu tourner court…
Le conseil d’Etat invalide les élections municipales de Levallois de 2001 affirmant que Patrick Balkany était toujours “comptable de fait des deniers” de la commune. En 2002, bis repetita, il est donc obligé de se représenter. Il affronte désormais Olivier de Précigout, le successeur d’un De Chazeaux désabusé. C’est à ce moment là que Sarkozy intervient et de manière déterminante. L’échec de Balladur, lui-aussi l’a subi de plein fouet. Alors lorsqu’il revient en grâce en 1999 en devenant président par intérim du RPR, il pense forcément au retour de son ami de toujours. En 2002, il intervient de manière méphistophélique en refusant à Olivier de Précigout, l’étiquette UMP. Face à ce novice abandonné par son parti, Balkany déroule de manière empirique. C’est un boulevard, il est élu dès le premier tour avec 53,78 % des voix. Ces ennuis avec la Justice se poursuivent mais il sait désormais que le vent a tourné.
En 1995, le conseil d’Etat confirme le jugement concernant l’utilisation d’employés municipaux à des fins privés et l’informe des intérêts qu’il doit régler. Pour se soustraire au règlement des intérêts, Balkany qui a plus d’un tour dans sa besace, fait voter par son conseil municipal, une remise gracieuse de la dette. Tout cela, sous l’œil bienveillant du ministre des finances de l’époque, Thierry Breton mis au parfum par Sarko. Un Sarko qui se permettra même de le réhabiliter au sein de l’appareil en le nommant délégué de circonscription UMP sans en référer aux instances nationales. En 2007, Balkany est réélu député, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
“Le temps de l’impunité et des bonnes grâces” 2007-2009
Bien sûr les climats monacaux, Patrick a toujours eu du mal à s’y accoutumer. Il prend son pied dans la tempête, l’agitation, la cohue. Il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est au pied du mur, seul face à des éléments déchainés. Alors bon gré malgré, il parvient toujours à faire parler de lui et pour cela, force est de reconnaître, qu’il a un don.
D’abord involontairement, en se faisant piéger par les “Yes Men”, un groupe de comiques altermondialistes. Se croyant sur une chaine américaine, Balkany clame de but en blanc : « Nous n’avons pas de pauvres en Frances, nous n’avons pas de misère…Nous avons des SDF bien sûr mais qui ont choisi de vivre en marge de la société et même ceux là, on s’en occupe ». Ce genre de déclarations tapageuses se passe de commentaires, le pire c’est qu’il en est coutumier. Lorsque Sarko passait des vacances oniriques sur le yacht de Bolloré et que la presse en faisait ses choux gras. Il affirma le plus calmement du monde : « Il n’y a rien d’extravagant, c’est comme si un ami, vous prêtait sa voiture, c’est pareil ». Force est de constater que sous ces airs de marchands de frites acariâtre, se cache un grand benêt qui a souvent du mal à maitriser sa langue.
Encombrant personnage que ce Patrick Balkany. C’est le constat que font, bon nombre de cadors de l’UMP. Dans les bonnes grâces du président, Pat sait qu’il peut désormais tout se permettre et pourquoi pas même, rééditer quelques pêchés de jeunesse. Sévèrement condamné pour avoir utilisé des employés municipaux à des fins personnels, il récidive en utilisant la salle d’honneur de la mairie pour marier sa fille Vanessa. Rien n’est trop beau pour sa princesse ! Pour couronner le tout, il interdit tout stationnement dans le périmètre de la mairie durant la célébration. Le Canard enchaîné , ajoute que : « les époux Balkany ont privatisé la mairie et réquisitionné le personnel ». Ajoutez à cela une affaire que l’opposition avait tenté vainement de dénoncer, à savoir l’attribution d’un logement social, un somptueux duplex de 88m² à Henri Lecomte, ancien tennismen et ami de Patrick Balkany. Pour se rendre compte que décidément Levallois vit bel et bien au rythme de son autocrate…
Sarko en a encore bien besoin. D’abord pour aider son rejeton à se tailler une place de choix dans les Hauts-de-Seine et enfin pour parfaire son apprentissage politique. Les époux Balkany cajolent l’infant et le père le leur rend bien. Certes Sarkozy malgré toute sa bonne volonté, n’a jamais pu faire de Patrick, un ministre. Il a un passif beaucoup trop lourd pour cela. Mais il lui a confié un poste de premier plan, celui de membre permanent de la commission des affaires étrangères. Dès lors, il escorte Sarkozy partout, de Tunisie aux Emirats Arabes Unis. Outre le prestige de la fonction, ça lui permet également de négocier des contrats juteux en faveur de sa ville. Des contrats dont il a bien besoin…
En effet, « depuis son retour à la mairie en 2001, Balkany s’est relancé dans des projets immobiliers délirants. Au risque de ne pas pouvoir rembourser ses emprunts », comme l’observe à juste titre Oliver de Chazeaux. Outre ses projets somptuaires qui servent à soigner son électorat, il a doté Levallois de 83 caméras depuis 2001. Ce qui en fait et de loin, la ville la plus vidéosurveillée de France. Mais aussi l’une des plus endettée, 4292 euros par habitant, soit 50 % de plus qu’en 2001. La ville a émis 220 millions de bons du trésor à court terme dont 155 millions devaient être impérativement acquittés à la fin de l’année 2008. Balkany a su jouer de ses relations internationales et le sauveur se nomme Al-Jaber. Ce cheikh a signé un contrat de 1,6 milliards pour la construction de deux tours jumelles de 164 mètres de haut, en bordure de Seine.
D’une présidence à l’autre, Balkany a tout connu ou presque. Du statut de paria à celui d’intouchable, il savoure désormais avec avidité les bonnes grâces du pouvoir en place. La Vème république a connu pêle-mêle de personnages au parcours scabreux, d’enfants terribles qu’elle n’a su juguler mais nul doute qu’au panthéon de la compromission et du scandale, Balkany saura se tailler une place d’honneur.
Vous me direz des profiteurs comme lui, il y en aura toujours et ça valait pas le coup de rouler du tambour pour si peu. Mais ce bourgeois nanti fait dans la répétitivité, le doublon, le populisme de bas étage et l’électorat en redemande. Balkany fait partit de ces beaux-parleurs qui donne dans le picaresque et dans le grandiloquent, pour mieux faire passer leurs méfaits. Il a pris la fourberie comme apostolat et il y répond avec un sourire coupable…qu’il décroche jusqu’aux oreilles.
Méfiance Balkany, de l’Ile d’Elbe à celle de Sainte-Hélène, il n’y a qu’un pas…
Mancioday
http://www.ruminances.fr/
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