Benoît 16, cardinal Sarah VS pape François ?
Benoît 16, Joseph Ratzinger, d'origine allemande, le "pape émerite" vit au Vatican au monastère Mater Ecclesiae après avoir démissionné le 28 février 2013 et avoir été le 265ème pape de l'Eglise catholique à partir du 19 avril 2005. Il a 92 ans et consacre sa fin de vie à la méditation et à l'étude, en érudit qu'il a toujours été. On se souvient de la pédagogie revendiquée de l'auteur dans la trilogie consacrée à Jésus de Nazareth. La force de sa parole dans son grand âge fait l'unanimité des observateurs.
Robert Sarah qui fut le plus jeune évêque ordonné en décembre 1979, est né en Guinée en 1945. Cardinal de Conakry il fut créé cardinal par Benoît 16. Benoît 16 s'est félicité, par la suite, de sa nomination par le pape François, à la tête de la Congrégation responsable de la célébration de la liturgie dans l'Eglise. Certains voient en lui le futur premier pape noir de l'histoire de la chrétienté.
Les 2 hommes publient en ce mois de janvier un livre, "Des profondeurs de nos coeurs", qui apporte la polémique puisque des commentateurs y voient une opposition frontale avec les options du pape François en ce qui concerne le célibat des prêtres et la réforme de l'Eglise qu'il a entreprise. Qu'en est-il ?
L'objet du livre est bien l'avenir des prêtres, le sacerdoce catholique, le respect du célibat des prêtres. 2 textes sont présentés au lecteur croyant ou non, l'un de Benoît 16 "le sacerdoce catholique", l'autre du cardinal Sarah "le célibat sacerdotal". Tous les 2 ont pour point de départ de leur réflexion, le synode d'octobre 2019 sur l'Amazonie. Cette assemblée d'évêques, de religieux, de religieuses et de missionnaires sur l'avenir de l'Amazonie.
Une introduction et une conclusion sont élaborées en commun par les 2 hommes "en hommage aux prêtres du monde entier", dans lesquelles ils expliquent qu'"un étrange synode des médias prend le pas sur le synode réel". Ils ajoutent qu'"il est nécessaire que tous, évêques, prêtres, laïcs ne se laissent plus impressionner par les erreurs à la mode qui veulent dévaloriser le célibat sacerdotal". Reconnaissant que "si l'idéologie divise, la vérité unit les coeurs", ils insistent bien sur le fait qu'ils offrent "ces réflexions dans un esprit de filiale obéissance au pape François".
Dans son texte Benoît 16 ne veut pas aller "vers une dictature du relativisme qui ne reconnait rien comme certain et ne retient comme critère ultime que son propre ego et ses propres intérêts". En 2009 déjà il dénonçait : "tout comme il existe une pollution de l'atmosphère qui empoisonne l'environnement et les êtres vivants, il existe aussi une pollution du coeur et de l'esprit qui mortifie et empoisonne l'existence spirituelle".
Et comme le célibat des prêtres est une proclamation de foi, il faut absolument le défendre comme "témoignage, c'est-à dire martyre". Le prêtre entre "dans une vie qui consiste à... renoncer à tout ce qui n'appartient qu'à nous. Tel est le fondement pour les prêtres, de la nécessité du célibat... de la méditation de la parole de Dieu et du renoncement aux biens matériels".
Benoît 16 ancre sa réflexion dans la profondeur de l'histoire. "Les prêtres de l'Ancien Testament ne devaient se consacrer au culte que durant des périodes déterminées ; le mariage et le sacerdoce étaient compatibles. Mais en raison de la célébration eucharistique régulière et souvent même quotidienne, la situation des prêtres de l'église de Jésus-Christ se trouve radicalement changée. Désormais leur vie entière est en contact avec le mystère divin. Cela exclut les autres liens qui, comme le mariage embrassent toute la vie". Pour Benoît 16 "sans le renoncement aux biens matériels, il ne saurait y avoir de sacerdoce...Le prêtre doit être une personne pleine de rectitude, vigilante, qui se tient droite". Il raconte un souvenir de la veille de sa réception de la tonsure, où il comprit :" le Seigneur voulait disposer entièrement de ma vie".
Le cardinal Sarah qui s'exprime en second dans le livre, pour 82 pages contre 42 pour Benoît 16, fait siennes les assertions du "pape émérite", en prélat venu de l'Afrique, donc des pays qu'on appelait il y a encore quelques temps le tiers-monde : "dans un monde miné par l'incroyance et l'indifférence, il est inévitable que l'apôtre souffre. Le prêtre brûlant de foi et d'amour apostolique prend vite conscience que le monde où il vit est comme renversé".
Il n'est donc pas concevable pour lui, que l'on touche au célibat des prêtres : "la possibilité d'ordonner des hommes mariés représenterait une catastrophe pastorale. Le célibat sacerdotal est l'expression de la volonté de se mettre à la disposition du Seigneur et des hommes"." Comment demander à un homme marié de changer de communauté en entrainant son épouse et ses enfants".
" Le concile Vatican II a mis en valeur la dignité du sacrement du mariage comme voie propre de sainteté par la vie conjugale". "Les enfants ont droit de jouir de toutes les ressources nécessaires à leur épanouissement". Et "de moins en moins de femmes émancipées acceptent de mener la vie exigeante d'épouse de clerc".
Qui plus est " on ne devient pas prêtre parce qu'il est nécessaire de combler un besoin de la communauté et qu'il faut bien que quelqu'un occupe le poste". "La prêtrise n'est pas une fonction mais un état de vie".
Et de reprendre la quasi-argumentation de Benoît 16 : "le passage du sacerdoce de l'Ancien Testament au sacerdoce du Nouveau Testament se traduit par le passage d'une abstinence sexuelle fonctionnelle à une abstinence ontologique...Le lien entre continence et célébration eucharistique n'a rien à voir avec un tabou rituel autour de la sexualité... La célébration de la messe suppose d'entrer de tout son être dans le grand don du Christ au Père".
Et de reprendre l'expérience personnelle : "en traversant les marais sur une pirogue de fortune, au milieu des lagunes avec une petite valise chapelle sur la tête ou en franchissant des torrents dangereux où nous craignions d'être engloutis, j'ai ressenti jusque dans mon corps la joie d'être tout entier donné à Dieu et disponible, livré à son peuple".
Le cardinal Sarah se place, dans son texte, sous l'autorité du pape François qui "a évoqué le nécessaire renouveau du zèle missionnaire". L'Eglise sait que "le sacerdoce traverse une crise. Des scandales détestables ont défiguré son visage... Les scandales sexuels éclatent à un rythme régulier, largement amplifiés par les réseaux sociaux. Ils nous couvrent de honte. Or au sein de l'Eglise les crises sont toujours surmontées par un retour à la radicalité de l'Evangile et non par l'adoption de critères mondains".
Et il s'adresse aux séminaristes et aux prêtres : " ne nous laissons pas prendre par la précipitation, l'activisme et la superficialité d'une vie qui donne la priorité à l'engagement social ou écologique comme si le temps consacré au Christ dans le silence était du temps perdu". "Le moment de la prière est le temps le plus important de la vie du prêtre". Pour le célibat "une préparation attentive est nécessaire... de même qu'un accompagnement tenace de la part de l'évêque, d'amis prêtres, de laïcs".
Le propos se termine par le rappel que "le pape François, en faisant siennes les paroles fermes et courageuses de Paul VI affirme : "je préfère donner ma vie plutôt que de changer la loi du célibat... Je ne suis pas d'accord pour permettre que le célibat soit optionnel".
Et pour répondre par avance aux critiques sur une éventuelle opposition entre les 2 papes, les 2 hommes Benoît 16 et le cardinal Sarah écrivent à 2 mains : "nous voulons demeurer éloignés de tout ce qui pourrait blesser l'unité de l'Eglise. Les querelles de personnes, les manoeuvres politiques, les jeux de pouvoir, les manipulations idéologiques et les critiques pleines d'aigreur font le jeu du diable, le diviseur, le père du mensonge".
.
26 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON