Barack Obama et l’émergence du « Nous » planétaire
L’Amérique fait face à un nouveau tournant historique. Un tournant aussi fondamental que les pères fondateurs ont promulgué, en 1787 à Philadelphie, en proclamant une constitution reconnaissant les droits du citoyen. Cette constitution commence par ses mots : « Nous, Peuple des États-Unis, en vue de former une union plus parfaite... » Cependant, ce « Nous », concluant un nouveau pacte social, s’adressait encore seulement à une couche blanche et aux vertus chrétiennes de la société de l’époque. Ce « Nous » était imparfait. Cet ethnocentrisme trahissait l’esprit dans lequel cette constitution a été rédigée, en excluant silencieusement les autres diversités de ce grand corps social, représentatif d’une humanité indifférenciée.
Est-ce un hasard, si le slogan adopté par Obama utilise la première personne du pluriel ? Ce « Nous » résonne de très loin, s’élevant des champs de bataille qui ont jadis opposé indépendantistes et monarchistes. Le sang a été répandu pour que le citoyen, l’habitant de la cité et de ses environs, puisse être libre de ses choix politiques et religieux, maître de sa destinée civile. Pourvu que ces choix respectent la liberté d’autrui. Mais, la liberté individuelle ne rime à rien, si elle ne s’articule pas dans un ensemble, un corps social. Elle doit être le fruit d’une maturité, embrassant l’existence d’autrui comme une facette, à découvrir, d’un « Je » inconscient. Notre bien-être véritable est quelque part en interdépendance avec celui du voisin.
Le principe du Moi, cet agent de liaison entre les deux inconscients, celui des gènes et celui de l’espace culturel, est une universalité pour tout un chacun. L’objectivité passe avant tout par une subjectivité, héritée du Ça des règnes antérieurs, de nos frères d’évolution, et d’un Surmoi, fruit des acquis de la civilisation. En relativisant ces inconscients, encore soumis au principe de localité, il est possible de trouver des racines encore plus profondes d’un inconscient collectif, universel et délocalisé. Une telle prise de conscience n’est pas encore descendue dans le quotidien empirique, qui pense encore le monde en quatre dimensions. Combien même la physique des particules nous enseigne, depuis l’aube du XXième siècle, les sagesses védiques de l’intrication quantique.
La douleur ou la peine que le « Je » peut infliger au premier venu, aimerai-je la subir moi-même ? Une telle phénoménologie réflexive sur soi-même semble élémentaire. Toutefois, elle est encore considérée comme un vulgaire adage, apparaissant encore superficiellement sous l’étiquette de la morale, dont peu ou prou veulent s’embarrasser. Il ne s’agit pas là de retomber sous l’emprise du vieux démon de la culpabilité, mais d’évoquer une expansion naturelle de la conscience. Une expansion que la science, la culture et un certain degré de méditation nous permettent de franchir, alors que les préoccupations du quotidien sont souvent beaucoup plus pragmatiques, centrées sur le « Je ». Cette authentique « méta-physique » élémentaire ne devrait pas seulement s’enseigner dans les cours de philosophie, mais bien plus tôt, dès l’école maternelle. Au chapitre de l’enfance, sans nul doute que la fonction pédagogique et mythologique des contes de fées devrait être réévaluée à sa juste valeur. L’essentiel n’est-il pas invisible aux yeux, comme disait le poète ? En apprenant à développer d’autres facultés cognitives, jugées subjectives, n’est-il pas possible d’aller plus profondément dans la globalité universelle ?
« Ceux qui sont prêts à sacrifier une liberté essentielle pour acheter une sûreté passagère, ne méritent ni l’une ni l’autre. »
Benjamin Frankin
La liberté est restée le maître-mot autour duquel les démocraties modernes se sont édifiées. Mais cette liberté est relative : elle s’arrête là, où elle commence à empiéter sur les plates-bandes du voisin. L’autre réalité, sine qua non au principe de liberté, est l’Union. L’espace social est ce champ de liberté, une base sur laquelle le « Je » peux jouir de sa liberté. Comment imaginer une quelconque liberté dans le néant, le vide ? Que peux signifier la liberté, dans une prison de solitude infinie, combien même une paix indicible y règnerait ? En un sens, liberté et union sont les deux faces d’une même pièce. En évoquant sciemment le terme d’« organ-isme » social, la biologie vient inévitablement se mêler au registre « poli-tique ». La politique désigne, étymologiquement, l’ensemble des règles structurant l’espace vital de la cité. L’analogie entre ce niveau d’organisation, de construction humaine, et celui du corps organique, engendré par la Nature, n’est pas incongrue. Du point de vue de la théorie fractale, ce modèle devient même pertinent.
L’universalité du « Je » par un « Nous » semble donc une clé essentielle dans les étapes à venir de l’humanité. La psychanalyse, la philosophie et les sciences naturelles devenues des champs culturels, des idées « universi-taires », prennent précisément corps au sein d’une réalité sociale, où les démocraties se sont notamment développées. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit plus de préceptes issus d’une vision sectaire du monde, mais d’une école de pensée qui s’est de plus en plus imposée à partir du siècle des lumières. D’ailleurs, l’expérience grecque d’Athènes et son Agora, qui nous ramène à un passé plus lointain, a été elle aussi le berceau d’une pensée se réclamant libre et indépendante, capable de géométriser l’observable. Cependant, cet épisode sociopolitique de l’histoire n’avait été jusqu’alors qu’un phénomène de type marginal, sur l’ensemble des civilisations du monde antique.
Toutes brillantes peuvent être les idées prônant la liberté et l’union, si elles restent des lettres et des discours reposant dans le tombeau des livres ou des traités, vaines sont-elle. Vaines, tant que l’individualité humaine ne les ressuscite pas de son Verbe. Il est encore nécessaire que ce Verbe s’élève, une ou deux fois par siècle, au-dessus de la mêlée des passions qui s’évertuent à servir le profit personnel. Ce « Je » luttant pour sa survie au détriment du « Nous » est un cancer social. Il faut lui livrer une lutte sans concession, au risque de voir se perdre les sacrifices que nos aïeux ont offerts, de leur « Je », sur l’autel de la démocratie. Des crises surgissent à l’échelon mondial, réclamant encore de lourds tributs en vie humaine, telles des poussées de fièvre d’un corps planétaire à la recherche de son équilibre vital. Ces groupuscules épars, guerroyant pour la prospérité de leur paroisse ou de leur entreprise, ne se sont pas encore éveillés à un intérêt encore plus grand, celui du corps social. Ce corps ne s’arrête évidemment pas aux barrières fixées par le « Je » nationaliste. À l’ère d’Internet, l’homme expérimente non seulement la sphéricité de la Terre, mais également la richesse de l’espace culturel, désormais à portée de clavier en surfant sur les autoroutes du cyberespace.
Force est de constater que le temps obéit à certaine loi du cycle. Un cycle inscrit sur les spires d’une spirale évolutive. Les événements inachevés de la constitution américaine de 1787 marquaient la pose d’une première pierre fondatrice, devant supporter un édifice archétypal plus important. La guerre civile de sécession de 1861, entre le nord et le sud, allait poursuivre les travaux de ce temple, n’existant que dans le cœur nouménal des hommes. En élargissant la base du grand rêve américain, aux autres minorités culturelles du corps social, il était question de réaliser toujours plus l’esprit de la constitution d’antan. De plus, comment ne pas voir par l’avènement de cette guerre exogène – basée sur le schisme – la résolution partielle d’un état endogène schizophrénique : le droit du citoyen, est-il défini par la couleur de peau et la race ? Aucun article de la constitution ne le stipulait. À l’instar d’un maître d’œuvre sur ce chantier de l’âme sociale, un certain Abraham Lincoln allait jouer le rôle qu’occupera prochainement Barack Obama. Au lieu d’une guerre maniant le fusil et le canon, il sera question de livrer une bataille plus subtile et psychologique – l’une des pires, car l’ennemi peut être un ami –, face au lobbysme de Washington. Le sénateur de l’Illinois s’est formellement engagé à réformer cette politique transigée en coulisse, toujours au service de quelques petits « Je ».
Peut-on faire une omelette, destinée à nourrir le peuple, sans casser quelques œufs couvés par une minorité de quelques privilégiés ? Il est temps de sonner le glas de ces manipulateurs du système, intouchables par les lois conventionnelles.
Au-delà de ces petites guerres partisanes, l’enjeu d’une conscientisation du « Nous » concerne l’équilibre de Gaïa. L’Amérique du nord et la France, qui ont été les premiers pays à s’affranchir du joug monarchique, ont contribué à exporter, chacun selon leur tradition, l’impulsion démocratique. Mais, l’idéalisme qui animait les fondateurs des droits du « nous-citoyen », souverain, a fini par sombrer sous le joug d’une autre monarchie, celle de Mammon. Cette dernière semble impossible à abattre, tant les convoitises et les divisions qu’elle suscite, sont profondément enracinées dans l’inconscient territorial du Ça. Dans la bible, elle est aussi le symbole de Babylone, celle qui se nourrit du sang du peuple, encensant le riche, affligeant le pauvre. Bref, derrière ces symboles, donnant accès aux arcanes de l’inconscient, l’émergence de la Jérusalem archétypale – Celle qui est planétaire – sera mis en péril, si une politique destinée à l’humain cesse d’avoir foi précisément en lui.
« En dernière analyse, notre lien commun le plus basique est que nous habitons tous la même petite planète, nous respirons tous le même air, nous chérissons tous le futur de nos enfants, et nous sommes tous mortels. »
John Fitzgerald Kennedy
Le politiquement correcte, à l’heure d’aujourd’hui, se détourne du Souffle, de la source même qui anime l’économie et donne vie aux idéaux. Nous voulons ici parler du protagoniste principal par lequel toute l’histoire mythologique a commencé, c’est-à-dire du fils de l’homme, de l’humain tout simplement. Une politique, qui repose presque exclusivement sur une logique de profit, où l’homme d’affaires et le représentant élu se confondent – sont en collusion – , est putride. Elle sacrifie des générations de jeunes, en détournant des moyens économiques pouvant soutenir à leur éducation. Parlons-nous, ici, de la nécessité d’un « neo-communisme » ? En faisant l’exercice de redécouvrir l’étymologie des mots, il est possible de retrouver l’essence plutôt que de se laisser abuser par leur nature existentialiste ; une certaine habitude d’usage, par l’abus de langage, finit par les ensevelir loin de la surface du conscient, éclipsant leur sémantique initiale. Alors, existe-t-il une relation d’équivalence entre « union » et « communion » ? Le premier s’accorde avec le terme sanscrit Yoga, dévoilant une connotation d’ordre individuel, soit celle du Moi en rapport avec un ensemble plus vaste que lui ; le deuxième s’attache, à réunir, dans un contexte spatio-temporel, un groupe de plusieurs individus. En d’autres termes, il existe une conception transcendante et immanente du « Nous », que le bouddhisme qualifierait, vu sous ce jour, de non-moi.
La montée de cette nouvelle identité collective est promue à dépasser le clivage des races, des pays et des confessions religieuses. Elle touche à la dimension sub-quantique de l’éternité, là où le temps et l’espace ont émergé du Big Bang originel, laissant l’« uni-vers » à sa destinée expansionniste. Une expansion, où ce « Nous » fondamental fleurit par l’Arbre de connaissance. Face à la menace d’un désastre écologique, il convient de prendre soin de nos racines, de réaliser que se rendre au chevet d’une certaine Mère terrestre est une question d’ordre familial. Elle, qui nous a enfantés ; elle fait partie de nous. En se gaussant un peu moins de la génération hippie, ceux-ci, en dépit de leurs actions fougueux et maladroites, ont été des précurseurs sensibles à la question planétaire ; le New Age n’est pas seulement un mouvement pop passé de mode, il est devant nous. De nombreux grands esprits sont sortis de cette jeunesse rebelle, obéissant aux impulsions profondes de ce « Nous ». Pareillement à son image microcosmique du « Je » biologique, le « Nous » affronte aussi ses crises de croissance.
D’ores et déjà, si nous voulons nous pouvons en finir avec les sources d’énergie non recyclable, briser le pouvoir de l’argent qui retient des brevets d’invention susceptibles de produire, à moindre coût, des véhicules de classe ZEV (Zero Emission Vehicule). Après la révolution des classes, puis celle industrielle, est venu le temps d’une nouvelle révolution écologique. C’est un changement dans les mentalités, au service du « Nous » planétaire, qui doit réellement s’amorcer. Il ne devrait pas y avoir de demi-mesures, en pareil contexte, engageant tout l’écosystème. Il n’y aura pas d’autres moyens que d’en arriver à supprimer, à décapiter par décret, quelques droits à la propriété mal placés, détenant scandaleusement prisonnières des technologies avancées promouvant des moteurs ZEF, par exemple. La lenteur d’application et les tergiversations, tournant autour des accords de Kyoto, feront pâles figures à côté des réels changements qui doivent s’imposer coûte que coûte. La diminution de gaz à effet de serre demeure encore la sollicitation d’une grâce, mise entre les mains du pouvoir discrétionnaire des hommes d’affaires. Et si timides sanctions il y a, portant sur des crédits d’impôts ou autres rengaines de ce type, elles resteront encore conçues de manière à ne pas égratigner l’ego de ces promoteurs, payant leurs comptes de taxes et employant des électeurs. L’état doit légiférer sans faux-semblants, conduisant la politique étasunienne de demain à devenir un exemple dans ce domaine. Ce qui est présentement aux antipodes d’être le cas.
Est-ce que ces propos sont complètement utopiques ? Il suffit de se remémorer, lors de la seconde guerre mondiale, comment la formidable industrie américaine a su devenir, en l’espace de quelques mois, la plus grand machine de guerre de l’histoire : le Tournant de 1942. L’humiliation de l’attaque de Pearl Harbor, du 7 décembre 1941, avait déterminé l’entrée en guerre officielle des É.-U. Fouetté dans son orgueil, le Pays de la terre des braves a mis tous ses efforts à une rénovation de son industrie lourde : les usines produisant à l’origine des véhicules touristiques se sont reconverties, en moins de temps qui ne le faut pour le légiférer, dans la confection chars d’assaut prêts à aller sur le front.
« La seule limite à notre épanouissement de demain sera nos doutes d’aujourd’hui »
Franklin Delano Roosevelt
Franklin D. Roosevelt avait essuyé personnellement les affres d’une longue maladie, dont les séquelles restèrent toujours persistantes et affligeantes, alors qu’il exerçait ses fonctions présidentielles. La démonstration d’un tel courage, vécu silencieusement, illustre à quel point, les promesses et les excuses masquent une faiblesse de caractère. Ou plutôt, devrait-on parler de faiblesse dans la capacité à prendre conscience de l’impermanence des acquis de ce monde. Comme l’enseigne le chamanisme, la mort nous pourchasse, nous exhortant paradoxalement à apprécier chaque instant, porteur d’une nouvelle vie. Réaliser cet état de fait, doit donc quelque part nous amener à suivre inconditionnellement le flux d’une existence dépassant l’horizon personnel, et entreprendre sans gêne ce qui n’a jamais été fait auparavant. Le réchauffement climatique, la destruction de la couche d’ozone, sont des menaces mondiales autrement plus graves que celles qui planaient par la montée du fascisme. Elles viennent cogner aux portes de la perception pour annoncer la fin d’une période d’insouciance. Une telle réalité doit amener les gouvernements à adopter des mesures similaires à celles décrétées en temps de guerre, sous la loi martiale. De telles injonctions s’adressent naturellement aux secteurs-clés de l’industrie, visés par la problématique. Ce mouvement prendra d’autant plus d’ampleur, qu’il émane d’une nation ayant triomphé, jadis, pour le droit à l’autodétermination des peuples de l’ouest, y compris pour ceux qui ont été du camp des vaincus.
La restriction identitaire à une nation est déjà en passe de s’élargir, bon gré mal gré, vers ce « Nous » plus réel, car plus vaste que le premier ; il s’étend, comme nous l’avons à plusieurs reprises martelé, à l’échelon d’une conscience planétaire. Les nouvelles générations étonneront les anciennes. Mais avant cela, une impulsion doit être donnée, et elle viendra paradoxalement du pays où le mal est né, là où l’économie de marché a principalement débuté. Peut-on parler à ce titre d’une forme de karma qu’un pays, sur le plan écologique, a contracté envers la planète ? Pourquoi pas.
Le mandat du futur président Barack Obama est de taille, et chacun d’entre-nous, à sa façon, pouvons l’aider à ce qu’il y parvienne. Je parle du volet écologique, là où les frontières ne sont que des lignes imaginaires, tracées sur le papier des cartes géographiques. « Oui, Nous pouvons le faire ! », nous pouvons ensemble aller vers une Unité plus parfaite, plus complète. Une Unité capable d’intégrer, par métissage génétique ou par multiculturalisme, ses apparentes contradictions. Car, complémentaires sont-elles, à des niveaux occultes. Chacune des parties est une pièce venant s’emboîter dans un vaste puzzle aux ramifications mondiales. Il s’agit d’une vision holistique, qui apparaîtra naturelle pour nos successeurs, touchant à un Graal reconstitué et renouvelé de l’unité des peuples. Lorsque le particulier sera reconnu pour sa valeur intrinsèque, fonctionnant en synergie avec les autres particularités, la Lumière poindra au bout du tunnel. Leur harmonisation subtile restituera les clés d’une Cité, bâtie pour l’Homme global et faite de champs culturels unifiés, par où s’écoulera l’inimaginable Illumination collective. Celle-là même qui a été annoncée depuis des temps immémoriaux.
« Le meilleur de la politique, ça passe par le fait de nous reconnaître les uns dans les autres. Et le pire de la politique, c’est de considérer les immigrants, ou les femmes, ou les noirs, ou les homosexuels, ou les Mexicains, comme quelque chose de séparer, en-dehors de nous. »
Barack Obama, le 26 octobre 2006
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