Benoît XVI, Sarkozy et les autres. Propos sur la secte et « l’autisme » des élites contemporaines
Je ne sais plus quel humoriste a dit qu’une religion est une secte qui a réussi. Mais je lui emboîterais volontiers le pas car on peut rire de tout, y compris des religions et avec les croyants si possible. Hélas, cette formule d’esprit est prise à la lettre par les athées, surtout ceux qui, férus des écrits de Michel Onfray, croient qu’une religion est forcément coercitive, source d’aliénation et d’enfermement, comme peut l’être une secte. En vérité, une religion n’a rien d’une secte, c’est même l’inverse, ce qui permet d’énoncer que…
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Une secte est une religion qui a échoué pourrions-nous affirmer. Dirons-nous aussi qu’une religion qui dégénère se transforme en secte ? Ou du moins, accueille en son sein des mouvances, des attitudes sectaires. Avec parfois des scissions, des jeux de pouvoir. Ce constat vaut aussi pour les politiques. N’est-ce pas un idéal, noble ou du moins légitime au départ, qui « réussit » en dégénérant et devenant sectaire ? Le cas du stalinisme est bien connu. Le nazisme fut lui aussi considéré comme émanant d’une secte ayant infiltré un Etat, au nom d’un idéal légitime, le peuple allemand, accompagné d’un dessein abominable et explicite, celui du sort réservé aux individus juifs, et ultérieurement étendu aux tziganes et aux handicapés.
La terminologie moderne utilise le mot intégrisme pour signaler certaines dérives constatées au sein des religions instituées depuis des millénaires. Qu’il s’agisse de l’hindouisme, du judaïsme, du christianisme, de l’islam, on trouvera de part de monde des groupements intégristes qui, et ce n’est pas un hasard, ont des connivences assez ténues avec le politique. Les intégristes catholiques sont proches des droites conservatrices, voire extrême, les intégristes de l’islam ont carrément fusionné le « religieux » avec le politique, certains rabbins orthodoxes juifs ont un discours radical qui se prolonge jusqu’au sein de la Knesset. Une secte est toujours le lieu d’un pouvoir s’exerçant depuis la tête, gourou, administration, maîtrise, vers la base, autrement dit les adeptes. La secte est l’endroit où l’on met sa liberté devant la porte en y entrant. Il n’y a aucune secte qui permette à l’individu d’acquérir la liberté. Si tel était le cas cela se saurait et puis une secte qui apprendrait à ses adeptes la liberté se dissoudrait en se niant dans son essence. Par contre, un adepte peut se libérer d’une secte mais ce n’était pas prévu dans le contrat de confiance avec le « gourou »
Le propre d’une secte est d’installer un monde à part, organisé autour de son chef spirituel qui dicte sa doctrine ou du moins, fait appel à un ensemble de textes permettant d’enseigner le mode d’emploi aux adeptes, avec deux volets, le matériel, ce qu’il faut faire pour donner des moyens à la communauté et surtout son chef, et le spirituel, autrement dit comment il faut penser. Le propre d’une pensée sectaire est d’être directive et d’introduire par voie de conséquence une distorsion de représentation dans la conscience de l’adepte dont la représentation du monde et de la vérité prend une orientation et produit une autre distorsion, celle d’avec le monde qui paraît alors corrompu, mauvais, faux, allant dans une mauvaise direction. Une secte peut même décider que le monde est voué au mal, sans salut, et conduire les adeptes aux suicide, pour un éventuel voyage vers Sirius. Dieu merci, la plupart des gens normaux fatigués de la société vont s’aérer une semaine aux Antilles ou à Palavas, pour décompresser. A l’échelle d’une nation, le nazisme est considéré comme ayant conduit l’Allemagne vers son suicide, ce qui est sensé mais tout de même exagéré.
La religion, qu’elle se place dans une option horizontale, réunir des individus différents, ou verticale, relier à la transcendance, n’a rien d’une secte. L’idéal du progrès, l’idéal universaliste, l’idéal humaniste, ne sont pas des pensées sectaires. Malgré les reproches faits à l’Eglise, la chrétienté a autant libéré les hommes qu’elle les a enfermés dans une doctrine. Tout le monde est accueilli dans une religion, parfois sous réserve d’une conversion officielle, et on peut tout aussi facilement en sortir. Y compris en faisant sienne la devise de G. Marx revisitée, je veux bien croire dans une religion à condition d’en être excommunié. Sans forcément adhérer à l’hagiographie de Chateaubriand, on conviendra que les religions ont toujours été accompagnées d’une production artistique conséquente et riche ; pareillement pour les idéaux émanant d’une sécularisation de la religion. Une société ouverte et libre produit un art foisonnant. Une secte n’a jamais produit de l’art, à moins qu’on admettre que la statue érigée à Castellane puis détruite en fut. Quant aux régimes politiques sectaires, ils brident la création artistique ou du moins, ils la canalisent et ce n’est pas ainsi que l’art s’épanouit.
L’essence du genre humain est faite de libido, qui, sublimée, devient créatrice et produit des œuvres lorsque l’homme est dans un champ de possibles, dans une société ouverte. Dans une secte, la libido est sublimée au service d’un horizon encadré par le chef. Elle est même parfois dirigée vers l’adoration du chef qui parfois, sait profiter de la chair des adeptes. Une société créatrice est à l’inverse d’une secte, elle laisse la liberté d’investissement de la libido créatrice, au service des pratiques transcendantales, avec le cas échéant l’amour des autres, ou du moins, la sympathique cordialité avec l’autre. L’énergie déborde et la société devient une œuvre sans qu’un chef n’ait décidé de la forme de l’œuvre. Un grand chef d’Etat se devrait de créer les conditions pour qu’une société s’invente et crée, inconditionnellement, sans servir ni le pouvoir des gouvernant, ni le pouvoir de l’argent. Pour cela, il faut que ce chef d’Etat soit à l’écoute de son peuple.
Or, n’avons-nous pas constaté un phénomène d’autisme du pouvoir ? L’usage de ce dénominatif n’est pas anodin. Alain Juppé l’a employé pour qualifier l’attitude du Pape face à la question du sida. Un Pape critiqué car enfermé dans sa propre vision et incapable de voir le monde tel qu’il est. Bref, une sorte de dérive sectaire. Le Pape enfermé dans une bulle tout à fait pontificale et qui pontifie depuis son piédestal. Et notre Président ? N’est-il pas lui aussi un peu autiste, à la manière du Pape, lorsqu’il prononce ses discours, s’entête dans des mesures aux effets pervers, comme par exemple les heures supplémentaires qui ont sensiblement aggravé le chômage. Comment faire confiance à un Président pour qu’il dirige la création culturelle ? Un Président qui a trouvé parfaitement adaptée et appropriée l’attitude des forces de l’ordre à Strasbourg alors que le maire lui-même, ses habitants, l’ensemble des observateurs et autres journalistes ont pointé de graves dysfonctionnements. Y aurait-il un Alain Juppé pour signaler au Président sa tendance à l’autisme, ou alors un Dominique de Villepin ? Ne comptons pas sur MAM, celle-ci étant aussi atteinte de troubles autistes, voyant à chaque coin de campagne des terroristes de l’ultra gauche.
Sous des apparences facétieuses, ce billet a pointé quelques traits inquiétants de nos sociétés avec un constat devant être élargi. L’autisme caractérise beaucoup de nos élites, dans les domaines économiques, financiers et politiques, notamment les administrations avec ces hiérarchies qui enfermées dans leur bureaucraties, ne comprennent pas ce qui se passe sur le terrain. C’est valable pour la santé, les médias, l’éducation nationale, la recherche, l’université. Les élites se sont coupées de la société. On dirait presque qu’une secte a pris le pouvoir, ici en France ou même ailleurs. Alors que la société tend à la stérilité. Parce que la libido du peuple est vampirisée par les cercles du pouvoir. Et une question, comment sort-on de cette situation ? Une nouvelle transparence, une fronde comme en 68, une révolution ? A moins que nous ne soyons tels des derniers hommes fatigués de pousser le chariot de la liberté, acceptant cette fatalité tant qu’il y aura du pain et des jeux !
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