Ben Laden : la fabrication complète d’un Frankenstein (3)

Résultat, voilà donc notre étudiant US attardé, ancien fan de hard-rock, bombardé islamiste labellisé. Au point de service d’image de référence : quand un journaliste du Nouvel Obs nous ressort un topo sur les femmes de martyr, où il nous refourgue l’inévitable Malika al-Aroud, soupçonnée depuis longtemps d’être liée à la CIA, tant elle a échappé à toute condamnation (on a conté son aventure surprotégée ici), il choisit comme photo représentatrice non pas celle du jordanien, mais de Gadahn !!! Le mensonge, ça paye avec les gens inattentifs ! L’article n’est pas du Nouvel Obs : il provient de Newsweek ! Or, dans l’article orignal, nulle trace de Gadahn ! Comment y est-on arrivé ? Parce que Gadahn a été un jour proposé comme représentatif d’Al Qaida et recollé depuis tel quel partout : ici, l’original était signé Associated Press. On a retrouve aussi chez FoxxSport ...estampillée "taliban". Adam est devenu le taliban universel !

Sur le net, on le trouve encore en 2005 en train de prédire des attentats sanglants à Melbourne ou à San Francisco : ce gars-là s’intéresse aux Jeux Olympiques, visiblement ! "Hier Londres et madrid, demain Melbourne et San francisco" menace-t-il de ses petits points de post-adolescent attardé : il n’y a eu aucun attentat d’Al Qaida dans ces villes et aucun de déjoué. Mais les annoncer (via... IntelCenter !) là où il y le plus de monde à ce moment là voilà bien le but : faire peur. Le but même du mythe, le cauchemar entretenu : celui d’une organisation créée de toutes pièces par des services secrets mettant en place le Pouvoir des cauchemars. Gadahn est grotesque, et il est à lui seul une caricature de terroriste.Il n’a jamais quitté son petit confort (et son mug !). Et pour certains même n’a jamais mis les pieds en Afghanistan ou au Pakistan, et ne sait toujours pas parler arabe sans son prompteur : il n’a AUCUNE crédibilité dans ses vidéos ridicules. Et pourtant, il figure en très bonne place dans la liste des terroristes du FBI, remise à jour avec cette parutions de portraits retouchés. Gadahn, un des artistes préférés d’ IntelCenter, qui sort les vidéos des terroristes en priorité, et qui vend comme par hasard pour sa promotion un... mug, comme celui siglé As-Sahab qu’utilise Gadahn : ce qui identifie un américain ce sont ces habitudes, et notre islamiste d’opérette n’échappe pas à la règle. Et encore moins ses diffuseurs privilégiés.

Qui fabrique-donc ces vidéos ? As-Sahab, être censé être le studio de Ben Laden, ou d’autres ? Qui place le logo après enregistrement pour certifier l’enregistrement du label Al-Qaida ? Certainement pas As-Sahab ! Il y en a d’autres pour ça. L’histoire de l’arrestation d’un jeune jordanien, passée inaperçue en octobre 2009, au Texas, est pleine d’enseignements et je suis surpris que les médias l’ont ignorée (une de plus !). Hosam Smadi, arrêté pour avoir tenté de placer une bombe dans la fontaine d’un hypermarché de Dallas n’est certainement pas un cas isolé. Pas dans le projet, mais dans l’aide dont il a bénéficié pour le faire : on y apprenait, en effet, un peu sidéré, que l’étudiant dépressif avait réalisé une vidéo de sept minutes destinée à Ben Laden, très certainement du genre habituel, avec grands adieux devant un slogan islamiste en blanc sur fond noir. Tous ont le même lettrage, à croire que les islamistes radicaux ont le même fournisseur. Ou le même logiciel (Wordart !).

Or qu’apprend-on dans la dépêche de son arrestation ? Que pour faire la vidéo, ce sont des agents du FBI qui s’en étaient chargé... où s’arrête le faux, ou commence le vrai : quand on sait que les premières vidéos islamisantes de Gaddan avaient été faites sur le sol américain et affichées comme "preuves" sur le site même du FBI, on peut tout craindre. Oui, on fabrique bel et bien des vidéos, et le label As-sahab et surtout son circuit de distribution qui comprend des officines douteuses comme celles du MEMRI ou de Rita Katz sont discutables. D’un côté on vieillit des photos,de l’autre on fabrique des adieux de kamikazes. Et quand le projet du kamikaze n’est pas jugé "suffisant" on l’arrête. Simple, non ?

Car il est vrai qu’Al-Sahab ("le Nuage"), le studio de production d’Al Qaida, si en cheville avec Site Group, à qui il réserve ses exclusivités, c’est aussi tout un poème : il est enregistré en site internet en Allemagne, via COMPUTER SERVICES LANGENBACH GMBH DBA JOKER.COM, sous le nom donc d’un dénommé "Joker ", et sous le préte-nom de Peterson-Hoffman. Des noms liés à cet officine connue, IntelCenter, « a private contractor working for intelligence agencies ». Une société gérée par Ben N. Venzke, ancien des services secrets lui aussi et l’un des premiers à vouloir nier la mort de Ben Laden avec autant de véhémence (c’est son gagne pain, on le comprend un peu !). Annonçant par exemple sa certitude que Ben Laden était vivant lors de l’annonce du décès d’Abu Musab al-Zarqawi, alors que selon la DGSE française une seule source (insuffisante) accréditait le fait qu’il soit encore vivant. Le général français Henri Bentégeat, à l’époque, avait en effet affirmé que personne ne savait s’il était en vie ou mort, ce qu’il faudrait rappeler à notre chef de l’Etat, qui le pense toujours vivant. Venzke ne sert depuis longtemps qu’à agiter le chiffon rouge Ben Laden, comme Rita Katz du SITE Group ! Quand il ne se présente pas comme « CyberSleuth »…. SITE Intelligence et IntelCenter, c’est bien le même combat douteux de propagande alarmiste. Leur étrange proximité intrigue : IntelCenter a des moyens de production vidéo, et SITE Group des moyens de distribution : on songe évidemment obligatoirement à la fabrication complète de certains documents, qui n’arrivent plus depuis longtemps par la voie traditionnelle de la cassette VHS ou Betamax ou le DVD disposé dans une boîte aux lettres de Peshawar ou de Quetta… ou via les télévisions réputées « amies » telles Al Djazeerah. Le danger de désinformation est immense, surtout que l’on sait aujourd’hui les ravages des fausses vidéos auprès du public !

Et pour les retouches photos, même topo : le FBI a fait ça à la va-vite. Et pour aller vite, sur Photoshop, c’est bien connu, on ne va pas imaginer tous les traits. On va interroger une base de données existante, et piocher dedans le plus ressemblant : c’est la technique habituelle du portrait robot. Seulement d’autres outils de reconnaissance de morphologie existent aujourd’hui : et certains sont facilement accessibles sur le net. Résultat : trois jours à peine après la parution des images retouchées, des internautes ont trouvé la solution. Obligeant le FBI a avouer s’être beaucoup "inspiré" de la photo d’un diplomate espagnol pour faire un montage du type bricolage de débutant de Photoshop ! Un député s’est en effet reconnu dans le cliché : Gaspar Llamazares, 52, ans membre du parti communiste espagnol et du groupe de l’union de la gauche au parlement qui a très vite averti les médias de ce qui est donc bien une supercherie de plus ! Lui qui est un opposant farouche à la guerre en Irak n’a pas du tout apprécié l’utilisation de son image ! Une fort grossière fabrication, donc, et non des "centaines d’heures de recherche" comme il avait été clamé au départ !! La photo d’origine, on la trouve en deux pages de Google. Incroyable facilité et incroyable histoire : on s’est bien amusé à fabriquer de toutes pièces un Ben Laden devenu Frankeinstein véritable aujourd’hui, puisque fabriqué à partir de corps différents ! 

Qualitativement, c’est un autre problème : la photo ne peut qu’être de mauvaise qualité au final : elle est techniquement en 72 points/pouce et au départ déjà fort dégradée en JPEG. Récupérée tel quelle sur le net, elle doit aboutir à un document à 300 points pour être imprimée. L’image va être un patchwork de résolution différentes et de compression/décompression successives en JPEG. Rien de pire : résultat, les cheveux poivre et sel deviennent des gros carrés blancs.Ben Laden passe dans la catégorie "Heads and Shoulders". La "headanshoulderisation" des images est encore plus visible chez un autre leader historique d’Al Qaida, le mollah Omar, lui aussi traité à la louche par le retoucheur fou.

Les pellicules, c’est le fameux Mollah Omar qui en hérite, en effet, le long de sa barbe. Et comme l’image de base est à nouveau empruntée sur Internet, elles sont énormes. La retouche est inexistante, et on tombe de haut à nouveau sur le but visé. Ben Laden mort, le mollah est en fait la seule grande figure subsistante d’un Al-Qaida "branche historique". Et cela, les américains le savent bien, et Gordon Duff ; vétéran des opérations spéciales l’a bien noté également : " En 66 pages, le Général Stanley McChrystal ne mentionne pas une seule fois Oussama Ben Laden. Il n’y en a que pour "le Mollah Omar" à présent. Lors de son intervention à West Point, le Président Obama n’a jamais mentionné Oussama Ben Laden non plus. Pour le Colonel Pappas, c’est très clair : le vice-président Cheney "a laissé tomber" Ben Laden il y a longtemps. Ce dernier a été tué par des soldats américains il y a plusieurs années." Une statégie de plusieurs dirigeants amércains clairement décrite par Duff : "L’Amérique sait qu’Oussama Ben Laden est mort le 13 décembre 2001. Après cette date, son nom a servi moins à unir l’Amérique qu’à la diviser, à piper les dés. Une fois le cas de Ben Laden réglé, nous aurions pu commencer la reconstruction d’une Nation légitime en Afghanistan, au lieu d’affronter une insurrection sans fin que nous avons nous-mêmes inventée". Or étrangement, Omar ne figure pas dans les "terroristes les plus recherchés" mais dans les "recherchés par la justice". Pourquoi donc ce distinguo ? 

Et pourquoi donc aussi ressortir ce fameux Mollah Omar, pas vu depuis 2001 non plus, qui resurgit en juillet 2009 sous la plume d’un journaliste du Washington Post, réputé conservateur ? "Il n’est plus apparu depuis, même en vidéo, contrairement à son ancien proche allié Oussama ben Laden. " ajoute même le journal, qui affirme que les attentats de cette époque ont été ordonnés par lui ! Sans plus de preuves que cela ! Le Washington Post va même nous pondre pour cela un "code d’honneur taliban" rédigé par notre fameux enturbanné ! Le journal a même retrouvé le manuel, complaisamment filmé.. pour argumenter sur une "réorganisation" subite des Talibans. On voudrait montrer que l’adversaire est plus tenace qu’on le croit qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Or tout le monde a oublié une chose dans l’histoire : le mollah Omar est totalement... illettré ! Le livret qu’il aurait rédigé (?) est donc très certainement un faux, mais il sert à quelque chose. Fabriquer un adversaire plus coriace, mais aussi plus "ouvert" qu’il n’y semblait. Parmi les "directives" édictées soi-disant par le mollah Omar en effet on trouve l’interdiction d’échanger des prisonniers contre de l’argent. La base même de fonctionnement de la prise d’otages talibane. Tenter de faire croire à pareil ordre est un sommet de propagande digne de Colin Powell à l’ONU ! 

Mieux encore : le jour où une chaîne de télévision parle de ce fameux petit ouvrage, elle fait venir un "expert", présenté comme étant Laurence J.Korb, venant au nom du "Center For American Progress". En oubliant de dire que notre "expert" est aussi membre du "Center for Defense Information", autrement dit un contractuel travaillant pour le Pentagone. Il a été assistant du secrétaire de la défense de 1981 à 1985, (sous Reagan, donc !) où il contrôlait "70% du budget de la défense". Et c’est lui qu’on invite pour expliquer un "renforcement" de la direction d’Al-Qaida ? La ficelle est grosse, très grosse ! L’homme rappelle que les USA dépensent 100 millions de dollars par jour pour combattre les talibans. Ça vaut bien un petit livre en plus... l’autre invité du jour étant Ahmad Shah Ahmadzai, ancien ministre afghan, dans un décor faisant énormément penser à celui des mises en scènes d’As-Sahab !!! Il défend lui l’idée de talibans qui se "corrigent" ainsi de leurs "erreurs". Et le fait qu’un "soldat" taliban est payé 400 dollars/mois, le double d’un soldat afghan... Le message cette fois étant de faire passer l’idée de "talibans modérés" et d’un renforcement de l’aide à Karzaï, dont le petit manuel serait le porte-parole ! A la fin de l’émission qui intervient ? Karzaï bien sûr, pour faire un discours sur les fameux talibans "modérés" ! Le tour est joué ! Dans toute l’affaire, le mollah ressorti de sa tombe, et dont on n’aura bien sûr aucune image, n’est qu’un superbe... prétexte ! L’homme invisible a encore frappé !

Les fausses images appellent les faux textes, etc. Comme tout a commencé dans le mensonge, autant y rester. Ou alors c’est se dédire : et là un système complet s’écroule. Autant continuer à mentir. Au final, c’est le site Daily Kos qui pose la bonne question ; qui fait le plus peur ? Ben Laden ou Ben Venzke, le directeur d’IntelCenter qui fournit en priorité toute la communication de Ben Laden, et ses relais évidents que sont le MEMRI et Rita Katz ? Pour ma part, il y a longtemps que j’ai tranché : Ben Laden est mort, et ceux qui entretiennent sa flamme sont bien les mêmes qui sont censés courir après lui. Ben Laden, et ceux figurant sur la liste des recherchés, que je vous propose d’analyser demain si vous le voulez bien.