BHL, Jean-Baptiste Botul et la candidate voilée du NPA
Il y en a qui prennent plaisir à se faire piéger par des philosophes qui n’existent pas, moi, je prends mon plaisir à ne pas me faire piéger par des philosophes qui existent.
J’ai mis au point pour cela une excellente méthode, c’est de s’abstenir scrupuleusement de les lire. Cependant, en la circonstance, je me devais de faire exception à cette règle. J’ai donc lu un texte de Bernard-Henry Levy, où celui-ci tente de se tirer d’affaire après avoir pris très au sérieux un texte gaguesque.
Tout d’abord, non seulement reconnaître les faits, mais les amplifier, en faire une sorte d’événement historique.
Eh oui. Ce livre de Jean-Baptiste Botul, paru en 2004 aux éditions des Mille et une Nuits et intitulé « La vie sexuelle d’Emmanuel Kant » (titre génial !), je l’ai souvent cité. Je l’ai commenté devant les Normaliens de la rue d’Ulm, le 6 avril dernier. Et je l’évoque donc, à nouveau, dans « De la guerre en philosophie » qui est le fruit de cette conférence.
« Je suis une dupe, mais une dupe grandiose, qui ne fait pas les choses à moitié ». Il faut reconnaître que faire une conférence à des Normaliens sur un gag, c’est plutôt géant.
Et « donc » rédiger dans la foulée un pavé sur le sujet, c’est très très fort.
Il faut remarquer toute la finesse du « donc ». Ce « donc » implique une sorte de logique, de naturel, à la chose. Comme une normalité dans l’erreur normalienne. Nous dépassons, et de loin, le « cogito ergo sum ».
« C’est ainsi que je ponds semble-t-il dire. Je conférence et donc je ponds. C’est ma nature philosophique, c’est ainsi que je procède. « Cot cot cot » et voilà mon œuf ». J’ai rarement vu, depuis Descartes, une signification aussi vaste et aussi profonde attribuée à cette modeste conjonction.
Et donc cette intention de s’inscrire dans l’Histoire des Nobles Victimes des Grandes Duperies est confirmée par le passage suivant :
Or il s’avère que c’était un canular. Et je m’y suis donc laissé prendre comme s’y sont laissés prendre, avant moi, les critiques qui l’ont recensé au moment de sa sortie ; comme se laissés prendre, autrefois, Pascal Pia et Maurice Nadeau au faux Rimbaud inventé par Nicolas Bataille et Akakia-Viala ; et comme se sont laissé prendre tant de lecteurs émérites aux faux Gary signés Ajar ou au faux Marc Ronceraille inventé, de toutes pièces, par Claude Bonnefoy qui alla jusqu’à lui consacrer un volume de la prestigieuse collection « Ecrivains de toujours ».
« Ah ! C’est qu’on va en parler longtemps de la manière dont un homme aussi intelligent que moi s’est fait avoir bêtement. Mon nom s’inscrit dans une liste glorieuse où figurent d’autres hommes éminents. Et au passage, admirez mon érudition. Preuve éclatante que ma petite étourderie, mon infime instant d’inattention ne prouve strictement rien quant à mon gigantesque savoir. Ma culture est en béton armé. Je reste un grand intellectuel français d’importance majeure. Ne venez pas vous frotter à moi : il vous en cuira ».
Enfin, pour achever cette brillantissime gestion de crise, se montrer beau joueur, se ranger dans le camp des rieurs, mieux encore, être le premier des rieurs, puisque je suis le premier en tout.
Le canular étant, comme vous savez, une tradition normalienne j’avoue même éprouver un certain plaisir à m’être laissé piéger, à mon tour, par une mystification aussi bien ficelée.
« Oui, c’est l’un des meilleurs moments de ma vie. Je m’en souviendrai longtemps, plié de rire. Ce fut, je l’avoue, un « certain » plaisir pour moi. »Est-ce un grand moment de la vie sexuelle de BHL ? Nous n’en saurons pas plus sur la nature de ce « certain » plaisir.
Mais les Normaliens, eux, rigolent-ils tant que cela d’avoir perdu leur temps avec la mystification si bien ficelée dont ils ne sont pas les auteurs et d’avoir voué leur admiration à une dupe ?
« Certes, je suis une dupe, mais d’un mystificateur de haut vol, pas d’un petit crétin. »
Un très brillant et très crédible canular sorti du cerveau farceur d’un journaliste du Canard Enchaîné, au demeurant bon philosophe, Frédéric Pagès. Du coup, une seule chose à dire – et de bon coeur. Salut l’artiste. Chapeau pour ce Kant inventé.
Mais glissons une once de sérieux. Revenons à l’essentiel, la seule chose qui compte.
Kant inventé mais plus vrai que nature et dont le portrait, qu’il soit donc signé Botul, Pagès ou Tartempion, me semble toujours aussi raccord avec mon idée d’un Kant (ou, en la circonstance, d’un Althusser) tourmenté par des démons moins conceptuels qu’il y paraît.
Quel dommage que cette excellente et brillantissime défense s’achève aussi pitoyablement.
« Quand un gag conforte mes a priori, il me paraît crédible et je ne vérifie pas mes sources. »
Qu’on se le dise !
Après avoir ainsi géré sa communication de crise, l’éminent penseur français se penche sur la vaste question qui agite les esprits les plus profonds : la mode vestimentaire féminine.
Olivier Besancenot demande à une femme voilée de porter les couleurs de son parti, aux prochaines élections régionales, en Provence Alpes Côte d’Azur. Cette décision est odieuse à trois titres…
Et j’avoue que là, je ne comprends plus très bien cette invective contre une musulmane engagée dans la lutte des classes, militante dans un parti laïque, féministe, luttant pour le droit à l’avortement, au motif de sa coiffe odieuse. C’est la musulmane idéale, celle de l’Islam rêvé, parfaitement assimilée, typiquement franchouillarde, distribuant des tracts et apportant la bonne parole anticapitaliste aux masses opprimées. Qu’a-t-il à aller lui chercher des poux dans la tête sous prétexte qu’elle porte le fichu de nos grand mères ? La coiffe de celle là précisément ne symbolise pas tout ce qu’il raconte. De tous les exemples de porteuses de fichu, il a choisi le plus mauvais, celui qui invalide totalement sa thèse sur le symbole que constitue le foulard. D’où sa prodigieuse et grotesque fureur qui s’applique au seul cas où elle ne peut pas s’appliquer.
Mais n’est-ce point la même démarche dans les deux cas ? Quand un gag conforte ses a priori, il ne vérifie pas ses sources. Pris en flagrant délit de naïveté grossière, il s’esclaffe jaune et lèche les bottes de celui qui l’a humilié. Quand un foulard ne conforte pas ses a priori, il entre dans une rage terrible et pique sa crise. C’est infantile. Le Pen est plus cool. BHL est déporté par son infantilisme à droite de Le Pen.
Hélas, ce comportement est représentatif de celui des maîtres à penser de gauche, antiracistes, antifascistes, antixénophobes lancés dans la chasse aux sorcières musulmanes. Derrière lui s’avance en rangs serrés la cohorte de ses thuriféraires, fine fleur de la pensée française républicaine, laïque et féministe.
Au moins Le Pen ne se prétend pas de gauche antiraciste, antifasciste et antixénophobe. Et lui, il laisse des musulmanes porter le foulard sans crier au scandale, même si elles sont candidates aux élections. Il les respecte dans leurs libertés citoyennes. Toute la classe des penseurs français, à la suite de BHL, s’est déportée à droite de Le Pen. Victime d’un gag, sans doute. Espérons qu’ils seront les premiers à en rire le jour où ils s’en apercevront.
J’aurai, donc, lu BHL et, donc, pondu un commentaire de sa prose. Et donc, c’est drôle, d’un seul coup, je me sens quelqu’un d’important. Mais je n’en lirai pas plus. La BHLite, ce n’est pas ma tasse de thé. Je n’ai pas de temps à perdre. Consacrer un post à un intello de gauche à droite de Le Pen, c’est amplement suffisant.
De cet immense penseur, je n’apprécie, je l’avoue, que sa femme, Arielle Dombasle. Et je ne lui demande pas de porter la burqa, tout au contraire ! D’ailleurs, je n’ai écrit ce texte que pour me faire remarquer d’Arielle. Son mari est si facile à tromper…
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON