BHL et la fin dramatique de Kadhafi
En Libye, le 20 octobre sera certainement retenu comme une date historique de grande importance. Et, assurément, il l’est. Il a mis un terme à plus de six mois de guerre civile et de bombardement des villes. Mais, ce jour, censé être un jour de libération, de joie et de fête pour un peuple ayant pendant 42 ans souffert d’un régime despotique incarné par une seule famille pour ne pas dire un seul homme, a été malheureusement entaché par le lynchage de Kadhafi par des insurgés faisant fi d’une règle élémentaire qui dit que, même en temps de guerre, on n’achève pas un blessé désarmé.
Ces imbéciles d’insurgés, en agissant de la sorte, ont, sans le savoir sans doute, rehaussé l’aura et le prestige de l’ex homme fort de Libye. L’Histoire retiendra que celui-ci avait tenu parole jusqu’au bout, qu’il n’a pas pris la poudre d’escampette et fui de son pays et qu’il est mort finalement comme un héro sur sa terre natale. L’Histoire retiendra aussi le comportement inhumain, sauvage, barbare de ces insurgés dont les médias de l’Occident ne tarissaient pourtant pas d’éloge et ce dès le début de cette guerre. On nous a, délibérément, fait croire que ces rebelles du CNT se battaient pour un noble idéal : l’instauration de la démocratie dans leur pays. Or, lyncher un homme blessé et sans arme, fusse-t-il le plus grand tyran du siècle, n’a rien d’un haut fait d’arme ! Tout le mal qu’a pu faire Kadhafi durant son très long règne se trouve ainsi relégué aux oubliettes de l’Histoire devant les images insoutenables prises par des téléphones portables et montrant sa longue agonie entre les mains d’une horde d’insurgés sans pitié, sans foi ni loi. Voila pour l’intro comme dirait un élève de Terminale lorsqu’il est prié par son prof de lire sa dissertation de philo. Sauf que votre serviteur ne se targue pas d’être un philosophe de la trempe de BHL, par exemple.
Maintenant, venons-en au fait !
Comme le laisse sous entendre le titre, cet écrit se propose de faire une petite digression sur la réaction du philosophe BHL à « la mort de Kadhafi ». J’étais sûr que celui qui se prend pour un « monstre » de la philosophie allait marquer l’évènement. Il ne pouvait laisser passer une occasion pareille sans se manifester. Sans réagir. Une occasion qui ne se re présentera pas de sitôt. Peut-être plus jamais. La mort d’un tyran n’est pas une banalité. Une chose courante. Un simple fait divers qui passe souvent inaperçu tant il est relégué au second plan sur les quotidiens. Et même si les tyrans sont légion en Afrique et ailleurs, ils ne finissent pas toujours comme ça. De façon tragique.
Philosophe qu’il est, BHL se devait d’intervenir dans le débat public et donner son point de vue et sa morale de l’Histoire. N’avait-il pas occupé, pendant longtemps, tout au long de cette guerre, l’espace médiatique aussi bien dans les titres de la presse quotidienne d’outre-mer et d’ailleurs que sur la toile ? Et cela évidemment pour une raison qui saute aux yeux : pas seulement parce qu’il excelle en philosophie (on a fait de lui le chouchou des intellectuels français) mais aussi et surtout parce qu’il prône une philosophie de la guerre ! N’était-ce pas lui qui avait, le premier, pris langue avec les premiers éléments de la rébellion et les avait convaincus de créer le CNT ? N’était-ce pas lui qui avait présenté ce CNT au président français Nicolas Sarkozy et avait usé de tout son savoir philosophique pour convaincre ce dernier de déclarer la guerre contre le régime de Kadhafi ?
Je m’attendais donc à ce qu’il nous dresse, sur son bloc-notes, une biographie post-mortem de Kadhafi dans laquelle, je disais dans mon for intérieur, pourraient peut-être se mêler son mea culpa d’avoir été l’élément déclencheur, si l’on peut dire, de cette guerre OTANo-libyenne contre le régime de Kadhafi et sa réjouissance qu’on ait fini par avoir la « tête étrangement et soudainement nue » de « ce criminel pitoyable ». Le mot réjouissance est peut-être trop fort. Car, comme l’a dit Nicolas Sarkozy « on ne se réjouit jamais de la mort d’un homme ». Cette réjouissance, BHL ne la condamne pourtant qu’à demi mots, « car il ya quelque chose, dans ce spectacle, qui me révulse », dit-il. Et d’ajouter juste après « Il y a, dans cette scène de lynchage, une sauvagerie qui me révolte et que rien n'excuse ». Pris peut-être de remords d’avoir largement contribué à cette mise à mort sauvage, à cette peine immorale, BHL a failli verser des larmes de crocodile sur le « cadavre en voie de décomposition » du tyran Kadhafi.
J’étais convaincu, chaque fois que je me connectais au journal « Le point.fr », que j’allais enfin y trouver sa tribune. Mon attente a duré quand même une bonne semaine puisque cette tribune, tant attendue, n'est parue que le 27 de ce mois. Pendant ce temps-là, BHL était ailleurs, préoccupé peut-être, à préparer une autre guerre contre l’un des régimes arabes qui répriment encore de la façon la plus sauvage (Syrie et Yémen) leurs populations. Ou peut-être qu’il ne voulait pas réagir à chaud aux images de Kadhafi au visage ensanglanté qui ont fait le tour de la planète en quelques minutes.
« La nuit porte conseil », dit l’adage. BHL, philosophe des ténèbres, ne s’est pas contenté d’une seule nuit, mais de sept nuits de réflexion et certainement de méditation avant de nous livrer, sous forme de tribune, sa vision des choses concernant « la mort de Kadhafi ». Et, comme tout philosophe qui se respecte, il n’a pas omis de citer deux de ses prédécesseurs : Sartre et Camus.
Et pour terminer, il n’y a pas mieux que ce commentaire d’un lecteur ou d’une lectrice de cette tribune de BHL : « BHL vous avez perdu le pouvoir des lettres. Votre philosophie est armée.
Vous avez perdu le droit à mes yeux de mentionner les noms de Sartre et Camus. Bonne chance aux portes de la Syrie ! »
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