Bayrou veut s’opposer sans s’opposer
Délaissé par les trois quarts de ses élus, banni par notre nouveau président, l’ex troisième homme du Béarn tente depuis dimanche de se raccrocher aux hélices du yacht. Sa dernière trouvaille : un appel à la « résistance » lancé en même temps que son « Mouvement Démocrate » (le « modem ») dont les membres ne seraient pas à l’étroit dans une cabine téléphonique.
Bayrou exècre la défaite : déjà, entre les deux tours, bien avant Malte et ses eaux bleues UMP, le candidat UDF, crédité d’un insuffisant 18%, avait fait tout ce qu’il pouvait pour prouver qu’il existait encore, comme le chantait France Gall. (Résiste, prouve que tu existes) Il avait joué des pieds, des mains et de ses oreilles pour organiser un fumeux débat qui n’avait au final ému personne et pas servi sa candidate de cœur, Ségolène Royal. L’homme du Béarn, ennemi du sacro-saint « clivage » droite-gauche, n’avait pas voulu ni entendre ni respecter le choix des électeurs qui l’avaient mis hors course (troisième) pour le second tour, et s’était, à la faveur de médias compatissants, inventer un rôle d’arbitre. Mal lui en prit : un à un, ses députés, « fidèles » et « engagés » se mirent alors à la vitesse d’un yacht de Bolloré, à rejoindre le grand favori des sondages pour s’assurer leurs fauteuils aux législatives.
Après la victoire de notre désormais fastueux président, le petit François est ressorti à nouveau de sa tanière en prononçant une déclaration plutôt fade le soir des résultats, discours sans intérêt heureusement tronqué par des télévisions qui n’avaient d’yeux que pour les règlements de compte de la gauche ou les amuse-bouche de la droite. Ce soir-là, certains de ses partisans, et François Bayrou lui-même, virent dans ce montage classique et salutaire de son allocution les premiers signes d’une grande « censure » de l’information à venir. N’importe quoi, cela va sans dire. N’en restant pas là, hier 10 mai, jour anniversaire de l’élévation au Panthéon de ce cher Mitterrand, jour de célébration de la fin de l’esclavage, le sympathique chef centriste (chef d’une armés de moins de 10 hommes) a rebaptisé sa cabine téléphonique UDF en lui donnant le doux sobriquet de Mouvement Démocrate. Mieux que Parti Démocrate initialement prévu, et dont les initiales (PD) auraient prêté trop facilement à la raillerie.
Le Mouvement Démocrate (ou « modem » selon les jeunes Bayrouistes) kesako ? Un « contre pouvoir », explique le chef, dans une de ces conférences de presse sur fond orange dont il ne se lasse plus. Un « contre pouvoir » pour donner le change, ou en tout cas essayer, à l’UMP qui, « bien sûr », selon Bayrou, aura « la majorité absolue » après les Législatives de juin. "Tout cela constitue un pouvoir comme il n’y en a jamais eu en France", a-t-il insisté. "En face de ce pouvoir, il faut des contre-pouvoirs, pas forcément des contre-pouvoirs négatifs ou de destruction." (...) "Moi, je veux établir une nouvelle règle du jeu (..) : quand c’est bien on le dit, quand ce n’est pas bien on vote non", a expliqué le député béarnais, cité dans Le Monde. On voit là toute l’ambition démesurée du bonhomme : contrer l’UMP, mais seulement si « c’est pas bien ». Sinon, approuver. En somme, rien de neuf que ce que fait l’UDF depuis des années. Rien de neuf, aucun changement, aucune vision nouvelle, aucune révolution. Tout ça (la campagne, le troisième homme, le clivage) pour en revenir à la case départ : un centre plutôt de droite, sauf exception. Une « opposition » qui ne « s’interdit pas » de...ne pas s’opposer !
Marielle de Sarnez, grand manitou de la campagne de l’homme orange, a précisé sur Canal+, hier, que le Mouvement Démocrate présenterait des candidats dans « toutes les circonscriptions ». Ce qui fait une belle jambe à Sarkozy. Lui a annoncé qu’il laisserait le champ libre, comme convenu, aux députés UDF qui l’ont rallié pendant la campagne, et qui veulent d’ailleurs, à leur tour, créer un autre parti centriste. (Le Parti en Mouvement ?) Partout ailleurs, l’UMP bloquera la route aux centristes, nouveaux entrants ou vieux sortants. Autrement dit, l’armada de Bayrou aura peu de chance, sur ces législatives, de se renforcer. La cabine téléphonique n’affichera pas complet fin juin, loin de là. A moins que...
A moins que Bayrou finisse par céder aux sirènes de gauche : celle de DSK, qui n’en démord pas, veut à tout prix créer un parti « social démocrate » affranchi du socialisme de papa, pu celle de Royal et Dray, partisans d’une « alliance arc en ciel » pour reprendre les mots de la dame de Melle, qui permettrait de "concevoir les conditions d’un nouveau rassemblement majoritaire dans le pays", pour citer Dray. Ce même Julien, qui assure que sa championne défaite a « eu raison » de parler d’un « bout de chemin » à faire avec le candidat centriste. Pour Dray, Bayrou est en train de « larguer les amarres » avec « sa famille d’origine, la droite », constat que Bayrou lui-même a contredit hier.
Tout cela n’est pas très clair, mais ce qu’il l’est, en revanche, c’est que le Président élu, entre deux voyages en Falcon, une suite au Fouquet’s et un pousse café à l’Elysée, a peu à craindre d’une opposition morcelée, composite et déjà divisée qui menace de ne pas développer grand-chose en chevaux fiscaux.
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