Ben Laden, l’homme a l’oreille cassée
Ce billet provient d'une remarque entendue récemment dans le métro Lillois : "ils nous cassent les oreilles, là, avec Strauss-Kahn. Hier c'était avec Ben Laden, ils charrient là à la télé"... Certes, à voir tourner en boucle les images d'un prédateur sexuel ("supposé", dit-on toujours en France), récemment déchu de son titre de directeur du FMI, je n'étais pas loin de me dire que la personne qui avait sorti ça devait être assez proche de l'opinion générale dans le pays. Mais au lieu de m'intéresser aux turpitudes des éléphants, l'idée m'est venue d'en revenir au mot "oreille", auquel on avait ajouté "cassée". C'est assez tordu, comme démarche, mais bon... Jeune, j'avais adoré un bouquin d'un auteur présenté comme précurseur de la Science-Fiction, qui m'a nourri pendant un bon nombre d'années (en me donnant ce goût pour la science, surtout !). Edmond About, l'un des premiers (avant Clavel) à évoquer le paradoxe temporel de l'homme décédé revenant vivant plusieurs années après... Un bouquin intitulé "l'homme à l'oreille cassée". L'histoire d'un soldat de l'empire qui avait été congelé. Ben Laden étant pour moi mort depuis longtemps, ce rappel sonnait pas trop mal : un corps congelé, ça peut aussi se jeter à l 'eau des années après. Rentré le soir chez moi, je retrouve le bouquin... et allume mon ordinateur, qui me parle... de l'oreille (cassée) de Ben Laden.... Etonnant télescopage !
Mais revenons-en tout d'abord au livre. La quatrième de couvre indique "En 1859, Léon Renault revient de Prusse, où il a fait fortune, pour épouser la jeune fille qu'il aime : Clémentine Sambucco. Parmi les nombreux cadeaux qu'il rapporte, le plus étrange est... un soldat de l'armée de Napoléon, mort depuis 46 ans et cependant parfaitement conservé : le colonel Fougas. Avec l'aide de plusieurs savants, il réussit à lui redonner vie. Mais qui est cet homme ? Pourquoi a-t-il une oreille cassée ? Pourquoi, depuis qu'elle a vu le colonel Fougas, Clémentine ne veut-elle plus épouser Léon ?". On se doute pourquoi, de ce mariage qui part en vrille. Le fameux colonel Fougas décongelé est en fait devenu le rival involontaire de son propre petit gendre : le fameux Léon, pas vraiment gâté dans le bouquin (les Léon seraient-ils des individus maudits ?). L'ancien cadavre, l'Hibernatus d'avant l'heure (mince, la scène de réveil nous ramène à New-York !), enfin l'ancien hussard congelé est tout simplement tombé amoureux de sa petite-fille.
Le paradoxe désormais classique du voyageur du temps (celui dit du "grand père"), avec lequel Barjavel élaborera son magnifique "Voyageur imprudent", calqué sur le thème d'H. G. Wells. Or, derrière ce roman, il y avait un découverte scientifique : comme Jules Vernes, About était féru de sciences. C'est son ami le physiologiste Charles Robin qui lui avait parlé des rotifères, les "wheel animalcules" ces étranges créatures capable de sombrer dans un état de léthargie extrêmement profonde et de ressusciter plus tard. Avec son personnage plongé dans un cercueil rempli de glace, About avait imaginé 120 ans avant ce que des adeptes de la réanimation ont fait dans les années 1980 : se faire cryogéniser à leur mort, en espérant que les progrès de la médecine des siècles futurs leur permettront de revivre. Pour Ben Laden, c'est un peu la même chose : congelé ou pas, il continue à envoyer des messages similaires en tous points aux précédents, même une fois mort... et pourtant, Fontainebleau n'est pas Abbotabbad.
Il est temps d'y revenir, maintenant, à notre fameuse oreille de congelé. Dans les fameuses vidéos "découvertes" dans la villa ou était censée être réfugié Ben Laden, l'une d'entre elles était véritablement nouvelle, les autres étant des chutes de studio datant d'avant 2004. Celle, ridicule, d'un vieillard cacochyme réfugié sous une couverture et zappant à la télévision ses propres exploits datant de 2002, une des vidéos où on le voyait une dernière fois vivant. Une vidéo le représentant qui soit encore crédible, enregistrée, comme j'ai pu déjà vous le dire, dans les environs mêmes d'Abbotabbad, où il était déjà dès début 2002 donc. Or, sur cette vision fugace, rien ne va : les prises électriques qui pendouillent au mur, l'installation globale digne d'un amateurisme flagrant (le courant se répartit par une série de rallonges finissant par fabriquer un arbre de Noël) leurs normes, éloignées de celles en usage au Pakistan, l'usage de la zappette par la main droite, bref, encore une fois l'image présentée est sujette à caution. A vérifier la vidéo de 2008, ou à 1'53" du début, un Ben Laden bien portant tourne des pages d'un discours en arabe avec la main droite, alors qu'il est réputé gaucher par le FBI lui-même, et surtout aligne ses pages tranquillement sur la droite, alors qu'elles devraient être à gauche, sens de lecture arabisant oblige... n'importe quel imam lit ainsi, sauf lui. Sur cette vidéo de lecture et commentaire d'adith, et sans rien comprendre à ce que peut bien dire le dénommé Nawawwi (désolé !), on ne peut que constater l'évidence ; l'arabe se lit autrement que ne peut le faire Ben Laden. A 1'57, quand il tourne sa page, cela correspond pour nous occidentaux à revenir en arrière dans le texte ! Ben Laden, ou le supposé Ben Laden, ne lit pas un texte écrit en arabe, c'est flagrant. Ce ne peut pas être pire que son porte-parole, l'ineffable Adam Gadhan, qui lui, parle en arabe avec prompteur, avec un texte obligatoirement en phonétique défilant sous ses yeux de gauche à droite, alors qu'il devrait le faire de droite à gauche. Ce clown grotesque bombardé personnage important d'Al-Qaida après qu'il soit passé par les mains du FBI a été tout simplement trahi par son prompteur !
Pire encore lorqu'un internaute plus curieux encore va s'amuser à zoomer sur le visage du prétendu Ben Laden. Et se positionner sur son oreille. Or, on dispose en comparatif d'une autre vidéo d'interview réel, celui-là, de Ben Laden, datant de 1998, faite par la chaîne ABC, où l'angle d'une des caméras était semblable. Et la stupeur : les deux oreilles ne se ressemblent pas du tout. Or, dans le corps humain, même si l'individu vieillit, ses oreilles aux traits caractéristiques ne peuvent changer de forme. Craignant une manipulation, j'ai revisionné la séquence ramenée du Pakistan : elle ouvre bien sur ce gros plan d'oreille avec un pavillon présentant un repli vertical accentué. L'autre vidéo est ici. On remarquera aussi que sur cette vidéo, le nez de l'homme le plus recherché au monde n'est pas busqué, mais droit, ses narines ne sont pas épatées, et ce nez n'est pas dans l'axe vertical du visage, mais penche sur la droite (à gauche donc vu de face). Or la fameuse vidéo de 2008, retrouvée (quel hasard !) dans sa villa, celle à la barbe noire reprenant une vidéo de 2004, elle-même datant de....2002 nous présentait un tout autre profil. Voilà un Ben Laden au nez plus épaté à la base et de travers de dans l'axe du visage, qui est redevenu axial dix ans après ! Le reclus pakistanais avait-il une salle de boxe en arrière-cour ?
Bref, on le voit, les "explications" données par l'équipe d'Obama sur la prétendue capture de Ben Laden paraissent plus qu'insuffisantes, le coup du vieillard ressemblant par trop à une vidéo déjà compromettante, de décembre 2001, largement commentée et critiquée, tant par le fond que par la forme. Le staff d'Obama a décidé de clore une duperie, en étant contrainte et forcée d'en fabriquer une autre pour faire avaler une couleuvre entretenue depuis près de 10 années.
Ce qu'il y a de fabuleux dans cette manipulation, c'est que le message posthume qu'est censé avoir délivré le reclus pakistanais est strictement identique dans sa forme à ceux qu'il prétend avoir envoyé depuis 2008 et même 2004, voire bien entendu avant, les messages parlant de l'actualité étant on l'a vu intégrés dans des séquences fixes de l'image. Visiblement, IntelCenter et Site ont utilisé le même moule que pendant au moins 6 ans, date à laquelle les vidéos données comme sortant de l'atelier As-Sahab, censé être celui de Ben Laden, alors que le plus que léger mercenaire Jack Idema en avait fait la visite lors d'une de ses nombreuses fanfaronnades. Tout le monde aura remarqué que certaines prises de vues de l'ineffable Adam Gadhan, toujours recherché comme proche de Ben Laden, ont été tournées dans une maison qui n'a rien de pakistanaise ou d'afghane, avec un toit en sous-pente, inimaginable dans ses latitudes. Quant au "mug" siglé As-Sahab, il faut quand même se rendre compte que ça ne peut rien avoir d'islamiste, mais bien sorti d'une culture américaine. SITE continue à fournir avec zèle ce qui a fait son existence depuis des années : la désinformation. Sur ce site, la photo de la page de Gadhan fait de la publicité aux cinq pieds nickelés du djihadisme : Ben Laden, son adjoint Al-l-Zawahiri, au milieu un inconnu, l'ineffable Gadhan, arrêté jeune par le FBI, et le petit nouveau du lot, le double en look du "diamant du Nil", j'ai nommé Anwar Al Aulaqi, l'homme aux célèbres imprimantes piégées à faire peur, et le visiteur du soir du Pentagone à ces heures... à noter l'incroyable message publicitaire de SITE, qui annonce pouvoir délivrer au plus vite les traductions des messages djihadistes à qui en ferait la demande (sur abonnement !) : qui a réalisé, pendant des années la propagande de Ben Laden ? Qui a répandu ses idées, sinon... SITE, derrière lequel on le sait se cache l'intriguante Rita Katz, à la double nationalité américaine... et israélienne ?
La seule nouveauté de ce grand cirque qui se perpétue, malgré la mort annoncée (mais en rien prouvée !) c'est que Ben Laden parle désormais comme Barrack Obama, en évoquant les luttes libératrices du proche-orient comme des symboles démocratiques. On sait que sur la question le gouvernement US a plus que tergiversé : entre le soutien inconditionnel à une CIA avec laquelle il faut bien composer (cet état dans l'état étant difficile à contourner) et le soutien réel à une démocratie qui ne lutte pas cette fois contre une invasion communiste, Obama à fini par montrer le cap : or c'est le même que délivre un Ben Laden mort. On peut y voir une reprise en mains du dirigeant si critiqué par son attentisme qui aurait enfin fini, par la rocambolesque opération décrit comme la capture de ben Laden par se débarrasser de l'encombrant héritage laissé par son prédécesseur. J' avais déjà écrit ici que les frappes de drones n'étaient que "le solde de tout compte" des compromissions des gouvernements précédents (Bush, mais aussi Clinton) avec ceux qui étaient censés devoir bouter les soviétiques d'Afhanistan. Le solde continue, avec au milieu l'elimimination d'un encombrant personnage qui n'est pas ce mythe, mais un des principaux dealers devenus encombrants pour la CIA car travaillant sur les mêmes terres... et les mêmes champs de pavots.



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